Fabien Domelier
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Fabien Domelier

Créateur de chocolat(s).

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Photo de Fabien Domelier
Depuis son retour dans les Ardennes, Fabien Domelier a investi plusieurs centaines de milliers d’euros dans des matériels de chocolaterie : un torréfacteur (photo), des tempéreuses et enrobeuses, des moulins et un concasseur. (Crédit : PR)

« Le chocolat je l’ai découvert par gourmandise et aussi parce que, depuis ma naissance, j’ai grandi dans le milieu de la gastronomie car mes parents ont tour à tour tenu le restaurant Le manoir du Mont-Olympe et une boulangerie-pâtisserie à Charleville-Mézières. À partir de 2019, j’ai voulu me lancer dans l’aventure en devenant chocolatier autodidacte. »

Une passion gourmande

Devenu le premier artisan bean-to-bar (modèle commercial dans lequel un fabricant de chocolat contrôle la fabrication du produit depuis l’approvisionnement en fèves jusqu’à la création du chocolat final de consommation) dans les Ardennes, Fabien Domelier a intégré, il y a cinq ans, la boulangerie-pâtisserie familiale tenue par Albéric et Marie-Ange, ses parents, pour y fonder « Carré Du Monde », sa propre marque de chocolat.

Dans la foulée, il ouvre aussi une seconde boutique « Mont Olympe », où il crée dans l’arrière-salle une fèverie, là où il maîtrise toutes les étapes de fabrication du chocolat : tri des fèves issues de contrées lointaines, torréfaction, refroidissement, broyage (pour séparer les fèves de leur peau et récupérer le grué), chauffage et affinage au cours duquel du sucre, du beurre de cacao et du lait peuvent être ajoutés en fonction de la recette. Et pour finir, le concassage et le conchage. Tout cela pour aboutir à un chocolat haut de gamme et savoureux.

C’est le concept du bean-to-bar (de la fève à la tablette), un savoir-faire artisanal réclamant technicité, exigence gustative mais aussi éthique. « Je ne veux pas d’un produit standard. Je souhaite offrir aux amateurs de chocolat l’opportunité d’allier gourmandise, saveurs hors du commun et consommation responsable », souligne le jeune homme.

Avec Carré Du Monde, son ambition est de faire découvrir les origines, le terroir et le profil aromatique du chocolat, grâce à la sélection de matières premières ultra-prémium 100 % tracées et cultivées au cœur d’écosystème vertueux, dans le respect de l’environnement et de l’Homme. « Le chocolat, ça se travaille comme un grand vin. »

Un projet longuement mûri

Très vite attiré par le commerce, Fabien Domelier reconnaît avoir eu le déclic après son bac ES, en obtenant tour à tour un DUT Technique de commercialisation puis une licence de commerce et gestion d’entreprise, par le biais du CNAM, à Reims. Fort de ses diplômes, l’Ardennais entame sa vie active à Bordeaux au sein du groupe agroalimentaire Euralis en oeuvrant pour le charcutier- traiteur industriel Stalaven. Il débute son parcours commercial comme chef de secteur. « J’ai beaucoup appris durant cinq ans en tant que vendeur auprès des commerces de proximités : restaurateurs, charcutiers, boulangers et traiteurs. Le travail était intéressant, je bénéficiais d’un très bon niveau de vie mais je ne m’y retrouvais pas en terme de valeurs. Cela ne ressemblait pas à mon éducation. »

« Mon projet personnel, à ma petite échelle, était de maîtriser ma propre filière et la traçabilité des produits »

Ayant toujours « une envie entrepreneuriale », Fabien Domelier décide de « de tout plaquer et repartir à zéro » et s’intéresse alors aux dessous du monde du chocolat et du cacao. « Ce que j’ai découvert n’était pas bien joli par rapport au respect des droits humains et environnementaux. Mon projet personnel, à ma petite échelle, était de maîtriser ma propre filière et la traçabilité des produits. Au lieu d’acheter des blocs de chocolat, mon idée était de partir de la fève de cacao dénichée hors cours et en partenariat avec des sourceurs pour distribuer un produit fini correspondant à mon éthique », avance-t-il. Son projet mûrit en 2017 et, l’année suivante, il s’efforçe de trouver des fournisseurs pour aller « de la fève à la tablette ».

Du garage de ses parents à son propre laboratoire

« Grâce au soutien de la meilleure cheffe chocolatière au monde, Hasnaâ Ferreira, gérante de Hasnaâ Chocolat Grand Crus, à Bordeaux, qui m’a ouvert ses portes en me prenant en stage, j’ai appris à mieux connaître la fève de cacao comment la sélectionner et la valoriser, pour en faire un super chocolat. C’est chez elle, en plus de recherches personnelles, que j’ai préparé mon lancement dans le garage de mes parents avec du petit matériel. »

Après douze mois concluants, Fabien Domelier fonde donc en 2019, sa propre marque dans la boulangerie-pâtisserie familiale de Charleville-Mézières. Il peaufine alors sa stratégie et les recettes à mettre en place pour monter progressivement en puissance. Ce qui l’amène à ouvrir un second magasin « Le Mont Olympe » tout en y installant un atelier 100 % dédié à la fabrication de chocolats : tablettes « pure origine », pralinées et confiseries chocolatées (ganaches, écailles d’ardoises, oursons bleu, nougâtines…).

En avril 2020, Fabien Domelier met en vente sa première tablette de chocolat 100% éthique. En l’espace de cinq ans, celui qui a choisi de passer d’une place confortable de salarié à un métier très prenant et rigoureux mais « beaucoup plus passionnant et motivant » ne regrette pas ce choix de vie. En dépit d’un départ compliqué.

« Je n’ai pas eu beaucoup de chance en ayant été successivement freiné par les manifestations sur la réforme des retraites, le Covid, le premier confinement, la guerre en Ukraine, la hausse colossale des coûts de l’énergie et l’explosion du cours du cacao. Ce qui m’a obligé à importer dès avril deux tonnes de matière première afin de diminuer l’impact de l’inflation ». Mais aujourd’hui, grâce à un solide réseau, à la vente en ligne, à l’expédition sur toute la France métropolitaine et à la diffusion de ses produits dans une dizaine d’épiceries locales, Fabien Domelier parvient à développer son affaire.

Profitant des opportunités se présentant sur le marché local de l’immobilier, il a, par ailleurs, acquis un fonds de commerce à Montcy-Saint-Pierre au lieu-dit « Les six chemins » afin d’y ouvrir une troisième boulangerie avec un atelier chocolaterie-confiserie « pour répondre à de nouveaux défis ». Elle ouvrira à l’automne et pourrait, au rythme d’une à deux journées par mois, être ouverte au public. L’ensemble familial comprendra alors 18 personnes : apprentis, ouvriers, vendeurs, employé administratif et dirigeants inclus.

Enfin, d’ici la fin d’année, il envisage de racheter l’affaire de ses parents en devenant président et principal actionnaire des boulangeries « Le Mont Olympe ». « C’est en train de se faire sans brusquer les choses... »