Lorsque l’on croise Alain Nicole, on imagine que son gabarit de deuxième ligne devait faire merveille dans les mêlées rugbystiques de sa jeunesse. Et l’on se fourvoie complètement. En vérité, après avoir tâté un peu du ballon rond (nul n’est parfait), c’est vers le cyclisme qu’il se dirigea avec enthousiasme. « A 17 ans, je mesurais un mètre quatre-vingt-treize et ne pesais que 71 kilos. » Les copains qui l’avaient entraîné à l’UVC Aube, à Troyes, n’étaient autres que les frères Simon - Pascal, Régis, Jérôme et François - qui brilleront quelques années plus tard dans les rangs professionnels. Ses études l’appelant bientôt à Reims, Alain Nicole ne prendra pas leurs roues et abandonnera bientôt le cyclisme, en restant toutefois au contact du milieu sportif, puisqu’il sera un temps pigiste en la matière pour L’Est Eclair - Libération Champagne…
Droit public et urbanisme constitueront son viatique professionnel. « J’ai toujours eu envie de participer à l’aménagement du territoire, à la construction urbaine. J’ai passé, un peu par hasard et sur les conseils d’un camarade, le premier concours national d’attaché territorial des offices HLM, que j’ai obtenu. Le logement social est un environnement porteur de valeurs, autour duquel gravitent des gens passionnants, et où s’expriment des engagements forts. »
En novembre 1982, le voilà à l’Opac de l’Aube, à Troyes, dont il deviendra le directeur général. 19 ans plus tard, avec le sentiment du devoir accompli, il rejoint Lyon pour prendre la tête de Grand Lyon Habitat. « J’ai passé le dernier entretien de recrutement devant Raymond Barre. C’était un personnage impressionnant et j’étais littéralement tétanisé. Il m’a quand même engagé ! » Avec mission de remettre de l’ordre dans la maison. Ce qui sera fait, trois ans plus tard, lorsque des contingences familiales lui feront regagner la Champagne-Ardenne.
Bâtisseur féru d’innovation
C’est une nouvelle direction générale qui l’attend, celle de l’Effort Rémois, à Reims. Il dirigera aussi le groupe Plurial, dont fait alors partie l’Effort Rémois, gérant à ce titre 75 000 logements, entre Paris et Strasbourg. Depuis 2015, Alain Nicole dirige le bailleur social Plurial Novilia (36 600 logements sur 7 départements, 500 salariés, environ 200 M€ de chiffre d’affaires) au sein du groupe Action Logement (collecteur du 1 % patronal, 1ère foncière européenne, 45 filiales en France, 1 million de logements) dont la devise ‘‘groupe d’utilité sociale’’ lui convient parfaitement.
En 40 ans de « logement social », Alain Nicole a fait construire ou racheter
21 000 logements, permettant d’héberger, a minima, 60 000 personnes. Il n’en tire pour toute fierté que celle d’avoir été utile à tant de gens ayant besoin d’un toit (familles recomposées, mères célibataires, jeunes en difficulté, professionnels en mobilité, etc.). « 85 % des personnes bénéficiant de nos logements disposent de moins de 1 500 € par mois, tous revenus confondus, et la moitié d’entre eux de moins de 1 000 €. L’utilité sociale est là. »
« J’aime les responsabilités. Mais cela requiert aussi une certaine forme de courage, tant il y a… d’enquiquinements quotidiens, qui réclament des décisions instantanées. »
Considéré comme un grand bâtisseur, Alain Nicole a accompagné au cours de ces quatre décennies toutes les évolutions du secteur, qu’il s’agisse de la réglementation (notamment en ce qui concerne la pollution des sols, l’amiante…) ou encore de la prise en compte de la qualité paysagère des quartiers, du bien-être des populations. Féru d’innovation, il aime développer des idées qui ont porté haut les couleurs de Plurial Novilia, qu’il s’agisse de bâtiments connectés, de programmes originaux (par exemple le projet Bezannes Esperanto : 5 maisons, 5 continents, 5 architectes), de construction par impression 3D. « Dans nos métiers, l’évolution de la construction va vers davantage de préfabrication. L’usine rationalise les axes de production, raccourcit les délais, utilise moins de matériaux. »
Manager dans l’âme
Ces 40 années professionnelles, Alain Nicole les a presque toutes passées en qualité de manager. « J’aime les responsabilités. Mais cela requiert aussi une certaine forme de courage, tant il y a… d’enquiquinements quotidiens, qui réclament des décisions instantanées. » Il a vu grandir l’individualisme
« et le sentiment bien réel d’une insécurité que l’on ne sait plus gérer et qui empoisonne aujourd’hui les quartiers, alors même qu’elle n’est le fait que de 2 % des résidents ».
À l’occasion des dernières élections municipales, et alors que s’approchait l’heure de la retraite, il a souhaité s’engager à Bezannes, où il habite. « S’occuper d’une commune, cela ressemble par bien des aspects à ce que j’ai fait durant toute ma carrière. J’avais envie de mettre mon expérience au service de mes concitoyens. » Les urnes ne lui ont pas été favorables. Point barre. Homme et dirigeant discret détestant en toutes choses les éclats conflictuels, Alain Nicole considère qu’il est là avant tout pour servir l’intérêt général et non le sien.
Profiter de la vie
Il se dit simple, sans ego, sans désir ni besoin de quelconque revanche sociale. Il entend être jugé sur les actions qu’il mène et estime que « les tapageurs ne sont pas les meilleurs ». Il serait cependant erroné de lui faire grief d’austérité, car peu savent qu’il fait preuve, lorsque l’occasion s’en présente, d’un humour décapant. À la fin du mois, il cessera de diriger Plurial Novilia, même s’il conserve la direction de la société anonyme de coordination (SAC) rassemblant Plurial Novilia et les OPH de la Meuse, Saint-Dizier, Montereau et Nemours, histoire de… partir en douceur. Sans oublier une vice-présidence du Réseau Entreprendre Champagne-Ardenne, dans le cadre duquel il accompagne les créateurs d’entreprises et, dans un domaine semblable, son rôle d’administrateur du Village by CA, à Bezannes.
Ce qui devrait néanmoins lui laisser un peu de temps pour voyager (il adore !) et rendre visite aux membres d’une famille disséminée aux quatre coins du monde, ou presque, de l’Australie aux Etats-Unis, en passant par le Danemark, le Canada et Singapour (deux de ses cinq enfants vivant dans ces deux derniers pays). De profiter un peu plus de ses quatre petits-enfants (même si deux d’entre eux sont à l’étranger). De sillonner la France, dont il a peut-être sacrifié la découverte à son goût pour les voyages, justement. De se remettre au sport, aussi : natation et… vélo !