Gaël Chaunut est un homme de racines. C’est peut-être pour cela qu’il a choisi de travailler le bois, plutôt que la vigne, alors même que sa famille possède une petite exploitation d’un hectare du côté de Germigny. « L’exploitation était trop petite pour que j’y travaille à temps plein, et puis, je n’aimais pas non plus excessivement le travail de la vigne », concède-t-il. En revanche, le bois, matière noble et vivante « grâce à laquelle on peut fabriquer tellement de choses », l’attire depuis toujours. C’est pourquoi, dès sa sortie de troisième, il décide de s’orienter vers le lycée viticole de Beaune, en Bourgogne, afin d’y effectuer un CAP Tonnellerie.
Ainsi, il garde un pied dans le milieu viticole qu’il affectionne par ailleurs. Il enchaîne ensuite avec un CAP menuiserie et ébénisterie dans l’optique d’intégrer la Tonnellerie de Champagne, et revenir dans sa région d’origine. Ce choix est aussi dicté par la physionomie de l’entreprise, une tonnellerie qui reste artisanale avec un savoir-faire ancestral. « Je ne voulais pas travailler dans une tonnellerie industrielle, avec des machines certes performantes et qui permettent de sortir des centaines de tonneaux à la journée mais où l’on perd le contact avec l’objet et la matière brute », relève Gaël Chaunut.
De la fabrication à la réparation
En 2003, retour en Champagne où il intègre les Compagnons du devoir, en alternance avec la tonnellerie. Là, il apprend tous les rudiments du métier et s’y perfectionne au fil des ans : « J’y ai appris la fabrication de fûts neufs, celle de foudres, beaucoup plus imposants car ce sont des contenants de 1 000 litres mais aussi la réparation. Le façonnage du bois est une étape importante car elle demande beaucoup de précision. Puis il y a aussi la chauffe et le travail de finition… C’est très varié », note-t-il.
« Garder le côté artisanal de mon travail est incoutournable. Je ne voulais pas évoluer dans un environnement industriel, avec des machines certes performantes mais où l’on perd le contact avec l’objet et la matière brute. »
À la main, la fabrication d’un fût prend une dizaine d’heures, « on travaille des grumes (troncs coupés, ndlr.) de cinq ou six mètres de long ! ». Pour cette même durée, de manière industrielle, un tonnelier façonne trois ou quatre tonneaux… « Par an, je fabriquais 300 à 400 fûts, dont un certain nombre sur-mesure… La Tonnellerie de Champagne travaille principalement avec les vignerons de Champagne-Ardenne. »
Un métier qui évolue
Au bout de 17 années cependant, Gaël Chaunut a envie de « voir autre chose » et l’occasion se présente d’intégrer la Maison Bollinger, seule Maison de champagne à disposer de son tonnelier maison. Là, il intègre le Cellier et a l’occasion de toucher à d’autres parties de l’élaboration du champagne. « Lors des vendanges par exemple, je participe au remplissage des fûts. Une fois la fermentation terminée, il faut finir de les remplir pour compenser ‘‘la part des anges’’ », détaille-t-il, avant de participer également au soutirage.
« Concernant les tonneaux, mon travail est aujourd’hui différent. Je ne fais plus que de la réparation de fûts, car la Maison Bollinger ne travaille qu’avec des tonneaux de 15 ou 30 ans, ayant déjà accueilli plusieurs vins auparavant. » Contrairement à une cuve en inox, le tonneau a besoin d’être préparé afin d’avoir une qualité optimale au moment de recevoir le moût de raisin. Six à huit semaines en amont des vendanges sont nécessaires à la préparation.
Pompier sur son temps libre
La préoccupation principale : l’étanchéité. Première étape, les tonneaux sont abreuvés d’eau. Ils sont ensuite nettoyés, intérieur et extérieur, grâce à une machine puis sont séchés à l’air libre. Enfin, ils sont méchés avec une pastille de soufre afin d’éliminer les dernières bactéries. « On ne cherche pas à avoir une note boisée mais le tonneau agit comme un révélateur. Il est là en soutien, en support ». C’est pour cela que la Maison Bollinger s’approvisionne en fûts d’occasion, vieux de plusieurs années. Ce sont 10% du parc d’environ 4 000 fûts qui passent entre les mains de Gaël Chaunut. D’un coup d’oeil, le tonnelier détecte les imperfections, imperceptibles pour un néophyte. D’ailleurs, le travail acquis au fil des années a été accompagné par ses propres outils. « Chaque tonnelier a son matériel, ses propres outils, car il va être habitué au poids de ceux-ci et donc à la force et au mouvement qu’il va falloir mettre et effectuer derrière. » C’est pourquoi le passionné n’hésite pas à se rendre sur les brocantes pour chiner des outils centenaires.
« Le savoir-faire de la tonnellerie est le même depuis des années et parfois, on fait de très belles trouvailles sur les étals des brocanteurs. Et puis quand on ne trouve pas ce qu’on veut, on bricole des outils maison ! » Lorsqu’il n’écume pas les brocantes de la région, à la recherche de la pièce rare qui lui permettra de perfectionner toujours plus son geste, Gaël Chaunut est aussi pompier volontaire au CPI (centre de première intervention) de Gueux, de l’autre côté de la montagne. « J’ai une vie bien remplie ! » confie-t-il. « Quand je suis d’astreinte, ce que je fais sur mon temps libre, je peux être appelé plusieurs fois dans la semaine. Mais j’aime ça. Rendre service aux autres, être présent quand les gens en ont besoin, c’est aussi vital pour moi », livre tout en pudeur le tonnelier.