
Sa jeunesse a été bercée « de joies et de plaisirs simples passés dans la nature ». Munie d’un bac économie et social obtenu au lycée Monge à Charleville-Mézières, elle s’éloigne pourtant de sa famille qui habite la petite commune de Vivier-au-Court pour intégrer en 2020, à l’âge de 19 ans, l’école nationale de sous-officiers de Saint-Maixent. « J’éprouvais le besoin de chercher mes limites en me dépassant », livre cette fille d’un policier municipal qui, ayant eu l’occasion de lire des ouvrages sur l’armée, entend alors se tourner vers une carrière militaire. « Ce fut une expérience très positive. Le fait d’être dans un milieu d’hommes m’a forgé un tempérament et donné du caractère. J’en suis donc ressortie grandie. Mais la rigidité du cadre de vie militaire ne me convenait pas ». Sa mère, assistante familiale, pleine d’inquiétude de voir sa fille exercer une activité dans l’armée de terre, lui avait parallèlement conseillé de préparer le concours de l’Institut régional du travail social. Ainsi, six mois plus tard, Azéline Hamen bascule dans une session de formation de trois ans pour devenir éducatrice spécialisée.
« Je me suis identifiée très vite à ce domaine parce que ma maman avait travaillé dans le secteur social. À partir de 2013, j’ai effectué des remplacements dans différentes structures ou foyers d’hébergement axés sur la protection de l’enfance et le handicap ». En 2015, ayant l’impression d’avoir déjà fait le tour de la profession, Azéline Hamen n’ayant pas d’autres perspectives, décide avec une amie d’aller faire du « woofing » au Canada. « Un concept qui nous permettait d’être hébergées et de travailler dans des fermes pour y donner un coup de main tout en étant nourries et logées sur place. On a ainsi visité le pays tout en se familiarisant avec les coutumes locales en étant en immersion dans plusieurs familles. J’ai côtoyé des gens formidables aux parcours incroyables qui travaillaient à leur rythme, en vivant au fil des saisons. Ils mettaient du sens dans leur existence et cela m’a donné des idées pour la suite. Mais quand je suis revenue dans les Ardennes, j’étais autant paumée que lorsque je suis partie ! »
Initiation Au Métier D’Eleveuse
En 2016, cap sur l’Ardèche où elle va parfaire ses connaissances au Domaine de Pradel à Mirabel, dans une école d’enseignement, de formation professionnelle, d’expérimentation et de recherche agricole. « Durant 18 mois, j’ai profité de mes week-ends et de mes vacances pour travailler dans des exploitations agricoles dans ce département et dans le Var. C’est là que je me suis habituée à la compagnie des chèvres... » À l’issue de ce stage, elle souhaite concrétiser ses nouveaux savoirs dans les Ardennes. « Tout s’est très vite enchaîné. J’ai eu l’opportunité avec mon mari, Johan, qui m’a rejoint dans cette aventure d’acquérir la ferme des Domoiselles à Dom-le-Mesnil ».
Le lieu, à équidistance de Charleville-Mézières et de Sedan, présente l’avantage d’être implanté au bord d’une route nationale, un atout intéressant dans le mesure où Azéline Hamen et son époux souhaitent installer un magasin à la ferme. Après quelques péripéties administratives, le couple accueille ses premières chèvres de Lorraine en août 2020. « Nous avons commencé à produire en mars 2021 nos premiers laits et à les transformer sur place en fromages frais, affinés et en tomme, en yaourts (nature ou aux confitures) ou encore en glace au lait de chèvre. Et malgré un contexte sanitaire tendu, l’engouement de la population locale a été immédiat ». Aujourd’hui, La ferme de Dom-le-Mesnil, qui dispose de neuf hectares de prairies dont cinq attenants à l’exploitation, regroupe une cinquantaine de chèvres de Lorraine « race, un moment menacée de disparition mais ces animaux rustiques et régionaux présentent une bonne génétique laitière et s’adaptent bien au climat ardennais » et plus 17 alpines gestantes issues du Loir-et-Cher.
Le couple d’éleveur assure la vente directe des produits tout en travaillant avec des artisans alentours (boulangeries, pizzerias). Ils participent par ailleurs aux grands évènements ardennais : Foire de Sedan, Cabaret Vert, festival mondial des marionnettes, fête médiévale, fête des confréries… De belles adresses leur font aussi confiance, à l’image du restaurant « La Gourmandière » à Carignan, l’Auberge du Cheval Blanc aux Ayvelles, le Pressoir Gourmand à Douzy et la Fromagerie de la place Nevers à Charleville-Mézières.
Enfin, depuis 2022, la ferme est ouverte à un large public (écoles, centres aérés, crèches, IME…). Une activité exercée par Johan qui, après une carrière militaire achevée au 3e Génie de Charleville-Mézières s’est formé à la médiation animale. Durant l’année, il propose des visites guidées pour les familles et des accueils personnalisés pour les structures professionnelles mais aussi des ateliers de réalisation de feuilletés ou de tartelettes au chèvre chaud.
« Nos premiers laits transformés sur place en fromages, frais, affinés, en tomme, en yaourts (nature ou aux confitures) ou encore en glace ont connu un engouement de la population locale immédiat. »
Durant les vacances scolaires, la ferme organise également des ateliers de biberonnage des nouveaux-nés du troupeau, qui rencontrent un franc succès.
Un Engagement Récompensé
En 2024, l’investissement et la détermination d’Azéline Hamen, ont été mis en lumière par le Crédit Agricole du Nord Est dans le cadre de l’opération « Jeunes formidables » mettant en avant de jeunes acteurs du territoire. Ce qui a valu à la chevrière domoise de sortir des 55 lauréats de départ pour se hisser dans les neuf finalistes, ardennais, marnais et axonais et d’obtenir un chèque de 1 000 euros. « Cette reconnaissance m’a offert une belle visibilité ». Soins des animaux, séances de biberonnage, traites (entre 210 et 240 à l’année), transformation du fromage, préparation des commandes, mise en place des manifestations extérieures, communication et maîtrise des réseaux sociaux et recherche de nouveaux partenaires professionnels rythment désormais le quotidien de cette mère de deux enfants (Maëlle, 5 ans, et Marcel, 2 ans) et de son époux. « Nous avons mis un point d’honneur à conserver des moments de vie familiale pour faire grandir au mieux nos enfants ». Une manière de boucler la boucle, en offrant à son tour, des moments de joies et de plaisirs simples au plus près des animaux et de la nature, tout en transmettant des valeurs de responsabilité et de construction de projet.