

Petites Affiches Matot Braine : Lise Magnier, comment avez vous accueilli la déclaration de politique générale du Premier ministre ?
Lise Magnier : Tout d’abord, cette déclaration de politique générale est devenue un exercice très compliqué parce qu’on voit bien qu’en un peu plus d’une heure on attend du Premier ministre qu’il aborde l’intégralité des sujets de la France et qu’il n’oublie absolument personne, ce qui est intenable.
Je trouve que François Bayrou a plutôt réussi les choses avec effectivement des messages d’abord de vérité et de clarté absolue sur les grands sujets d’actualité, que sont la réforme des retraites ou l’immigration, tout en essayant de définir une méthode et une méthodologie de travail pour pouvoir avancer, ce que d’ailleurs Michel Barnier avait aussi essayé de faire.
Chez Horizons, nous le disons depuis le 10 juin, notre sujet c’est de savoir comment l’arc républicain peut arriver à composer une majorité stabilisée. Cela demande un changement de méthode car depuis la dissolution, chacun y va de sa ligne rouge, de son exigence, au lieu de regarder les points sur lesquels on devrait pouvoir effectivement trouver des accords pour redonner de la stabilité politique. C’est quand même l’avenir du pays qui est en question. La France ne peut pas avoir trois ans d’immobilisme, quand on voit à quel point le monde bouge à toute vitesse. C’est pourquoi je pense que la méthode qui consiste à dire « regardons ce sur quoi on peut se mettre d’accord et ce sur quoi on peut avancer » est plutôt la bonne.
La motion de censure ayant été rejetée, que peut-on attendre des parlementaires en 2025 ?
L.M. : On peut tout d’abord évidemment espérer un budget pour la France. Ensuite, il y a la question de Mayotte. D’ailleurs l’examen de la loi d’urgence est déjà en cours même si elle ne viendra pas tout résoudre. Mayotte nécessitera une loi dédiée, spécifique, sur du moyen et du long terme, plus approfondie.
Il y a la question de l’immigration, mais aussi les questions de l’accès à l’eau, de l’accès à la santé, la scolarisation, le logement... Une fois qu’on se sera donné les moyens de reconstruire, il faudra aussi qu’on s’assure de ne pas retrouver la situation que Mayotte subit depuis plus de 30 ans et comment est ce qu’on fait pour redonner à ce territoire un espoir et une capacité à vivre dignement.
En 2025 il faudra aussi apporter des réponses à nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie. Pour avoir discuté avec tous les groupes de l’arc républicain, ce sont des choses sur lesquelles on peut avancer objectivement. Je pense qu’on aura aussi un texte sur lequel on peut avancer autour de la question de la sécurité et de la justice. Il s’agit quand même de savoir comment on répond aux préoccupations de nos concitoyens. Mayotte, Nouvelle-Calédonie, sécurité, justice, santé, accès aux soins…. et puis évidemment, la réforme des retraites.
Justement, faut-il vraiment revenir sur cette réforme des retraites, qui est devenue le véritable totem de la gauche ces dernières semaines ?
L.M. : Sur cette question, je trouve la position du Premier ministre très intelligente : on redonne d’abord la parole aux partenaires sociaux, parce que c’est leur job et parce que c’est leur rôle dans la société. Nous en avons besoin et ils savent le faire. Agirc-Arcco est un régime équilibré, géré entièrement par les partenaires sociaux qui, en son sein, ont voté eux mêmes la retraite à 64 ans. Comme quoi, quand ils sont en situation de responsabilité, ça marche. Au Sénat, le Premier ministre est allé plus loin en disant que même en l’absence d’un accord global, s’il y a accord partiel sur certains points d’amélioration, on les prendra.
Nous sommes convaincus que, de toute façon, il faut retrouver un équilibre budgétaire dans nos retraites, mais on sait qu’il reste du travail, qu’il y a encore des sujets à traiter, que ce soit la pénibilité, les femmes, les carrières hachées, le travail des seniors, etc. Donc, si les partenaires sociaux proposent des solutions, tant mieux.
Espérons que le conclave proposé par le Premier ministre aboutira. Même si ça n’est pas un accord global, il pourra, au moins, faire effectivement avancer un certain nombre de mesures, de droits et de devoirs.
Au sujet de la santé, il y a aussi la loi sur la fin de vie qui revient dans le débat…
L.M. : Je refuse de raccrocher la loi sur la fin de vie à une question de santé. C’est davantage une question sociétale. C’est le même ministère, mais lors du premier examen, on avait créé une commission spéciale, on ne l’avait pas laissée à la commission des affaires sociales, considérant que c’était en fait un sujet de société beaucoup plus global qu’une simple question de santé.
Quelles sont vos priorités ?
L.M. : Ce sont surtout les priorités des Français qui priment : santé, sécurité et retraites, donc travail et salaires.
