5e édition consécutive en qualité de ministre de l’Economie et des Finances pour Bruno Le Maire à la #REF 2021, grand rendez-vous impulsé par le Medef, chaque fin d’été, désormais sur l’hippodrome de Longchamp. De mémoire de patrons, une telle longévité face aux tribunes, c’est assez rare pour être signalé… « Tout change dans l’économie française, sauf le ministre », plaisante le locataire longue durée de Bercy. Et changement il y a, à l’heure où beaucoup de dirigeants disent ne plus vouloir bénéficier d’aides de l’Etat.
Bruno Le Maire aura bien confirmé des perspectives de croissance à 6%. « Le quoi qu’il en coûte, c’est fini, nous sommes passés au sur-mesure, mais nous continuerons à soutenir ceux qui en ont besoin. Rendez-vous était déjà pris pour le 30 août avec la filière de la culture, celles du tourisme et activités associées (voyagistes, événementiel…), nous aiderons celles et ceux qui ont perdu de l’argent suite aux réglementations sanitaires, mais pour le reste, que l’économie soit libre, qu’elle crée des emplois et qu’elle crée de la richesse sans le soutien de l’Etat. »
« Il faut innover, il faut investir, il faut faire de l’éducation la priorité absolue du prochain quinquennat. »
Bruno Le Maire enchaine sur la justesse de son diagnostic initial, amplement repris par Geoffrroy Roux de Bézieux, président du Medef, dans son discours introductif : non, la vague des faillites tant redoutée n’a pas atteint le tissu économique français, « il y a même, en vérité, moitié moins de défaillances qu’à l’ordinaire. On nous annonçait un million de chômeurs supplémentaires, et aujourd’hui le niveau de chômage est inférieur à la situation avant-Covid. On nous disait que nous mettrions trois ou quatre ans avant de retrouver le niveau d’activité habituel, je vous confirme que notre objectif, c’est de retrouver ce niveau d’avant crise fin 2021 et non pas 2022, grâce à une consommation bien orientée et à des investissements eux-aussi bien orientés ».
Finalement, le seul écueil à un redécollage économique immédiat et solide, c’est « celui que personne n’avait vu venir », comprenez la ressource humaine. « Si vous m’aviez dit, il y a huit ou dix mois, que lorsque je m’exprimerai devant les entrepreneurs de France, je leur dirai que le problème numéro un dont on souffre aujourd’hui, c’est un problème de recrutement de salariés et de personnels… Et pourtant c’est la règle, comme quoi la vie, même économique, se charge toujours de nous surprendre. » Bruno Le Maire souhaite donc ouvertement et farouchement que la réforme de l’assurance chômage entre en vigueur au 1er octobre. « L’emploi va mieux, le chômage baisse, si nous voulons inciter les Français à retourner au travail, il faut que la réforme entre en vigueur. » Applaudissements fournis du patronat.
Pré-programme de campagne
A l’heure du bilan des quatre ans passés aux responsabilités ? « Je crois que le gouvernement, avec les réformes fiscales, la baisse de l’impôt sur les sociétés, le début de baisse d’impôt sur les productions, la réforme de l’assurance chômage, le soutien aux filières industrielles, a fait du bon travail. » Même si, selon lui, il reste du pain sur la planche publique « si nous voulons que la France reste parmi les grandes nations économiques de la planète. » La recette sauce Bercy est dosée : « il faut innover, il faut investir, il faut faire de l’éducation la priorité absolue du prochain quinquennat. Il faut que nous retrouvions encore plus de compétitivité, il faut nous appuyer sur nos secteurs de force. »
Par exemple l’énergie nucléaire (« oui, c’est un atout majeur de l’économie française, qu’on peut décarboner à faible coût »). A l’ouverture des urnes électorales, en 2022, il faudra aussi se rappeler de ces 300 Mds€ mis sur la table en 48 heures, de l’anticipation, « avec vous, les entrepreneurs », pour re-trouver « des fonds propres et donc de la capacité à investir ». Bruno Le Maire aura enfin largement réitéré son soutien à Emmanuel Macron pour continuer l’ouvrage « sur les cinq prochaines années ».
