Avant d’arriver dans l’Aube, Cristina Garcia Rios était écuyère aux Écuries du Château de Chantilly – le Musée vivant du cheval. Elle a également travaillé pour le cascadeur équestre Mario Luraschi et tourne actuellement pour le cinéma. Depuis ses 18 ans, elle n’a de cesse de perfectionner son équitation (classique à la Française, de travail à une main, apprise en Espagne, ou encore plus sportive). Tout en tournant en spectacles, d’abord dans le sud de la France, puis partout dans l’Hexagone, en Europe et dans le monde entier.
« Je suis restée sept ans aux grandes Écuries de Chantilly. C’est un endroit fabuleux où j’ai pu m’exprimer artistiquement parlant. On m’a fait confiance, j’ai pu développer mes capacités. Ce super tremplin m’a permis de jouer beaucoup de spectacles et d’en créer aussi », explique l’écuyère. Le musée vivant du cheval lui permet notamment de se produire avec ses numéros où elle monte avec les rênes à la ceinture (travail du cheval sans l’aide des mains), une autre de ses spécialités – en plus de la monte en amazone, notamment : « Les rênes à la ceinture permettent cette connexion fantastique qui donne la sensation de ne faire plus qu’un avec le cheval. J’ai pu commencer à vraiment mêler ce que j’aime dans l’art. C’est un formidable moyen d’expression qui me permet de pouvoir continuer à danser… à cheval ».
L’amour du cheval
Il faut dire que Cristina a d’abord pratiqué la danse classique, jusqu’à l’âge de douze ans, avant de se passionner pour l’art équestre : « J’ai été blessée et en arrêt, suite à des opérations aux pieds. Pendant cette période, j’ai vu sur Arte le spectacle « Chimère » de Bartabas. Cela a été une révélation. C’était tout ce que j’aimais : la comédie, la danse, la musique, le rythme. J’ai découvert que le cheval était un moyen d’expression assez fou, que je ne connaissais pas du tout. C’était clair dans ma tête que je voulais faire ça ». Seulement voilà, dans sa famille, personne ne monte à cheval. Ses parents, des ouvriers émigrés espagnols, n’ont d’ailleurs pas les moyens de lui payer des cours d’équitation. Pour ses 14 ans cependant, ses deux frères, qui sont musiciens et plus âgés qu’elle, lui offrent ses premières leçons. Passionnée avant tout par le dressage, une discipline souvent délaissée par les clubs équestres par manque de connaissances et de cavalerie, elle ne prendra finalement que quelques cours.
Avant de « se débrouiller toute seule ». Du haut de ses quinze ans, elle décide d’aller taper à la porte du propriétaire d’un troupeau de chevaux, près de chez elle, dans le Tarn. Avec, en tout et pour tout, une selle mixte, un filet avec plusieurs mors, un surfaix, une longe et deux tapis, c’est ainsi qu’elle se lance, seule, « en lisant quelques livres », dans le débourrage d’une jument, pour laquelle elle s’est prise d’affection. À 17 ans, bac littéraire en poche, elle entre dans la vie active en trouvant une écurie de chevaux spécialisée en spectacles, baptisée Les Princes noirs de Minorque. « Très rapidement, grâce à cette écurie, j’ai pu à l’âge de 18 ans prendre quelques cours avec un élève du maître écuyer portugais Nuno Oliveira qui a vraiment forgé toutes mes bases de dressage (légèreté, travail sur la position du cavalier). Tout en expérimentant par moi-même les bases du dressage classique », relate la cavalière passionnée, avec un léger accent de son Tarn natal. À cette période, Cristina Garcia Rios part régulièrement deux mois à Minorque, aux Baléares, où le cheval est sacré : « J’y suis allée quatre ans de suite pour travailler et apprendre. Je voulais vraiment m’impliquer auprès des chevaux minorquins. Cela m’a également nourrie ».
Écuyère au Musée vivant du cheval, à Chantilly
Forte de ce cursus, c’est en 2010 qu’elle devient écuyère aux Grandes Écuries du château de Chantilly. Développer la discipline des rênes à la ceinture est alors pour elle « un aboutissement de toutes ses années d’apprentissage et de dressage pour pouvoir vraiment [s]’exprimer avec le cheval ». Au cours d’un événement important au Grand Palais, à Paris, où elle joue Dulcinée, le rôle principal du spectacle intitulé Le Songe de Don Quichotte, elle rencontre le cascadeur à cheval Christophe Clausier.
« Les rênes à la ceinture permettent cette connexion fantastique qui donne la sensation de ne faire plus qu’un avec le cheval. »
C’est en 2017 qu’elle décide de venir s’installer avec lui dans l’Aube, à Montiéramey, à côté de Lusigny : « Il est voltigeur, cascadeur… Nous sommes très complémentaires, lui, donnant dans le spectaculaire et moi, plus dans l’émotion. Nous travaillons très souvent ensemble ». Tous les deux professionnels intermittents du spectacle, ils tournent également pour des projets différents, en leur nom ou pour d’autres compagnies, un peu partout en France ou ailleurs, comme au Maroc. Ou encore en Chine, pendant trois mois en 2019, juste avant la pandémie, pour jouer deux spectacles.
En amazone ou en cascadeuse
Après une très belle saison cet été en Normandie avec la compagnie l’Art Est Cabré, l’artiste auboise tourne actuellement pour le cinéma, dans une mini-série de Michael Douglas pour Apple TV+, un biopic où l’acteur américain joue le rôle de Benjamin Franklin. Elle y réalise plusieurs spécialités. De la monte en amazone au dressage de haute école en passant par les rênes à la ceinture et la garrocha (sorte de perche de plus de trois mètres utilisée par les vaqueros pour conduire le bétail). Côté spectacles, son actualité est également haute en couleur. « Le métier est assez varié. Un jour, dans un film à gros budget, un autre dans une fête de village puis un autre encore à l’autre bout de la planète. Mais ce qui me plaît, c’est que ça bouge... J’ai été sélectionnée pour représenter la France lors d’un échange culturel d’amazones en Californie. C’est une chance pour moi de pouvoir monter aux côtés des escaramuzas mexicaines et américaines, d’amazones du Chili, d’Argentine et du Japon ».
Pour l’amazone française, qui parle en outre l’espagnol couramment, ce voyage est également l’occasion de participer en ce début d’octobre à une œuvre caritative pour une association au profit d’enfants atteints d’un cancer. À Montiéramey, la cavalière valorise en outre actuellement en dressage une pouliche lusitanienne, confiée par une éleveuse. Dresser sans contrainte, dans le respect du cheval, Cristina Garcia Rios y tient plus que tout. Elle s’attelle également à transmettre sa passion et même si le métier d’artiste d’équestre est difficile, elle essaie toujours d’encourager les jeunes filles qui viennent la voir : « Les places sont chères mais, si on est motivée, on peut faire partie des élues ». Cristina est quant à elle heureuse de « réussir à vivre de [son] métier, de parcourir un peu le monde et de recevoir une certaine reconnaissance de la part des gens ». « C’est une grosse victoire, même si c’est fragile. Il faut garder cette humilité. C’est d’ailleurs ce que nous apprennent aussi les chevaux ».