

En 2021, la ministre de la Culture charge Frédéric Maurin d’une mission d’appui et de prospective auprès de l’Institut International de la Marionnette. « J’étais chargé de remettre de l’ordre pour sécuriser et consolider la marionnette à Charleville-Mézières. Il fallait créer une tête de réseau pour les arts de la marionnette et cette mission était aussi la preuve que, pour la première fois, l’Etat considérait la marionnette comme un enjeu structurant important », se souvient-il. Les conclusions de ce rapport préconisaient la fusion de l’association « Les petits comédiens de chiffons » et de l’Institut international de la marionnette en une seule entité pour en faire le pôle international de la marionnette Jacques Félix.
Considérant que Frédéric Maurin était très investi dans le champ de la marionnette - à l’époque, il dirigeait encore le Mouffetard à Paris - Roselyne Bachelot le promeut président de la nouvelle structure. Désormais conseiller permanent, il accompagne Pierre-Yves Charlois dans sa mission de directeur du festival mondial tout en étant à la tête d’un pôle de référence employant une vingtaine de salariés et doté d’un budget de quatre millions d’euros. Un aboutissement pour ce personnage qui a suivi un parcours atypique.
Baigné dans un monde imaginaire, il passe une scolarité chaotique « en raison de l’instabilité familiale, d’une inadaptation totale au système éducatif et de mon côté rebelle », admet-il. Allant d’échec en échec, Frédéric se résout donc à travailler avant la fin de la seconde. « J’ai débuté dans la vie professionnelle d’abord sur des fours à pare-brise chez Saint-Gobain, puis en radio stérilisation et aussi au rayon fromage d’un hypermarché ».
Puis, petit à petit, il glisse vers l’éducation populaire et sportive. « J’ai passé mon BAFA, je suis devenu animateur, moniteur de ski et j’ai passé un certificat d’aptitude à l’enseignement de la voile. Je croquais alors la vie par tous les bouts en conjuguant des boulots saisonniers ou en intérim. La vie était belle dans les années 70, on pouvait rebondir d’un boulot à l’autre et se faire un petit chemin ».
Comédien
Au cours de l’été 1980, Frédéric Maurin fait une rencontre capitale pour son avenir. « Les hasards de la vie m’ont fait connaître le metteur en scène et homme de théâtre, Pierre Orma, qui m’a proposé de jouer un rôle de chevalier dans « La seconde surprise de l’amour » de Marivaux ».
C’est l’étape fondatrice d’une nouvelle carrière, celle de comédien. Dans la foulée, il est embarqué en juillet 1981 au festival de Saint-Emilion pour jouer en plein air dans une comédie en trois actes. « Dans le premier, je n’avais pas été bon, dans le second, j’ai surnagé et dans le troisième, j’étais acceptable ». Cela lui donne envie de suivre les cours de l’école Charles Dullin de 1982 à 1984 afin d’entrer de plain-pied dans le métier d’acteur qu’il exercera pendant 23 ans.
« Mon parcours s’est forgé sur la foi dans la vie et les hommes ».
« Le fait d’avoir côtoyé de grands noms comme Geneviève Casille, Hubert Gignoux et Richard Fontana que je regardais avec de grands yeux a renforcé mon appétence pour ce milieu ».
Après avoir connu une expérience dans le festival « in » d’Avignon comme acteur de complément de la troupe de la Comédie Française, Frédéric Maurin fait un peu de cinéma notamment dans un film de Patrice Lecomte « Monsieur Hire », mais prend surtout part, de 1981 à 2004, à 25 créations en tournées nationales et internationales.
« Je préférais le monde du théâtre, le rapport direct avec le public, la montée d’adrénaline que représentait le trac. C’est une émulation intellectuelle et émotionnelle très forte. On a parfois l’impression de mettre sa vie en jeu alors qu’on ne fait que jouer la vie d’un autre ».
Au cours de ce parcours, en 1986, il va aussi connaître une comédienne, Karine, sa « compagne de vie et de cœur », qui deviendra son épouse.
« On s’est très bien complétés dans nos parcours professionnels respectifs, on s’est co-construits l’un et l’autre et je lui dois beaucoup ».
La découverte de la marionnette
En 1995, Frédéric Maurin va collaborer à la création de plusieurs spectacles du marionnettiste et metteur en scène Roland Shön. « Il m’a engagé pour interpréter un seul en scène qu’il avait écrit en me disant : « J’ai besoin d’un comédien qui manipule, je ne veux pas d’un manipulateur qui joue ». Plus de 1 200 représentations de ce spectacle qui s’intitulait « Les trésors de Dibouji » ont suivi. Ce spectacle-évènement m’a accompagné jusqu’en 2003, je l’ai joué dans toutes les scènes nationales et dans le monde entier dont des lieux d’excellence comme le Kennedy Center à Washington ».
Après plus de vingt années de tournées et de créations, Frédéric Maurin choisit en 2003 de suivre la formation du GRETA des Arts appliqués où il obtient un master en administration et production de spectacle vivant.
En 2004, après avoir accompagné la création de L’Hectare, alors délégataire de service public pour la Ville de Vendôme, il en prend la direction jusqu’en 2023. En 2012, il transformera ce projet de Théâtre de ville en Scène conventionnée pour les arts de la piste et de la marionnette puis, en 2015, en Scène conventionnée et centre national de la marionnette. Il est alors à la tête d’une équipe de huit salariés.
Parallèlement à cela, en 2013, il crée la biennale internationale « Avec ou sans Fils », en Centre Val de Loire, aujourd’hui sur le territoire vendômois. Animé aussi par un fort engagement militantiste, il co-fonde le réseau Latitude Marionnette en 2013, qu’il préside jusqu’en 2022 et prend aussi la tête de 2019 à 2023 du syndicat national des scènes publiques.
« Je me suis toujours investi afin d’obtenir, grâce à mes réseaux, des moyens supplémentaires pour les marionnettistes qui avaient du mal à s’épanouir dans une discipline en souffrance et qui était un moment le parent pauvre des spectacles vivants ».
Frédéric Maurin a aussi contribué à la rédaction du référentiel métier du diplôme national supérieur professionnel des comédien, option marionnettistes et activement participé à la réflexion et la création du label « Centre national de la marionnette ». « Grâce à ma foi dans la vie et les hommes, j’aurai ainsi permis de co-construire avec d’autres des choses qui se pérennisent et sont utiles pour la collectivité » conclut-il humblement.