Agnès Mugard
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Agnès Mugard

Le respect de l’autre

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Photo de Agnès Mugard
Depuis le 1er avril, Agnès Mugard préside le groupe BNI Pays de Seine pour six mois. (Crédits : MBP)

À l’image d’Emanuel Buxtorf, son arrière-arrière-grand-père, Agnès Mugard rêve un jour d’inventer quelque chose d’utile, pour les personnes âgées par exemple. Son aïeul, maire de Troyes à deux reprises de 1870 à 1878 et éminent ingénieur mécanicien, a déposé 39 brevets, dont celui du métier à jacquard. Il a ouvert l’école française de la bonneterie et, en 1891, s’est acheté une Panhard. « C’était le premier aubois à avoir une automobile dans l’Aube ! » Les générations se suivent et sa maman, Anne-Marie Delatour s’est aussi dévouée à la Ville. Elle a fait deux mandats en tant qu’adjointe de François Baroin et était déjà au conseil municipal auprès de Robert Galley. « Ma famille a toujours eu une implication importante dans la vie locale, j’ai toujours baigné dans cet univers. Je trouve que cela génère beaucoup de tensions. Alors, j’en ai déduit que je ne ferai jamais de politique ! ».

Profondément humaine, Agnès prône le respect et la bienveillance. « Chacun traverse son parcours de vie. Nous ne devrions pas avoir de préjugés sur les autres, parce que nous ne vivons pas ce qu’ils vivent. Nous ne sommes pas tous à armes égales face aux épreuves. Il faut prendre la personne comme elle est ».

Après 12 ans à la direction de la maison de retraite Saint-Vincent-de-Paul, ses mots sont bien pesés. Les personnes âgées, elle les côtoie depuis son plus jeune âge. Séparée tôt d’un papa malade et handicapé qui doit être placé en institut, Agnès voit sa mère se battre pour le bonheur de sa famille. « J’ai huit ans quand elle prend la direction de la résidence du Club des Noës et nous emménageons dans un logement de fonction sur place, en immersion pendant dix ans ! J’y travaillais aussi parfois en extra pour aider maman quand des employés devaient s’absenter ».

Directrice d’EHPAD de mère en fille

Après des études à l’IUT de Troyes, Agnès Mugard entre au Centre municipal d’actions sociales qui s’occupe d’une multitude d’associations dont la plupart sont présidées par des élus. La loi contre le blanchiment d’argent les contraint à se réorganiser pour en garantir une saine gestion et Agnès intègre l’association sociale et sanitaire de gestion (ASSAGE). Elle en profite pour passer une maîtrise de management des institutions sanitaires et sociales à Paris dont elle sort major de promo avec un titre d’ingénieur. Elle enchaine ensuite sur un master 2 en contrôle comptabilité audit à l’IAE de la Sorbonne. « J’étais en formation continue, je partais une semaine par mois pour la maîtrise et un week-end par mois pendant dix-huit mois pour le master 2 ». Quand elle voit que l’EHPAD Saint-Vincent-de-Paul, association à but non lucratif encadrée par l’ASSAGE, recherche sa nouvelle direction, elle postule et obtient le poste. « Ce sont 12 ans d’une expérience incroyable avec une responsabilité de chaque instant. »

Le relationnel avec les personnes âgées et les relations intergénérationnelles font partie de son ADN. La résidence, médicalisée, avait une équipe de soignants avec médecin, aides-soignantes et infirmières.

« À chacun son parcours de vie, nous ne devrions pas avoir de préjugés sur les autres. »

« Nous avions des règlementations très strictes. Je faisais des rapports contrôlés par l’Agence régionale de santé et au Conseil départemental ». La gestion budgétaire de tous les instants et les lourdeurs administratives avec les contraintes de sécurité, conformité et les nombreux indicateurs occupent une grande partie de son temps. « On se serrait les coudes avec mon équipe ». Pourtant, Agnès se réserve des moments pour échanger avec ses 74 résidents. « Nous faisions les “mercredis terrasse”, c’était l’occasion de quitter le bureau et pour eux de nous raconter leur histoire de vie. Nous avons aussi écrit un livre avec l’aide d’un écrivain public. Chaque résident a été interrogé sur une recette qu’il aimait faire et en profitait pour raconter une tranche de vie. C’est vraiment considérer la personne de l’intérieur ». Douze années qui épuisent la directrice par leur intensité. « Quand je me suis rendu compte que je n’avais pas éteint mon téléphone portable la nuit depuis douze ans, je me suis dit qu’il était temps de faire autre chose ».

L’intérim, une autre histoire de famille

Maman de cinq enfants, Agnès a toujours pris du temps pour sa famille. « Le temps de dire bonne nuit à chacun, de lire une histoire aux plus jeunes, cela me prenait une heure ! Ils ont maintenant grandi, mais j’apporte toujours de l’attention et de l’écoute à mes enfants ».

Mariée à Frédéric Mugard qui dirige le cabinet de recrutement ACS depuis 2009, ils décident de créer ASC Intérim en 2008. Agnès en est la cogérante avec Laurent Ravigneaux, qui a un passé dans l’intérim d’insertion. L’agence dispose de plus de 5 000 CV pour répondre aux besoins des entreprises, avec la particularité d’être labellisée Lucie pour la RSE et Parcours TH pour l’emploi des personnes handicapées. « 10 % des personnes qui viennent à l’agence sont en situation de handicap. Cela ne signifie pas qu’elles se déplacent en fauteuil roulant, le handicap ne se voit pas forcément ».

Si avec le contexte de crise, les entreprises réduisent le nombre d’intérimaires, ACS reste présente sur l’ensemble des activités. L’agence se construit ainsi autour de belles histoires. « Un jour, un toiletteur pour chien a fait appel à nous pour lui trouver un collaborateur. Et, finalement, quelque temps après, cette personne en intérim lui a racheté sa société de toilettage ! ».

Un esprit positif de réussite en toute bienveillance qu’elle prône désormais au sein du BNI. Depuis le 1er avril, Agnès Mugard préside le groupe Pays de Seine pour six mois. Tous les mercredis matin, de 7 h 30 à 9 h, elle réunit les 38 membres pour faire du business. « J’ai annoncé un objectif de retour sur investissement pour chacun. Je porterai un regard sur les membres et l’utilisation des outils qui sont à leur disposition pour qu’ils développent leur activité ».

Toujours élégante et d’humeur égale, Agnès Mugard se réserve un peu de temps pour le tennis, l’équitation et avec les Aubassadeurs. Aujourd’hui, elle coupe son téléphone la nuit. Avec ACS Intérim et le BNI, « je vois la ville différemment, je découvre le monde économique du département ». Après les personnes âgées, elle a fait le choix de servir l’économie et les entreprises en mettant à leur disposition le personnel dont elles ont besoin. Et, parce qu’on ne se réinvente jamais totalement, elle fait le choix de servir les autres. « Je suis un peu le coach des candidats. Quand je présente leur candidature, c’est que je crois en eux ». Comme quoi économie et humanisme ne sont pas antinomiques. D’ailleurs, comme Agnès Mugard aime le dire : « une carrière professionnelle se fait souvent avec les personnes que nous croisons ».