Technicien en bâtiment durant une grande partie de sa vie, Ghislain Bernard a opéré une reconversion professionnelle, à partir de 2005 à l’âge de 45 ans, pour assouvir sa passion en devenant batelier. Le Mosellan a découvert le milieu fluvial dès 1976, sur la péniche qu’un ami, directeur d’un organisme culturel, voulait transformer en bateau-logement. « Avec deux autres potes, on lui avait donné un sérieux coup de main pour l’aménagement intérieur. Et durant les vacances, on partait un mois avec lui. C’était sa manière de nous remercier. Ma soif de naviguer est partie de là et n’a jamais cessé de se développer par la suite. »
DU BTP AU TRANSPORT DE MARCHANDISES
À tel point qu’en 2005, Ghislain choisit de larguer les amarres « pour éliminer une frustration ». Celui qui avait tour à tour été maçon-coffreur, chef d’équipe et de chantier dans le BTP prépare alors une certification de qualification professionnelle avant d’obtenir son permis de naviguer au terme d’une formation passée à Rouen pour la partie théorique et sur le bassin Saône-Rhône pour la pratique. À partir de là, il va découvrir au fil des années et des expériences, le transport de marchandises. « J’ai d’abord exercé à la Compagnie Fluviale de Transport en travaillant sur des pousseurs. Des convois de 172 m de long et de 4 600 tonnes de port. On chargeait des barges avant de les convoyer et de les décharger. Cela m’a permis de connaître dix familles de produits y compris les plus lourds comme les rotors et strators de centrales nucléaires ».
Par la suite, Ghislain rejoint des compagnies helvétiques (Bragtank et Fluvia), toutes deux spécialisées dans le transport d’hydrocarbures et de produits chimiques. « J’occupais un poste de timonier en étant missionné sur les opérations de chargement et déchargement. Un travail très technique car la réglementation en vigueur était très pointue. J’assurais aussi la maintenance de tous les organes du bateau, notamment les moteurs et gouvernails ». Total changement de cap en 2018 lorsque Ghislain retourne en Moselle pour devenir capitaine d’un bateau-mouche de 50 passagers appartenant à un restaurateur. « C’est ainsi que j’ai découvert le transport de personnes et une autre facette du métier. Ce qui m’a beaucoup intéressé et donné des idées ».
L’ACHAT DU RAMSÈS
Fort de ce qu’il avait appris à Metz, Ghislain Bernard finit ainsi par concrétiser un rêve. Fin 2021, il achète son propre bateau. « Ça me trottait dans la tête et j’ai eu raison de prendre mon temps. Cette patience m’a permis d’acquérir « Le Ramsès », un bateau se trouvant dans la base de location de Seveux (Haute-Saône) sur lequel j’avais des vues depuis 32 ans. À l’annonce de sa vente, parue dans la revue « Fluvial », et malgré mes 62 « balais », j’ai recherché des prêts et les financements nécessaires pour établir le budget prévisionnel nécessaire à la création d’une petite entreprise. La Banque populaire m’a accompagné dans ce projet ».
« Notre offre répond à une demande très forte de la population locale, des touristes belges, néerlandais et nordistes ainsi que des associations et comités d’entreprise. »
Restait alors à contacter les propriétaires suisses afin de négocier l’achat pour 57 000 euros. Soit 24% du prix neuf auquel Ghislain a ajouté par la suite 33 000 euros de travaux. C’est à Charleville-Mézières, là où il a connu sa compagne ardennaise, que Ghislain entame une nouvelle aventure. Amarré au ponton du Mont-Olympe, à proximité du plus grand port fluvial du Grand Est (84 places). Après s’être mis en relation avec l’agence départementale du tourisme et Ardenne Métropole qui lui a alloué une subvention de 15 600 euros ainsi que la Ville de Charleville-Mézières, laquelle s’est chargée de la signalétique des croisières, Ghislain travaille désormais pour son propre compte. Il lui aura fallu un an de démarches et d’efforts pour en arriver là.
DÉBUT DES CROISIERES CET ÉTÉ
Depuis le 13 août, date de sa mise en service, le Ramsès, « véritable appartement sur l’eau », long de 13,5 m, large de 4 et doté d’une habitabilité confortable avec deux grandes chambres, deux salles de bain avec WC et douches, un grand carré cuisine, une plage avant et une terrasse à l’arrière, a déjà accueilli plus de 500 personnes. Quatre types de croisière pour dix personnes sont proposées au public sur une boucle de huit kilomètres aller-retour aux paysages verdoyants allant du contrebas de la passerelle du Mont-Olympe jusqu’au square Bayard à Mézières. Sept à huit rotations quotidiennes sont programmées jusqu’à fin octobre si la météo le permet.
Au fil de l’eau, le capitaine joue aussi le guide en évoquant l’histoire des Ets Deville, du quartier des Forges Saint-Charles, de la Préfecture des Ardennes, de l’avenue d’Arches, du haut immeuble inachevé de la Porte de Bourgogne, des maisons aux casques à pointe de l’avenue d’Arches, de la Basilique de Mézières et des deux crues centenaires de 1993 et 1995. « Je me suis documenté en allant régulièrement au Archives départementales », précise-t-il.
Il est aidé dans sa tâche par une matelote, Virginie, 32 ans. Cette ex-hôtesse d’accueil à Cora et équipière chez Mac Donalds est chargée des commandes, des réservations, des encaissements, de l’accueil client et de l’entretien du bateau. Cette petite équipe entend bien apporter une plus-value à la saison touristique ardennaise. « Pour le moment et malgré quatre mois de retard sur le calendrier initialement prévu, ce n’est que du positif. Nous bénéficions d’un bon courant d’affaires. Notre offre répond à une demande très forte de la population locale, des touristes belges, néerlandais et nordistes ainsi que des associations et comités d’entreprises intéressées pour la privatisation du bateau durant quelques heures. J’ai même été approché par des EPAHD. C’est une entrée en matière qui va au-delà de mes espérances même si je savais qu’il y avait un énorme potentiel ici ».