« J’aimerais que les femmes aient une autre image des métiers du bâtiment. Et leur donner envie de franchir le pas », explique Anaëlle Legrain. C’est après avoir étudié et travaillé pendant près d’une dizaine d’années dans le paramédical qu’elle a, quant à elle, décidé de choisir cette voie. Aujourd’hui installée à son compte comme peintre d’intérieur, elle vient d’être récompensée lors des 12e Trophées Madame Artisanat pour la brillante réussite de sa reconversion professionnelle.
Avec un Bac pro secrétariat en poche, Anaëlle Legrain souhaitait pourtant à l’âge de vingt ans travailler dans le domaine de la santé : « J’ai préparé et obtenu le diplôme d’état d’ambulancière. Et j’ai travaillé en tant que telle pendant trois ans ». Anaëlle s’est ensuite formée pour devenir aide-soignante. Avant d’exercer dans ce domaine de 2013 à 2017.
« C’était devenu au fil du temps assez difficile pour moi, toujours de plus en plus prenant psychologiquement. J’étais par exemple en charge de patients atteints de la maladie d’Alzheimer », se souvient-elle. Il y a près de cinq ans, sa fatigue est telle qu’elle décide de jeter l’éponge. De quitter le paramédical, la seule voie qu’elle avait pourtant toujours envisagée jusque-là.
Remise en question
« Et puis j’ai essayé de retrouver un métier qui me passionnerait », analyse la Troyenne. Faire le point sur sa situation lui permettra de mettre en évidence le fait d’être « naturellement attirée par les métiers manuels – [elle a] toujours aidé [son] père à bricoler -, mais également par l’architecture, le bâtiment, la décoration, la peinture et tout ce qui touche à l’habitat ».
En 2018, guidée par Pôle Emploi et grâce à son Compte Personnel de Formation, elle se forme en e-learning pour devenir conseillère en décoration d’intérieur. « Mais il me manquait toujours le côté manuel. J’ai alors passé un Bac pro d’aménagement et finition du bâtiment en un an avec le Greta, au lycée des Lombards, à Troyes. Je voulais être indépendante, créer mon entreprise juste après », fait-elle valoir.
Création d’entreprise
Après son immatriculation à la Chambre de Métiers en juillet 2021, elle commence par travailler quelques mois en intérim dans une entreprise de peinture, pour acquérir un peu d’expérience. « Et depuis novembre dernier, je travaille sur mes propres chantiers. C’est tout frais », sourit la peintre. Si cette reconversion semble aller de soi, tout n’a pourtant pas été rose tous les jours : « Au début, on est un peu perdue, dans ce parcours semé de doutes, il faut être soutenue... Je l’ai été par mon conjoint qui est maçon et a lui-même une entreprise. Étant en dernière année d’indemnités de chômage, j’ai voulu accélérer la création de mon entreprise. Cela a été compliqué de visualiser la suite pour mon activité », glisse Anaëlle.
« J’aimerais que les femmes aient une autre image des métiers du bâtiment. Et leur donner envie de franchir le pas. »
A contrario, le retour sur les bancs de l’école n’a pas été trop difficile, même si ce n’est jamais évident – pour une femme de trente-quatre ans, qui plus est mère de deux enfants âgés de huit et cinq ans – de se retrouver avec d’autres élèves âgés de seulement dix-sept ans. « Je me suis sentie intégrée et bien encadrée. J’ai été contente d’avoir affaire à des jeunes ouverts d’esprit. Et les profs me soutenaient également », reconnaît-elle.
Constituer une équipe 100 % féminine
Pour développer son activité, la jeune peintre troyenne mise avant tout sur la publicité de bouche à oreille. Elle communique également via ses comptes Facebook et Instagram pour présenter ses réalisations, sans être pour autant une grande amatrice des réseaux sociaux. « Je réalise des travaux de peinture et un peu de placo - des petits cloisonnement seulement, car je suis toute seule pour le moment », explique Anaëlle Legrain, qui espère créer par la suite une équipe 100 % féminine. « Le but de la création de mon entreprise est de réunir un maximum de femmes pour déjà donner une autre vision du bâtiment, féminiser le bâtiment », étaye la jeune entrepreneure.
D’autant que les femmes sont reconnues pour être plus patientes et minutieuses : « Ce sont les hommes qui le disent. Ce ne sont pas nous qui l’inventons ». Et de souligner l’importance du nombre de demandes au niveau des entreprises. Du côté des formations, on note également la difficulté à recruter des jeunes voulant se former dans le bâtiment : « C’est un peu dommage, d’autant qu’il y a du potentiel derrière. En ce qui me concerne, j’aimerais intégrer une plaquiste, une peintre et une spécialiste revêtements de sol ». Car si elle travaille d’ores et déjà pour des particuliers, elle souhaiterait par la suite s‘adresser également à une clientèle de professionnels, pour des chantiers de plus grande envergure.
Savoir-faire et présence plus rassurante
Pour la dynamique chef d’entreprise, il est temps de changer les mentalités à l’égard des métiers du bâtiments, notamment en incitant les femmes à s’y investir : « Il y a de la demande. Quand on m’appelle au téléphone, il y a une confiance qui s’installe tout de suite. Je le ressens, c’est agréable. Et de leur côté, les clients me disent qu’ils m’ont choisie car le feeling est bien passé, qu’on peut me donner les clés pour le chantier, qu’ils me font confiance ».