

Le président exécutif de l’ES TAC, Edwin Pindi, foule le territoire aubois depuis le mois d’octobre. « Dans dix ans, j’espère que j’aurai grandement contribué à faire de l’ESTAC une référence et que ce soit une marque dans le football français. Qu’il soit un club structuré, à dimension humaine, avec des joueurs de qualité et un beau centre de formation. Que l’équipe soit stable en Ligue 1 et qu’elle procure du plaisir ». L’ancien joueur de l’USL Dunkerque court partout, mais plus sur les pelouses de foot. Il veut relancer l’équipe pro troyenne et remettre des étoiles dans les yeux de son public.
À 40 ans, Edwin Pindi, se sent bien à Troyes. Il a adopté la ville depuis l’automne, laissant à Lille femme et enfants pour embarquer l’ensemble des équipes de l’ESTAC vers la réussite d’un club qui doit revivre. Dans la continuité de ses acquis à l’USL Dunkerque, le nouveau président veut relever les défis du City Football Group, qui compte treize clubs à travers le monde, dont Manchester City FC. « L’actionnaire est un gros support avec beaucoup de compétences dans tous les domaines, c’est une organisation de 1 500 personnes. Nous réalisons des rapports hebdomadaires et des visites régulières ».
Ses objectifs sont clairs. « Je sens beaucoup d’attente après le traumatisme des deux dernières années. Je veux démontrer que nous avons un projet d’ancrage local très important. Évidemment, nous ne pouvons réussir si notre équipe sportive ne réussit pas. Mon rôle est de manager la structure de façon claire avec trois piliers ». Edwin Pindi veut une équipe pro en mesure de jouer la première partie de tableau dès l’an prochain et la stabiliser sur les trois prochaines années, pour donner du plaisir aux spectateurs. Il souhaite poursuivre l’intégration des jeunes du centre de formation et rayonner dans le territoire. « C’est important pour les Aubois, pour le réseau, pour les entreprises ». Sa feuille de route comprend le projet du centre de vie, dont le lieu devrait être choisi cette année. Il réunira les administratifs, l’équipe sportive professionnelle et le centre de formation. « Nous aurons besoin des entreprises pour construire les bâtiments et les terrains ».
Passe ton bac d’abord !
Le monde du football, Edwin Pindi le connait. Avec ses rêves et ses désillusions. Il a chaussé ses premiers crampons à l’âge de sept ans. Formé au LOSC jusqu’en équipe réserve, il évolue ensuite en National. « À 15 ans, nous étions quatre à entrer au lycée et à passer ensuite notre bac. Je suis le seul à avoir continué en études supérieures, j’ai validé une licence d’anglais à la Fac de Lille. J’étais à une minute du centre d’entrainement, c’était pratique ! » Il rejoindra ensuite les équipes de Dunkerque et vit de son métier en jouant uniquement au football pendant deux ans, de 21 à 23 ans.
« Dans ma réflexion, je me dis qu’un jour, j’aimerais diriger une organisation sportive, pas forcément dans le foot, mais dans le sport. Je m’inscris alors en Master sport événementiel et communication, (aujourd’hui master management du sport), et présente deux mémoires très appliqués. L’un sur les formes de métiers en semi professionnel et le en deuxième année sur un club en voie de professionnalisation, l’année où j’arrive à Dunkerque ». Étudiant, le jeune Edwin doit alors valider un stage, mais il est encore sous contrat de joueur. Il le fera donc dans son club de l’USL Dunkerque. « Je suis capitaine de l’équipe, nous montons en troisième division et je fais un tas de choses dans le club comme la communication. Puis, je m’occupe du sponsoring, des dossiers administratifs, je rencontre les collectivités, je monte des projets ».
