Émeline Bosset
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Émeline Bosset

Tanama, la renaissance du télétravail.

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Photo d'Émeline Bosset
Émeline Bosset devant son bureau Tanama. (Crédit : MBP)

« Dans 10 ans, je veux avoir une usine de fabrication 4.0 avec de la recherche et du développement, je veux fabriquer en local et à partir de matériaux de récupération de bureau dans une SCOP où les salariés seront sociétaires de l’entreprise ». Sénonaise de 39 ans, Émeline Bosset sait où elle veut aller. Avec son entreprise à mission Tanama, elle conçoit du mobilier de bureau durable pour le télétravail dans son atelier hébergé à la Technopole de l’Aube. L’objectif vise à « avoir un impact positif sur la santé du travailleur en ayant un moindre impact sur l’environnement ». En sanskrit, Tanama signifie naissance, vie et renaissance. Adepte du yoga, Émeline suit ce mantra qu’elle adule dans son approche créative du cycle de vie.

Avant d’entreprendre, Émeline Bosset a passé neuf ans au service « espaces et produits » de l’entreprise auboise Larbaletier, qui conçoit et fabrique, entre autres, du mobilier urbain. Cette expérience lui donne le goût de travailler dans l’usine, à côté de la production, de concevoir un produit et de le voir se fabriquer dans l’atelier. Après un parcours à l’école de design de Troyes puis un BTS « design produit » obtenu à Nantes, elle revient dans l’Aube en 2018, où elle a ses attaches. Résidente du Rucher Créatif, l’espace de coworking qui vient alors tout juste d’ouvrir, elle y installe son bureau et participe à son aménagement.

Sa première société, Boeme Design, agence des espaces de bureaux et de commerces. « Le Rucher a aussi été mon premier projet et je me suis spécialisée progressivement sur cette thématique du travail. J’ai découvert la QVT (qualité de vie au travail) et la RSE. En tant que designer, je me suis dit que je pouvais avoir un impact positif sur ces problématiques-là et contribuer au bien-être des salariés ». « Boeme Design s’adressait à des professionnels, l’activité s’est arrêtée avec l’épidémie » Au moment du confinement, le Rucher Créatif lui propose un contrat à temps partiel pour assurer la location d’espaces de bureau et de réunion.

Plug&Start pour un nouveau départ

Le temps de la covid lui permet de réfléchir à un nouveau projet, de se recentrer sur le mobilier de travail. Émeline Bosset prend alors conscience du manque de mobilier durable français adapté au télétravail et crée Tanama. « En 2020, tout le monde télétravaillait, tout le monde se disait qu’il avait mal au dos. Je me suis rendu compte qu’à Troyes, nous n’avions pas vécu la même chose qu’à Paris. En province, après huit semaines, tout le monde a repris le travail. À Paris, les gens sont restés un an, deux ans, seuls dans leurs appartements pas équipés et petits. Ce n’est absolument pas la même chose. Cela peut provoquer des douleurs physiques parce qu’on est mal installé, mais aussi psychologiques avec la perte de liens sociaux et de liens avec l’entreprise ».

Après deux ans de réflexion autour du monde du travail, en 2022, Émeline Bosset teste son prototype lors du Plug&Start de la Technopole. « J’ai fait des maquettes 3D, des visuels, un début de business plan. La veille, j’étais encore salariée du Rucher, le lendemain, j’étais quasiment à 100 % pour Tanama, incubée sur le site de Rosières-près-Troyes ». Pour mieux renouer avec l’entrepreneuriat, elle suit la Forma Créa de la Région et d’autres dispositifs, « au Rucher, j’ai eu connaissance de tout ce qu’il était possible de faire pour aider à la création d’entreprise, alors j’ai tout fait ! Cela change la donne d’être à la Technopole quand on va voir les banques, c’est beaucoup plus simple ! »

« Je veux pouvoir réutiliser les matériaux et faire évoluer les agencements en fonction des besoins des entreprises. »

Depuis, Émeline court les salons et décroche des prix avec dernièrement le prix des 101 Femmes Entrepreneures qui lui a valu une réception à Matignon. Un prix doté d’une enveloppe financière pour accompagner les actions de communication de Tanama et qui lui a permis de rencontrer d’autres créatrices.

Un bureau français à 99 %

Lancé fin mars au Work Space Expo, son bureau Tanama dédié au télétravail répond aux exigences des petits espaces. Élément décoratif aux formes épurées quand il est refermé avec son plateau rabattu contre le mur, il offre, une fois ouvert, tous les équipements nécessaires et peut répondre aux codes identitaires de l’entreprise, « pour garder ce lien avec l’entreprise et le travail ».

Fabriqué dans l’Yonne, il est composé d’éléments français à 99 %. « Le 1 % restant, c’est la multiprise qui vient de Chine ! ». Les matériaux sont bio-sourcés à 93 % avec du bois de la région, des panneaux acoustiques en bouteilles recyclées fabriqués dans le Loiret. « Ce que je souhaite à terme, c’est de pouvoir réutiliser les matériaux du bureau. Je propose une formule de crédit-bail pour maîtriser le cycle de vie du bureau et sa fin de vie. En France, il y a 250 000 tonnes de déchets de mobilier de bureau professionnel et la filière de recyclage n’est pas encore bien définie. Je veux pouvoir réutiliser les matériaux et faire évoluer les agencements en fonction des besoins des entreprises ».

Aujourd’hui en phase de commercialisation, le bureau est fabriqué à la demande. Il peut être évolutif et modulable selon les besoins dans le temps. D’un coût de 1 500 € à 3 400 € selon les options, il peut être financé tout ou partie par les entreprises.

Émeline Bosset imagine aussi la suite de l’histoire de Tanama. Elle travaille ainsi sur une version plus compacte pour des espaces en flex-office dans les entreprises et envisage de mettre à sa gamme du mobilier pour les espaces collaboratifs. « Je veux proposer plus de cohésion pour les temps productifs avec le télétravail et la conception d’espaces collaboratifs dans les entreprises, avec des lieux qui ne soient pas des tables de réunion classiques ». Le bureau Tanama pourrait aussi intéresser les hôtels pour aménager des espaces de travail réduit pour les clients ou les gamers avec une version plus grande. Le tout avec une ligne directrice majeure, le bien-être des utilisateurs. « Les TMS, troubles musculosquelettiques, coûtent l’équivalent d’un 13e mois par salarié aujourd’hui en France. Je veux me positionner en prévention ».