Aïgoul Djanbekova est la seconde lauréate du concept « Ma première boutique », mis en place à Charleville-Mézières. Elle ouvrira une maison de couture à son nom le 8 mars en centre-ville en tant que commerçante indépendante. Lancé par Ardenne Métropole il y a quatre ans, le dispositif « Ma première boutique » a pour objectif de favoriser l’installation de jeunes commerçant(e)s dans des locaux abandonnés, vétustes et hors norme que la collectivité locale a repris à bail, remis en état pour les proposer à la location à un porteur de projet. Ce dernier bénéficie d’un loyer mensuel modéré et progressif pendant trois ans.
Cette année, le comité de sélection de l’opération a donc retenu Aïgoul Djanbekova, 27 ans, créatrice de robes de mariées et de cérémonies sur mesure, qui exerçait depuis un an à son domicile. La viabilité économique de son projet et la nature de l’activité proposée ont convaincu le jury. AÏgoul prévoit d’ouvrir son magasin, le 8 mars, « date de la journée de la femme », quelques jours après une séance de shooting d’une partie des robes de sa nouvelle collection, effectuée à... New-York en compagnie du photographe ardennais, Arnaud Gratia.
Une passion très précoce
« La couture est pour moi une passion très précoce puisque j’ai appris les rudiments de cette discipline quand j’étais toute petite, dès l’âge de 6 ans. Ensuite, à l’adolescence, j’ai commencé à m’intéresser à ce métier et je confectionnais déjà des robes », souligne la native de Khassaviourt. Elle a vécu sa prime jeunesse au sud de la Russie, dans la région du Daghestan qui longe la mer Caspienne avant que la guerre de Tchétchénie oblige ses parents à émigrer en France sous le statut de réfugiés politiques. « Au départ, nous avons vécu à Marseille avant d’être dirigés vers les Ardennes où mon père et ma mère ont trouvé du travail comme maçon et aide à la personne ». AÏgoul y fréquente le lycée Monge avant d’intégrer le lycée Libergier à Reims pour y passer un BTS commerce international. La jeune franco-russe va, à partir de 2014, effectuer diverses missions professionnelles au club « Med » de Val Morel et au Grand-hôtel « Four Seasons » de Saint-Jean Cap Ferrat.
« Je créerai sur place des croquis sur mesure ce qui permettra au public de découvrir ma façon de travailler et dans l’arrière-boutique, suffisamment large, j’aurai mon atelier couture et un espace de stockage »
Le fait de parler couramment le russe et l’anglais lui facilitent la tâche. « Durant, toute cette période, j’ai continué de pratiquer la couture en autodidacte. J’avais commencé à l’âge de 15 ans lorsque mon père m’a offert ma première machine à coudre. Ayant fréquenté des endroits assez luxueux et effectuant des tests et croquis pendant mes moments libres lors de mes différentes pérégrinations, j’ai pu rencontrer des designers qui m’encourageaient à faire de cette activité mon futur métier ». Le déclic survient en novembre 2018 lorsqu’elle obtient un poste chez Chanel à l’agence City one de Paris. « Je devais accueillir la clientèle, la diriger vers les personnes compétentes et la faire patienter lors de flux importants. Mais à cette occasion, j’ai aussi pu voir de près comment les robes étaient conçues, toucher les matières et discuter avec la clientèle de ses exigences. J’ai aussi et surtout pris confiance et conscience de ce que je voulais atteindre. Il ne me restait plus qu’à être capable de vendre mes propres produits ».
Avant de se lancer dans le grand bain, Aïgoul entre comme agent d’accueil à la Chambre des Métiers et de l’Artisanat de la Marne comme standardiste chargée du mailing et du traitement du courrier. Elle en profite pour comprendre le fonctionnement des entreprises artisanales. « Ce fut une étape supplémentaire de mon émancipation. Estimant alors mon futur métier plus accessible, je me suis lancée à 100 % dans ma passion en ouvrant ma propre maison de couture le 1er novembre 2020 à Villers-Semeuse dans le grenier de ma maison, spécialement aménagé pour cela. En partageant sur les réseaux sociaux mes techniques de couture et ce que je faisais, j’ai commencé à répondre à des commandes émanant de clients locaux mais aussi de Paris, Reims et même de Cannes via le Festival. Durant cette première année, j’ai travaillé beaucoup plus que je l’espérais ».
Défilé de mode et installation pour trois ans
Le 2 janvier 2020, elle organise et participe à son premier défilé de mode à l’Hôtel de ville de Reims en présentant sa première collection, « À l’encre de nuit », avec la collaboration de Neoma Business School. Forte de cette expérience concluante, la jeune mère de famille décide d’accélérer les choses et fait acte de candidature auprès des services d’Ardenne Métropole. « Cette démarche représentait une très belle opportunité car moins onéreuse. J’étais persuadée que l’artère commerçante et le local commercial situés en plein centre-ville dans un lieu très passant et plein de commerçants indépendants, proches aussi d’un parking, répondaient parfaitement à mes désirs et à ce que je voulais faire. J’ai flashée tout de suite ».
Sélectionnée, Aïgoul a déjà une idée très claire de l’agencement de son futur magasin. « Je prévois d’exposer dans le salon d’accueil quelques robes de ma dernière collection, disponibles uniquement en location. Tous les modèles seront uniques car en rapport avec la personnalité de mes clientes. Outre des robes de mariées et de cérémonies réalisées sur mesure, je vendrai aussi des jarretières, capes, broderies et voiles, personnalisés. Je créerai sur place des croquis sur mesure ce qui permettra au public de découvrir ma façon de travailler et dans l’arrière-boutique, suffisamment large, j’aurai mon atelier couture et un espace de stockage. Le tout dans une atmosphère très évènementielle », souligne celle qui s’est toujours refusée à entrer dans un schéma trop structuré. Ambitieuse et motivée, Aïgoul espère désormais que son travail sera reconnu un jour dans le monde entier.