Déjà à la tête d’un nouveau festival, créé de toutes pièces, à peine deux ans après son arrivée à Reims ? Voilà qui n’a pas manqué d’interpeller lors du lancement de la première édition du Pop Women Festival début 2022. De quoi souligner d’emblée le tempérament de fonceuse de Céline Bagot. Fonceuse, certes, mais tout est réfléchi dans ce qu’entreprend la jeune quadra. En premier lieu parce qu’elle est imprégnée de ses convictions. Mais aussi parce qu’elle porte en elle des années d’expérience et de savoir-faire en matière d’ingénierie culturelle.
Née à Paris, elle passe son enfance et son adolescence à Angoulême. Comment alors ne pas imaginer que sa passion pour la Pop Culture provient de ces années passées dans la ville où se déroule chaque année depuis 1973, LE festival international de la BD. Et pourtant :
« Enfant, je n’étais pas particulièrement adepte de bande-dessinée », se souvient-elle. Mais au fait, la Pop Culture, c’est quoi ? Difficile à définir, elle regroupe l’ensemble des cultures dites populaires présentes dans les univers de la BD ou la musique, en passant par le cinéma ou la photo, avec un impact au quotidien sur son public.
Mais revenons au parcours de Céline Bagot, dont l’obtention du Bac lui permet de suivre un BTS Communication des entreprises à Bordeaux, où elle poursuit ensuite ses études dans une école de communication et de création publicitaire.
« Avec le recul je me rends compte que j’étais très intéressée par le marketing et les produits qui possédaient une identité forte. C’est de ce côté-là qu’est venu mon intérêt pour la Pop Culture » .
Au cours de son passage dans cette école très orientée vers le graphisme, Céline Bagot fait ses premiers pas en entreprise « à une époque où l’alternance n’existait pas ». Elle découvre notamment l’univers des relations presse et des relations publiques en collaborant avec une société spécialisée dans le cinéma d’animation.
Motivée par des envies d’ailleurs, Céline Bagot traverse la Manche, direction Londres, où l’attend un stage chez Marie-Claire. Si l’opportunité de collaborer pour le prestigieux magazine tombe à l’eau, elle reste néanmoins en Angleterre pour y parfaire son niveau d’anglais et trouve un job dans une agence de public relations.
10 ans à angoulême
C’est finalement à son retour quelques mois plus tard que le destin lui fait croiser la route du Festival d’Angoulême. « Les organisateurs cherchaient une personne pour 6 moi en CDD afin de s’occuper du Pavillon Jeunes Talents. J’ai été prise et cela m’a beaucoup plu : j’avais les mains dans le cambouis, je rencontrais des auteurs qui avaient mon âge et j’organisais leurs expositions pour les mettre en avant et intéresser les éditeurs ». Un passage qui se transformera finalement en une expérience de dix ans.
De 2002 à 2012, Céline Bagot occupe alors de nombreux postes au sein de l’organisation du festival, passant des Jeunes Talents à la Partie Jeunesse puis à la programmation Grand Public. C’est là qu’elle prend en charge des événements de plus en plus importants avec des expositions à mettre en place avec les plus grands éditeurs et les licences internationales (Les Schtroumpfs, Boule et Bill, Snoopy…).
« J’ai beaucoup appris au niveau de l’événementiel culturel pendant cette période. J’ai aussi été membre du Comité de sélection du festival pendant cinq ans. Le Comité décidait quels livres allaient concourir au Palmarès, ce qui représentait 1 500 albums de bande-dessinée à lire chaque année pour en sélectionner à peine une cinquantaine ! C’est aussi à ce moment-là que j’ai commencé à découvrir des BD qui m’intéressaient ».
Autrement dit, des ouvrages faits par des femmes ou dont les thèmes s’adressent plus particulièrement à elles. Car il faut l’avouer, jusqu’au début des années 2000, le monde de la BD contient peu d’héroïnes et de personnages centraux féminins tout comme l’édition laisse peu de place aux autrices.
De plus en plus impliquée au cœur de l’organisation du festival, elle s’occupe également du développement de projets, de partenariats et des réflexions autour de l’avenir de l’événement.
En 2012, changement de cap. Céline Bagot profite de l’arrivée de son petit garçon pour faire évoluer sa carrière. Elle rejoint une société de consulting, s’y associe et se lance dans le développement de marques et la promotion d’artistes sur le marché asiatique. « Je me suis alors installée au Cambodge, seul pays d’Asie du sud-est où on pouvait installer sa propre société avec 100% de capitaux français ». Parallèlement à ces activités, elle est démarchée par CCI France pour fédérer les entreprises hexagonales au Cambodge. Elle y restera jusqu’en 2016.
Un nouveau festival à Reims
Cette année-là, le festival d’Angoulême subit une polémique majeure en raison de l’absence de la moindre femme dans la liste des 30 auteurs en course pour le palmarès final. Dans la foulée de son retour en France, Céline Bagot réintègre l’équipe du festival pour y prendre le poste de Directrice de la communication. Un véritable plaisir, d’autant que l’événement occupe une place à part dans l’univers de la bande-dessinée mondiale. « à Angoulême, les auteurs et les autrices de BD sont considérés comme des artistes à part entière. De plus, la presse française s’intéresse elle aussi à la bande-dessinée d’un point de vue culturel ».
Un statut lié à la notion d’exception culturelle française qui confère une aura particulière au festival qui peut ainsi attirer des artistes du monde entier. Comme en 2019, quand elle parvient à faire venir le célèbre Frank Miller pour une exposition sur les 80 ans de Batman.
Cette même année, Céline Bagot rejoint Reims et sa nouvelle vie. Elle découvre la Cité des Sacres en même temps qu’elle envisage de créer son propre événement culturel après avoir longtemps œuvré pour d’autres. « Reims coche toutes les cases d’une ville qui est capable d’accueillir de gros événements culturels, dans des infrastructures magnifiques (Manège, Cellier, Opéra…), avec une capacité hôtelière suffisante, à 45 minutes de Paris », souligne la créatrice du Pop Women Festival, événement dédié à la Pop Culture et à l’égalité homme-femme. Dès sa conception, l’organisatrice veut placer, au cœur de son festival, la thématique de la créativité féminine.
« Il s’agit aussi d’effectuer un croisement entre plusieurs disciplines artistiques et des artistes qui n’ont pas l’habitude de se rencontrer, mais qui sont confrontés aux mêmes problématiques comme le manque de représentativité, par exemple : quand 60% des étudiants qui sortent des écoles d’art sont des femmes, seulement 20% des artistes programmés sont des femmes. Où sont-elles ? ».
Avec son Pop Women Festival, dont la deuxième édition se déroulera les 9, 10 et 11 mars 2023 dans différents lieux de Reims, Céline Bagot va proposer des conférences, des rencontres croisées, des « Battle BD », des projections de documentaires, avec un objectif : « transformer un sujet injuste en quelque chose de positif », sans opposer les hommes aux femmes, mais simplement apporter sa pierre à l’édifice de l’égalité entre les sexes. Un combat pacifique, « un événement qui rassemble », insiste-t-elle, placé sous l’étendard de la Pop Culture. à découvrir, forcément.