
Comment qualifiez-vous la Maison Jean Rousseau ?
Jacques Bordier : Nous sommes une manufacture et nous fabriquons la plupart de nos composants. À Pelousey, nous travaillons le cuir, nous y avons nos services de développement, de prototypes, de production et de service après-vente. Le travail à la main est très important. J’y tiens, en particulier dans l’univers horloger qui est notre premier métier. C’est ainsi que les grands horlogers comme Patek Philippe, Vacheron Constantin le conçoivent. La manufacture, c’est la main et le geste.
Jean Rousseau travaille les peaux et dispose de sa propre unité de traitement des cuirs. Quelle est votre position et votre éthique sur l’utilisation du cuir ?
Jacques Bordier : En 2014, nous avons sorti une gamme vegan, mais la demande reste peu fréquente en boutique. Les peaux proviennent d’animaux d’élevage. Par exemple, pour l’alligator, nous prélevons des oeufs dans la nature, les élevons dans les fermes et chaque année, nous remettons 10 % des animaux dans la nature pour repeupler. Grâce à cette activité, les milliers et milliers d’hectares des bayous de Louisiane, sont entretenus par les propriétaires, c’est une source économique pour eux. Sans cette régulation des animaux sauvages, ce serait un véritable carnage et il n’y en aurait plus. Je pense que l’Afrique devrait s’inspirer du modèle américain.
Vous intervenez sur les marchés de l’horlogerie haut de gamme, la maroquinerie, les accessoires. Comment se comporte le marché du luxe ?
Jacques Bordier : Même dans le luxe, le contexte est compliqué. LVMH a annoncé des chiffres du premier trimestre en recul et j’ai lu qu’une autre grande maison de luxe à des ventes en recul de 14 %. La Maison Jean Rousseau réalise 25 % de son activité pour sa marque propre et 75 % sur donneurs d’ordre. Si leurs ventes sont en baisse, nos commandes seront en baisse.
Quelle activité sera implantée sur le Parc du Grand Troyes ?
Jacques Bordier : 97 % de notre chiffre d’affaires se fait à l’international, avec la Suisse, la Chine, le Japon, l’Angleterre et les États-Unis. C’est une particularité pour notre entreprise. Souvent les PME se développent d’abord sur leur territoire national. Avec la manufacture de Troyes, ces chiffres vont un peu changer. Le site accueillera l’activité maroquinerie et nous y fabriquerons des articles que nous développons pour une marque française destinée au marché français. Notre chiffre d’affaires réalisé en France devrait ainsi augmenter.
Le contexte international avec les surtaxes américaines vous impacte-t-il ?
Jacques Bordier : La Chine, qui représente 25 % des marchés du luxe, est à la peine. Nous sommes un peu plus inquiets avec le marché américain qui était encore porteur en 2024 et qui risque d’être perturbé. Pour autant, concernant les surtaxes, nous avons aujourd’hui une cinquantaine d’artisans qui travaillent en dehors de l’Europe. Nous avons une filiale en Hongrie, au Japon, en Angleterre, aux États-Unis et en 2020, en Chine. Nous avons des artisans qui, sur l’ensemble de nos filiales, sont capables de réaliser des articles complets à la demande en sur-mesure. À New-York, nous avons une équipe de vingt artisans. Donc, je dirais que ce pourrait presque une opportunité pour nous, si certains clients ne veulent pas payer la surtaxe, de faire fabriquer les articles sur place. Nous sommes très confiants quant au développement sur le long terme, sinon, nous n’aurions pas fait cet investissement.