« Gautier s’est totalement révélé au fil des festivals. C’est une force de travail qui a bien compris l’ADN de notre association. C’est quelqu’un qui est aussi apprécié pour sa diplomatie ! » confie le Directeur du Cabaret Vert, Julien Sauvage. Fils de boulangers réputés à Charleville-Mézières, Gautier Delille, après avoir obtenu un bac scientifique au lycée Chanzy, a pourtant d’abord voulu suivre la filière familiale. Il part alors à Rouen, à l’Institut National de la boulangerie-pâtisserie, pour suivre les fondamentaux du métier et les techniques de fabrication de pains et viennoiseries. « À l’origine, c’était la pâtisserie qui m’intéressait mais il était difficile de dénicher une formation spécifique post-bac dans ce domaine. J’ai donc opté pour le métier de boulanger qui réclame de l’habileté manuelle, des connaissances techniques, une rigueur dans l’application des process, une bonne forme physique en raison des cadences quotidiennes et une station debout prolongée. J‘aimais aussi cultiver la levure car ça se rapprochait de la brasserie. »
Une fois obtenu son BEP en méthode accélérée, Gautier Delille débute sa vie active comme ouvrier-boulanger à Lille, dans un commerce du quartier de La Madeleine où il poursuit, sur le tas, son apprentissage en améliorant ses connaissances. « C’est là que j’ai vraiment découvert ce travail manuel et artisanal », se remémore-t-il. De retour dans les Ardennes, en 2004, il fait la connaissance à la Brasserie Ardennaise de Julien Sauvage qui lui parle alors, entre deux bières, de son projet de festival.
« J’ai d’abord pris part à son côté à Espèce Rock dans l’espace Lebon à l’occasion de « Tambours de fête », mis en place par l’AME, l’école des musiques actuelles du territoire d’Ardenne Métropole. Ce fut ma première approche avec le monde des concerts car, à l’époque, je n’étais pas spécialement fan de musique. Ce premier jet donna naissance un an plus tard au Cabaret Vert ». En 2005, à l’occasion de la première édition du festival, « Goth » démarre sa saga avec le Cabaret Vert. « J’ai proposé à Julien de le suivre à l’intérieur de l’évènement en m’occupant de la boulangerie mais en exigeant que celle-ci soit artisanale. J’étais aussi intéressé par les arts de la rue car à l’époque je jonglais et étais cracheur de feu amateur. J’avais commencé à exercer dans les parcs lillois ». Aux côtés des pionniers, ses potes Alberto Fernandez, Yves Schneider, Benjamin Laurent et Céline Thirion, Gautier Delille s’occupe de la gestion des bénévoles lors d’un week-end qui rassemble alors 10 000 spectateurs.
Le 1er salarié de flap
Après avoir œuvré durant deux ans dans une boulangerie de Sedan, il est tenté par une expérience à l’étranger et part, en début d’année 2006, faire du pain en Australie chez un Français installé à Brisbane, la capitale du Queensland... Avant de s’octroyer trois mois de vacances à Sydney et de rentrer à Charleville-Mézières juste avant la seconde édition du Cabaret Vert. « Cette année-là, comme je n’étais pas forcément prévu dans l’organigramme général, je n’avais pas de responsabilités spécifiques. J’étais un peu le joker sur des postes divers et variés ».
La situation va évoluer en novembre 2006. « Julien (Sauvage) passant beaucoup de temps à assurer la gestion de la manifestation, il m’a proposé un contrat de travail à durée déterminée. Lors de l’édition suivante, j’ai donc enchaîné des journées assez rock and roll en prenant mon poste de travail en boulangerie à trois heures du mat’ après les derniers concerts au stade Bayard ! »
« J’ai beaucoup profité de l’expérience des partenaires pour grandir avec l’évènement »
En mars 2007, Gautier Delille passe à plein temps en devenant le premier salarié de l’association Flap dont il devient le coordinateur. « J’étais à la fois chargé de l’organisation et du montage du festival, de la gestion très prenante des bénévoles et des campagnes d’affichage et de promotion. Il m’est même arrivé, même si ce n’était pas ma spécialité, d’établir des dossiers de subvention et aussi de faire des suivis de comptabilité au côté du trésorier, ce qui me gênais moins car j’ai toujours aimé les chiffres », confie-t-il. « Très vite, toutefois, je me suis progressivement orienté vers la partie technique, à savoir l’aménagement du site. »
Grandir avec l’événement
En 2015, il devient officiellement directeur technique du festival en 2015, un job qui englobe la plomberie, l’électricité, la menuiserie, les connexions internet et l’encadrement des équipes techniques. « Ce boulot, c’est l’équivalent d’un rôle de chef de chantier. Durant trois semaines, l’objectif est de préparer l’ensemble de l’infrastructure, la réception des matériels et l’accueil des différents prestataires qui installent les stands, bungalows et chapiteaux. » Il faut aussi s’assurer que tout le monde est bien en place au moment de l’ouverture et de la fermeture du site. « Enfin, durant les soirées, je suis en mode astreinte pour m’assurer que tout fonctionne au mieux et en corrigeant le tir en cas de soucis ou de pannes. La musique n’étant pas mon alpha et mon omega, je préfère, de loin, me consacrer à la lecture, ce qui en surprend beaucoup ! Cela ne me dérange donc pas de travailler lorsque le festival bat son plein ». Ce vrai couteau suisse, totalement autodidacte, a dû se former en diplômes pour la sécurité et en passant par exemple ses CACES chariots télescopiques et élévateurs pour conduire des engins. « J’ai aussi beaucoup profité de l’expérience des partenaires pour grandir avec l’évènement ». En l’espace de vingt ans, il a ainsi vécu les différentes évolutions de l’évènement majeur culturel du Grand Est.
« Le développement de la zone de La Macérienne, le lancement de Face B après la période Covid, le montage de ponts sur la Meuse, le renforcement de l’équipe technique qui comprend, aujourd’hui, quatre salariés permanents avec les arrivées de Yann Raguet qui gère l’ensemble des scènes, de Nicolas Legendre qui m’assiste sur la sécurité et de Christophe Millau qui gère la logistique. Sans oublier le concert de Johnny Hallyday au stade Louis Dugauguez, une soirée épique car mettre en place un concert sur un tel terrain de jeu est quelque chose de bien différent ».
Gautier Delille se réjouit déjà des futurs chantiers et notamment celui du réaménagement de la friche de La Macérienne « qui va devenir un lieu de développement durable » avec l’aide de l’association Trapèze et enfin la valorisation de la Meuse qui deviendra le cœur des évènements. « Bref, il y a encore de belles perspectives et de jolis défis à relever » se réjouit « Goth » qui se voit encore continuer quelques années encore, car « on ne m’a pas totalement épuisé ».