« Ma famille revendique le label de ‘faiseur de rêve’ depuis 1870, date à laquelle fut créé le premier théâtre Lamarche », assure Charles Lamarche, qui en représente aujourd’hui la 7e génération. « Nous descendons d’une famille italienne, les Lamberti, des saltimbanques dont notre arbre généalogique fait remonter les premières traces à l’époque de Louis XIV. »
Charles Lamarche est bel et bien un enfant de la balle, héritier de ces comédiens dont le théâtre ambulant et ses tréteaux allait jadis de ville en ville. « En épousant une foraine et devenant lui-même forain, mon grand-père a quitté le monde du spectacle. Mes grands-parents se sont installés à Reims dans les années 50 pour que mon père puisse faire des études. »
Ils ouvrent alors l’hôtel-restaurant Le Champagne, à côté du Continental. « C’était le lieu de rendez-vous des joueurs du Stade de Reims de Raymond Kopa. Les artistes - Piaf, Aznavour… - s’y arrêtaient. Plus tard, Robert Hossein fut un ami de mes grands-parents. Mon père y jouait du piano. C’est son parrain, l’acteur et directeur de cirque Jean Richard, qui le ramène au spectacle en lui proposant de réaliser la décoration - mon père avait fait les Beaux-Arts, à Reims, et était peintre en lettres - d’un parc d’attraction, La Vallée des Peaux-Rouges, qui se créait à Fleurine (Oise) dans les années 60. Il y dirigera par la suite l’équipe d’animation et montera un spectacle de cow-boys et d’indiens. C’est l’arrivée du cheval chez les Lamarche. »
Pionniers du spectacle équestre
Signe du destin ? C’est aussi dans ce parc à thème far-west que Mario Luraschi mettra au point ses premières cascades équestres, avant de devenir l’un des plus fameux cascadeurs européens dont Charles Lamarche rejoindra la troupe en 2002.
Les parents de Charles feront partie des pionniers du spectacle équestre en France. « Ma mère fut l’une des premières voltigeuses. » Il est vrai que le cheval n’était pas totalement inconnu dans la famille Lamarche, apparentée à la célèbre famille circassienne Gruss qui a longtemps pris ses quartiers d’hiver à Reims, Richard Lamarche, père de Charles, étant d’ailleurs un cousin de Lucien Gruss.
« Lorsque mes parents ont récupéré les chevaux de La Vallée des Peaux-Rouge, ils se sont lancés dans le tourisme équestre. Puis, en réponse à plusieurs demandes, ils ont fondé en 1981 l’association Cheval Art Action, centre de formation aux métiers du spectacle, dont je suis aujourd’hui le directeur pédagogique. »
Dans cet environnement, et dès son plus jeune âge, Charles ne pense que voltige et cascade à cheval.
« J’ai fait mon premier spectacle de voltige sur l’hippodrome de Reims à l’âge de 9 ou 10 ans… »
S’il était plus souvent dans les écuries que derrière son bureau d’écolier, c’est à sa maman, institutrice de formation, qu’il doit le bagage lui permettant aujourd’hui de diriger ses sociétés. Son père l’aurait bien vu médecin.
Mais à 15 ans, il abandonne le collège et entre en formation… chez ses parents. Il va devenir cascadeur professionnel, intégrer l’équipe de Mario Luraschi dans laquelle il participera à de nombreux tournages (notamment Les Frères Grimm, film de Terry Gilliam, 2005 ; Les Rois Maudits, série télévisée de Josée Dayan, 2005 ; Jacquou le Croquant, film français de Laurent Boutonnat, 2007…). Il y prend conscience qu’au cinéma il préfère le spectacle vivant et le contact du public.
Il rencontre alors, via le Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne, Guennadi Touaev, « monstre sacré » de la voltige cosaque qui a passé 30 ans au Cirque de Moscou. Le maître va transmettre tout son savoir à l’élève. Charles Lamarche va alors fonder en 2007 la Troupe ASSA, première et unique équipe française de voltige cosaque qui, après avoir obtenu de nombreux prix dans de nombreux festivals, a donné son ultime représentation l’an dernier.
Quatre temps forts annuels
Après de multiples expériences, en France et à l’étranger, la création de plusieurs compagnies et d’autant de spectacles, Charles Lamarche fonde à Muizon, en 2013, sa propre société, CL Spectacles, qui produit quatre temps forts annuels : en mars, Cavallissimo, Le Printemps des arts équestres, sous chapiteau (retour aux racines du cirque, puisque la piste a été conçue autrefois pour l’évolution des chevaux, et spectacle pédagogique dédié aux scolaires) ; en mai, Les Médiévales de Champagne, en extérieur (tournoi de chevalerie, cascades équestres, banquet avec les comédiens…) ; en octobre, le festival Cirko Galop, qui va fêter cette année son vingtième anniversaire (les jeunes talents de la discipline y côtoient des artistes confirmés de renommée internationale) ; en décembre, Le Grand Cirque de Noël, destiné aux enfants et aux familles, fait (re)naître la magie de Noël… à cela s’ajoutent des prestations extérieures sur commande, des séminaires d’entreprise et, depuis l’an dernier, une production estivale au Lac du Der. Selon les périodes et les projets, ce sont 12 à 20 cavaliers et autant d’équidés qui travaillent pour CL Spectacles.
Cirque et comédie musicale
Si l’objectif du chef d’entreprise reste de « pérenniser ces différentes activités pour faire fonctionner la société, essayer de mieux rémunérer les artistes, acquérir du nouveau matériel », les envies de l’homme de spectacle affleurent en permanence. « J’aimerais créer un spectacle de cirque sur fond de comédie musicale et partir en tournée. Avec mon ami, le musicien Jean-Félix Lalanne, le projet mûrit doucement… » Pour l’heure, la réunion de la cascade équestre et du cirque fait de Charles Lamarche un homme heureux qui vit sa passion, et de ses passions.
Ses fils de 13 et 4 ans seront-ils la 8e génération de Lamarche ? « Je ne veux pas les pousser. » N’empêche ! il verrait bien le grand à la tête de la société, et le petit sur la piste. Mais le rêve des pères n’est pas forcément celui des fils. Charles Lamarche en est lui-même la preuve.