« Sur le terrain et dans les bureaux, le travail se fait en équipe »
En 2014, le nouveau président et le nouveau maire aspirent à remonter le club en Ligue 2. Ils lui proposent de travailler pour le club. « À ce moment-là, je vis aussi des déceptions côté football, car à plusieurs reprises, je suis à deux doigts de signer un contrat pro en D2, mais cela n’aboutit pas. Je casse alors mon contrat de joueur pour devenir administratif. »
De secrétaire général, il passe manager général puis directeur général aux côtés d’un président chef d’entreprise. Après l’aménagement d’un nouveau stade, le passage en Ligue 2 et la construction d’un centre d’entrainement, le club se professionnalise. Edwin Pindi en est fier et a le goût de la mission accomplie. « Dans ce que j’ai vécu à Dunkerque, j’ai tout fait de A à Z. J’ai commencé à travailler dans le club, je l’ai structuré jusqu’à en devenir président et travailler sur la vente du club. Là, on est loin du terrain avec le business, les tractations économiques et politiques. Ma soupape est quand l’équipe joue le vendredi soir ». Il est approché par un cabinet de recrutement. « C’était à un carrefour de ma carrière après le rachat du club ». Après neuf entretiens et un processus minutieux de recrutement de trois mois, Edwin Pindi rejoint le City Football Group pour accompagner les projets de l’ESTAC encore en National et s’installe dans l’Aube.
Aujourd’hui, l’ESTAC compte 2 500 abonnés et 4 000 spectateurs pendant les matches. Insuffisant. « Le club est une institution, avec une belle histoire. Les personnes peuvent ne pas aimer le foot, mais elles aiment l’ESTAC en fait. Nous devrions rassembler 7 à 8 000 personnes. C’est central pour les joueurs, pour les spectateurs, pour les partenaires. Pour tous. L’effet n’est pas le même quand le stade vit. Alors, nous allons vers les autres et ciblons notre public avec les licenciés et les entreprises ». Depuis janvier, chaque licencié de l’Aube peut voir les matches gratuitement. Le président veut surtout miser sur des événements business destinés aux acteurs de l’économie locale. Le sponsoring et l’hospitalité constituent le deuxième poste de ressources budgétaires de l’ESTAC après les droits de rediffusion TV (40 %) et avant la billetterie et le merchandising.
Développer le club en tant qu’entreprise
« Je fais mon trou dans le monde du football. Je ne pratique plus car je ne peux pas être juge et partie. Je n’ai aucun regret. À 23 ans, j’ai été frustré de ne pas avoir pu signer en pro. Je me suis tellement investi dans le club que j’ai vite senti que cela ne suffisait plus. Quand j’arrête de jouer à 31 ans, voilà déjà cinq ans que je travaille en parallèle. Ce que j’aime, c’est développer le club en tant qu’entreprise et travailler avec le territoire ».
Avec l’ESTAC qui emploie 223 équivalents temps plein chaque année, une vingtaine d’entreprises locales et 250 vacataires les jours de match générant 17 millions d’euros pour le territoire aubois (chiffres 2022/23), Edwin Pindi et son âme de capitaine a trouvé le vaisseau à diriger. De sa promotion du centre de formation, seuls deux joueurs ont fait une carrière internationale. Yohan Cabaye, aujourd’hui directeur du centre de formation du PSG et Mathieu Debuchy qui est retourné au LOSC comme entraineur. Alors, quand il s’adresse aux jeunes, Edwin Pindi leur conseille de poursuivre des études, d’aller jusqu’au bac ou de faire une formation, de penser à une solution de repli. « Certes, il faut prendre du plaisir et jouer. Mais, il faut se former à quelque chose d’autre pour garder les pieds sur terre ». Des joueurs ont signé pro et n’ont fait qu’une carrière d’un ou deux ans et se retrouvent au chômage à 25 ans, sans alternative. « Ce n’est pas parce que vous avez signé pro que vous allez gagner 100 000 €. Un garçon qui signe pro à 18/20 ans en Ligue 2, gagne 2 170 euros bruts. C’est la réalité et loin de ce qu’on imagine ! Je fais partie de ceux qui ont eu la meilleure carrière. Sur ma génération à 15 ans, nous sommes cinq ou six à avoir joué en troisième division et au-dessus et seulement deux ont une carrière internationale. »
Edwin Pindi fait ce qu’il aime : travailler sur des objectifs communs en équipe. « Si à la fin, je décide, le travail se fait en équipe ». Avec des personnes différentes comme avec un coach, un directeur sportif, un administratif, avec les politiques, les partenaires… Si un jour, plus tard, il ambitionne de rejoindre les instances du football, aujourd’hui, sa place est bien au Stade de l’Aube pour diriger l’ESTAC et mener des projets ambitieux pour le territoire.