Aujourd’hui, en politique, parce qu’on passe notre vie à gérer des crises, il n’y a plus de récit politique. On passe d’une loi à l’autre, d’un sujet à l’autre et il n’y a plus de capacité pour nos concitoyens à suivre ce que l’on fait. Si j’avais 25 ans dans mon pays aujourd’hui, je voudrais bien qu’on me parle. Faisons attention au récit politique qui est le nôtre et essayons d’avoir de la cohérence aussi dans les textes que nous inscrivons à l’agenda.
On pourrait imaginer qu’on consacre un trimestre à faire des lois qui ont trait à telle thématique sociétale, et puis le trimestre suivant, plutôt sur un autre thème. Cela permettrait à nos concitoyens de mieux suivre ce qu’on fait et de comprendre que nous agissons de façon globale et pas par à-coups. Il y aurait, je pense, une meilleure compréhension et appropriation de l’action politique.
Le risque n’est-il pas aujourd’hui qu’avec l’épée de Damoclès de la censure, les gouvernements se contentent de faire des concessions pour ne froisser personne et qu’au final rien n’avance ?
L.M. : D’où la proposition du Premier ministre de dire que même s’il y a accord partiel sur la question des retraites, on prendra ce qu’il y a à prendre. Parce que de toute façon, vu le contexte politique, on sait très bien qu’on n’aura pas de grand soir et que dans le contexte politique actuel, il n’y aura pas de grandes réformes. Malheureusement, il faut quand même se dire que dans notre pays, on ne sait faire des réformes structurantes, qu’en cas de très grave crise. C’est un peu malheureux de le dire, mais c’est quand même la vérité de notre histoire politique.
Comment se positionne le Groupe Horizons ? Est-ce que vous estimez appartenir clairement à la majorité gouvernementale ?
L.M. : Nous avons, dès le lendemain de la dissolution, appelé à ce que l’arc républicain se mette au travail ensemble en essayant de trouver ce sur quoi on peut être d’accord plutôt que de regarder nos désaccords. D’ailleurs, Horizons n’a jamais exprimé la moindre « ligne rouge », parce que si on commence à négocier avec des lignes rouges on ne discute jamais. Nous sommes convaincus qu’il faut retrouver de la stabilité politique à nouveau, parce qu’on voit les conséquences concrètes que ça peut avoir sur notre économie et sur notre budget.
Le gouvernement, que ça soit celui de Michel Barnier, celui de François Bayrou et peut être celui de demain, tant qu’il s’inscrira dans cette volonté d’essayer de construire, d’avancer, de stabiliser les choses, nous serons là, à ses côtés. On ne dira pas forcément oui à tout, évidemment, mais on ne s’inscrira pas non plus dans une opposition bête et méchante. Notre objectif c’est d’essayer de construire.
Je me suis engagée en politique pour faire, pour agir, pour avoir une capacité à produire des choses. Or, aujourd’hui, on donne le sentiment à nos concitoyens que la politique c’est avant tout dénoncer ce que l’autre pense et dit. On en oublie le coeur de la politique, qui est une capacité à agir.
Aujourd’hui, que ce soit dans les entreprises ou dans les collectivités, de nombreux projets sont à l’arrêt, il y a une forme d’immobilisme en attendant notamment une Loi de finances. Qu’est ce qu’on peut leur dire ?
L.M. : En l’absence de budget, on a adopté une loi d’urgence. On a d’abord autorisé l’État à lever l’impôt et l’emprunt pour pouvoir continuer à fonctionner. Mais surtout, on a pu inscrire le maintien des dotations aux collectivités territoriales aux niveaux de 2024. C’est important de le dire car, effectivement, je me rends compte que nos maires ne le savent pas toujours. Il faut revoir comment on communique auprès de nos élus locaux pour leur dire « vous pouvez adopter vos budgets sur la base de 2024 ». Après, sur les subventions d’investissement, Fonds Vert, DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux), etc. Ça bougera peut être à la marge, mais pas pour les petites collectivités, parce que les économies demandées concernaient les collectivités de plus de 80 millions d’euros de budget.
Pour les petites communes, l’inquiétude réside aussi dans le fait que les DGF baissent d’année en année…
L.M. : La vraie difficulté aujourd’hui, c’est que plus personne ne comprend comment on calcule la DGF, qui est calculée sur la base de 40 critères ! On prône depuis un certain nombre d’années une refonte et un éclaircissement de la dotation globale de fonctionnement des collectivités. Sauf que tout le monde dit qu’il faut refondre, mais que personne n’est capable de faire la moindre proposition ! Pour les entreprises, normalement, on devrait avoir un budget élaboré, voté au Sénat et on espère, avec une commission mixte paritaire conclusive assez rapidement. Nous devrions alors y voir plus clair...
Propos recueillis par Benjamin Busson