

Pas la peine de couper les cheveux en quatre… Céline Chambord est très rapidement entrée dans la vie active, devenant coiffeuse après avoir obtenu son CAP et BEP professionnel aux CFA de Châlons-en-Champagne et Charleville-Mézières, tout en étant apprentie en alternance au salon Saint-Algue à Sedan de 2001 à 2006. « Je n’ai pas d’explication précise à ce choix si ce n’est l’envie de travailler rapidement. J’ai donc d’emblée voulu coiffer. Lors de ma formation, j’ai vite appris les rudiments du métier pour continuer ensuite à mon compte ».
Grâce à l’aide financière de ses parents, elle devient en août 2006 propriétaire du salon – au nom évocateur – Diminutif, à Vrigneaux-Bois, suite au rachat du fonds de commerce et du bâtiment. « À 20 ans et seulement un mois après l’obtention de mon diplôme, c’était un projet ambitieux mais j’ai voulu relever le challenge en reprenant l’employée en place qui connaissait bien la clientèle et le fonctionnement du salon ».
Deux ans après s’être lancée, une de ses clientes atteinte d’un cancer lui demande de l’accompagner à Reims pour régler un problème de perte de cheveux dû à une chimiothérapie. Un bouleversement identitaire nécessitant le port d’une perruque. « Un collègue assurait ce service à Charleville-Mézières mais la cliente ne voulait pas avoir affaire à un homme. Cela la gênait. On a fini par trouver dans la Marne ce dont elle avait besoin et, sur la route du retour, elle m’a incité à remplir ce rôle dans mon propre salon de coiffure. »
Formation De Six Mois À Anglet
Prenant la mesure de ce besoin important pour les gens touchés par le traumatisme du cancer et ayant envie d’aider les personnes fragiles traversant cette épreuve, Céline Chambord, après se rapproche d’un fabricant de prothèses capillaires et aménage une pièce spécifiquement consacrée à cette nouvelle activité pour l’assurer en pleine discrétion.
« Je touche encore aux ciseaux mais en privilégiant l’accompagnement psychologique et l’aide sociale. C’est une belle expérience de vie. »
En 2021, elle franchit un pas supplémentaire. Pour étendre ce service et mieux assurer la prise en charge de ses clientes, elle part à Anglet (Pyrénées-Atlantiques) à la Soco Academy pour se former à la socio-coiffure. « C’est un métier peu répandu nécessitant pas mal de temps disponible, car cela ne consiste pas seulement à proposer des perruques mais à aider les personnes fragilisées ayant besoin d’un soutien ».
Au sein de cet organisme unique en France, l’Ardennaise se familiarise pendant six mois à l’approche psychologique, la connaissance de différentes pathologies (Alzheimer, Parkinson, l’autisme dont elle s’occupe dans son salon vrignois, troubles psychiatriques), l’utilisation de prothèses capillaires, les techniques de coiffure spécifiques et la connaissance de l’hygiène hospitalière.
« Cette formation m’a aussi appris à avoir de l’empathie pour mes patientes et les aider à l’acceptation de leur état tout au long du protocole de changement d’image. Mais aussi à prendre la distance nécessaire pour ne pas être soi-même impactée pour se protéger d’un risque éventuel d’épuisement professionnel ». Au terme de ce stage intensif, Céline Chambord rédige un mémoire, et se voit délivrer, le 17 décembre 2021, le certificat professionnel de socio-coiffure, titre reconnu par l’Etat et agréé par la Sécurité Sociale lui permettant d’intervenir auprès des malades.
Approchée Par L’Hôpital Manchester
« Le hasard faisant encore bien les choses, quelques semaines avant cette obtention, j’avais été appelé par la cadre de santé supérieure du centre hospitalier intercommunal Nord Ardennes. Cet établissement travaillait à la mise en place de soins oncologiques de support imposés par l’Agence Régionale de Santé. Il m’était proposé d’assurer un suivi non-médical mais d’accompagnement pour améliorer la qualité de vie des patientes et amoindrir les effets secondaires des cancers. Un poste qui nécessitait la possession du titre de socio-coiffeuse. Cela ne pouvait donc mieux tomber ».
Céline Chambord accepte cette proposition qui a pris effet en mars 2022 à raison de deux journées par semaine. « La veille de leur hospitalisation, les patientes sont avisées par les infirmières qu’elles peuvent bénéficier de ce service et j’interviens auprès des personnes intéressées. J’agis comme un relais d’informations. C’est une écoute active au cours de laquelle elles me font part de leurs émotions et de leurs appréhensions avant la cure de chimiothérapie ».
Pour ce travail pris en charge par la Ligue contre le cancer et l’association aiglemontaise « Faisons du sport contre le cancer », Céline dispose d’une salle au service oncologie pour faciliter ses échanges avec les personnes malades. « J’essaie d’anticiper au mieux cette épreuve en les préparant à l’acceptation de la perte de cheveux, aux solutions de substitution, au cheminement vers un changement d’image mais aussi en les aidant dans les démarches à entreprendre auprès des mutuelles, pour les prises en charge ». Sa permanence est aussi dotée d’un miroir, d’un bac à shampoing et d’un fauteuil pour assurer des coupes de cheveux « intermédiaires ».
Un Concept Store À Charleville-Mézières
Aujourd’hui, plus de 60% de l’activité de Céline est vouée à la socio-coiffure. En effet, outre ses interventions dans les hôpitaux, les Ehpad, les centres de détention, les centres sociaux et les associations venant en plus du suivi à domicile et des actions bénévoles au Centre Ressources, elle a aussi ouvert un concept store à son nom uniquement dédié aux personnes touchées par le cancer, à chaque étape de leur parcours du combattant.
Cette boutique spécialisée, implantée en mars 2024 à Charleville-Mézières, à proximité du marché couvert, lui a permis de créer un lieu intimiste où les clientes peuvent trouver un large panel d’articles (perruques, turbans, foulard, produits cosmétiques haute tolérance, vernis au silicium, prothèses capillaires, lingerie féminine post-opératoire adaptées au port d’un complément mammaire externe) et de prestations adaptées (coupes de repousse, relaxation du cuir chevelu).
« Je les aide à accepter leur corps et à se réapproprier leur féminité. Elles arrivent souvent désemparées et je mets tout en oeuvre pour qu’elles repartent avec le sourire. Je travaille du lundi au samedi soir et j’adore ce que je fais. J’ai affaire à des gens très reconnaissants du temps que je leur accorde avec des affinités qui se créent au fil de nos rendez-vous », livre cette jeune mère de deux enfants.