Il est un des parrains de cet évènement et vivra d’ici peu, sa 17e édition. Alberto Fernandez, pionnier de cette manifestation, mesure le chemin parcouru depuis sa rencontre avec Julien Sauvage. Avant cela, il avait créé en 1993 l’association FRAPPES (Folles rencontres artistiques pour promouvoir des évènement scéniques) avec Stéphane Villière, musicien et technicien du spectacle hors pair, et Nathalie Génin, modiste carolomacérienne avec lesquels il a organisé des concerts dans les bars et le festival du Vieux-Moulin.
« Les aléas de la vie et nos obligations professionnelles ont fait que l’assoc’ a par la suite périclité au moment où nous avions lancé « L’art du nez » dans un local mis à notre disposition par l’industriel nouzonnais François Borrewater à Charleville-Mézières. Mais malgré les galères, le portage de ses structures et les responsabilités qu’elle impliquaient m’ont beaucoup appris. »
Stéphane Villière le met en contact dès 2004, avec Julien Sauvage, alors bassiste des Lads People. Un rendez-vous est calé au Verbock, chez Philippe Boudart pour discuter d’un projet commun : la création d’un éco festival rock et territoire.
« Agacé par le défaitisme ambiant et d’entendre dire qu’il ne se passait jamais rien dans les Ardennes, nous avons eu l’idée de fédérer les acteurs politiques et économiques aussi bien que les citoyens autour d’un évènement. C’était le fondement de départ. »
« On voulait démontrer que la jeunesse ardennaise était apte à finaliser un projet d’ampleur ambitieux et inédit. Les bases du Cabaret Vert étaient posées. »
« On a convenu que ça pouvait être un truc de fou et nous avons voulu placer la barre très haut dès la première édition. On s’est retroussé les manches pour inscrire le Cabaret Vert dans les festivals français de l’été. »
Avec Yves Schneider, Gauthier Delille, Benjamin Laurent et Marie-Laure Harter, tous membres de l’association FLaP (Front de Libération des Ardennes profondes), créée en septembre 2003, ils vont alors peaufiner ce projet et obtenir la confiance des institutionnels et des futurs partenaires financiers.
Le site d’accueil est vite identifié. « J’avais en ligne de mire le stade Bayard, la Macérienne et les alentours. C’était le terrain de jeu de prédilection de mon enfance. Ce lieu avait un potentiel remarquable et quand j’ai emmené Julien aux pieds de la tour Mialaret, qu’on s’est posés sur le muret longeant le terrain de rugby et fait le tour complet de l’endroit, je lui ai dit : "Ça peut se faire ici." Il a tout de suite été emballé par ce projet intra-muros qui tombait opportunément car la Ville voulait honorer Mézières cette année-là. »
Le début d’une sacrée saga
En septembre 2005, après avoir obtenu le feu vert de Claudine Ledoux, l’ancienne maire de Charleville, la première édition du Cabaret Vert est lancée. Avec un budget de 230 000 euros, Jacques Higelin et Mano Solo comme têtes d’affiche et un succès populaire inespéré avec 10 300 personnes sur deux jours. « Mais au moment du bilan des comptes, premières sueurs froides, on avait enregistré un déficit de
23 500 euros, soit 10 % de notre budget. Ce qui nous avait obligés à consentir un crédit de 15 000 euros pour combler la dette auprès de notre banquier qui, en reportant la créance, nous avait sauvé la mise. Le festival pouvait continuer. »
Par la suite, Alberto Fernandez a vécu la montée en puissance progressive d’une grosse machine. Un premier salarié, Gauthier Delille, embauché en 2007, un budget allant crescendo pour arriver à plus de 10 millions d’euros hors taxes avec moins de 5% d’aides publiques, 600 entreprises partenaires, 2 300 bénévoles et une fréquentation constamment en hausse : 23 500 festivaliers en 2007, 73 000 en 2012, 102 000 en 2019 et 125 000 en 2022. Fin 2023, FLaP, acteur du développement économique et de l’attractivité des Ardennes, emploiera 22 salariés.
Mais « l’immense gadin ramassé en 2018 avec plus de 850 000 euros de pertes démontre que l’on reste un colosse aux pieds d’argile ».
Au contact de trois ministres et huit préfets
Premier vice-président chargé de l’évènementiel à FLaP depuis 2019, Alberto Fernandez encadre toute la partie déclarative de la manifestation. À ce titre, il communique aux services de l’État et de la Ville une soixantaine des pièces nécessaires à l’obtention du feu vert de la commission de sécurité.
Il a aussi préparé les visites ministérielles de Bernard Cazeneuve, à deux reprises, d’Edouard Philippe, « c’était la première fois qu’un Premier ministre se déplaçait de façon officielle sur un festival de musique en France, une venue qui dura plus de cinq heures », et une rencontre avec Françoise Nyssen, ancienne ministre de la Culture.
« Grâce à ces expériences, j’ai beaucoup appris du protocole et acquis de l’expertise sur les dispositifs de sécurité existants autour des personnalités. Dans ce contexte où la tension est parfois palpable, il faut savoir garder la tête froide. » Lors des seize précédentes éditions, il a côtoyé pas moins de huit préfets.
Dans son énumération, il retient aussi l’édition 2008 « où nous avions été submergé par des festivaliers non munis de billets d’entrée et ayant l’intention de franchir l’enceinte du festival. Il a fallu déminer la situation qui avait occasionné des dommages collatéraux au niveau des riverains. » Musicalement parlant, lui qui appréciait ACDC, les Who, Pink Floyd, Genesis ou Magma avoue un certain plaisir à avoir découvert le monde de l’électro.
Un parcours dans le champ social
Faute d’avoir pu trouver un emploi de chaudronnier soudeur à la fin de ses études malgré un CAP-BEP spécialisé obtenu au lycée Bazin, ce fils d’émigrés espagnols entame, en 1983, un parcours dans le champs social. D’abord comme animateur au service périscolaire de Charleville-Mézières puis à la Mission Locale à un poste de conseiller technique, avant d’évoluer comme responsable du secteur développement.
Par la suite, durant dix ans, il a dirigé un établissement médico-social accueillant des enfants en situation de handicap sur le site de Moraypré à Haybes. Depuis 2019, enfin, il est responsable du service d’évaluation des besoins de compensation au sein du groupement d’intérêt public de la Maison Départementale des Personnes Handicapées.
« Une structure qui étudie toutes les demandes de reconnaissance du handicap. Soit environ 8 000 dossiers déposés par an. Mon équipe, pluridisciplinaire, comprend une quinzaine de personnes : médecins, assistants sociaux, infirmiers, éducateurs et assistants administratifs. »