Focus ministériel sur le deuxième effet PGE. Après l’aide en urgence, les Prêts Garantis par L’Etat ont aussi eu la vertu de ne pas trop entamer les fonds propres des entreprises, pour un rebond plus franc. Petit effet secondaire induit : un dispositif de prêts participatifs qui n’a pas décollé comme prévu, faute de besoin selon Bruno Le Maire, qui prévoit d’insister sur lesdits prêts, « pour les rendre plus attractifs, plus utiles pour la reconstitution des fonds propres, et donc plus efficaces pour l’investissement. »
70 milliards d’euros décaissés d’ici janvier 2022 pour la relance
« Premier temps, on protège, massivement, sans compter, parce que derrière les entreprises il y a des savoir-faire, des compétences… Deuxième temps, nous relançons, et nous sommes toujours dans ce temps de la relance : ça fonctionne bien, nous aurons probablement décaissé 70 Mds€ parmi les 100 milliards prévus sur le plan de relance d’ici la fin de l’année 2021, mon objectif de 50 Mds€ est amplement dépassé, c’est bon pour nos entreprises, c’est bon pour nos activités, et c’est bon pour l’emploi. Troisième temps, l’investissement, le président de la République m’a demandé d’y travailler dès le début de l’été. »
Pour Bruno Le Maire, « rien ne presse, laissons-nous encore quelques semaines pour continuer à travailler, à discuter, avec le patronat. J’ai toujours préféré prendre un peu plus de temps pour dialoguer et échanger plutôt que de me précipiter dans des décisions qui ne seraient pas parfaitement calibrées. »
Une nouvelle industrie en ligne de mire
Objectif avoué : créer de nouvelles filières industrielles. « Quand on regarde les 30 dernières années, il y a eu en matière industrielle une capitulation française, je n’hésite pas à le dire. Ceux qui disaient ‘il faut réindustrialiser’ ont augmenté les impôts de production sur les usines et entreprises, en ruinant toutes perspectives de création d’emploi… Ils ont augmenté les charges sur les salaires, ils n’ont pas eu le courage, comme nous, de réduire la fiscalité sur le capital pour dégager des marges de manoeuvre, pour investir, innover, et maîtriser les nouvelles technologies. »
Pour enrayer la perte de « pans entiers dans l’industrie française » ? Multiplier les filières, à l’heure où seules 4 segments (aéronautique, agro-alimentaire, santé, luxe) garantissent 80% des exportations. « Il est temps de créer des nouveaux secteurs, c’est l’ambition de ce plan, pour amorcer l’investissement dans des filières qui ne seront pas rentables immédiatement, donc dans lesquelles l’investisseur privé ne pourra pas investir seul. » Parmi les pistes, l’hydrogène vert, l’intelligence artificielle, le nouveau nucléaire, le calcul quantique, les biotechnologies, des secteurs « ciblés et choisis ».
« Si on réimporte de l’acier chinois, ce serait à la fois injuste et économiquement stupide »
L’Etat aura-t-il les moyens pour ce soutien massif et ventilé ? Il y a bien sûr la solution de la cession de parts de l’Etat dans certaines entreprises (le ministre citera les parkings ou les hôtels de luxe) , il y a aussi celle de préférer investir plutôt que de rembourser la dette publique (pour rappel toisée à 120% du PIB, ndlr). Pour Bruno Le Maire, pas d’hésitation, « c’est le moment d’investir, les taux d’intérêt restent bas, l’Etat emprunte à taux négatifs, et de toute façon nous n’avons pas le choix, nous ne sommes pas seuls, quand on voit les investissements que font la Chine, les USA, les autres grandes puissances mondiales, il faut réagir... »
Ensuite viendra le temps du remboursement pour les finances publiques, boostées par « plus de croissance, une meilleure maîtrise via l’imposition d’un niveau maximal des dépenses sur cinq ans et non plus sur un, et des réformes de structures, dont celle des retraites. » Autre piste, un Etat recentré sur ses missions de garant de l’ordre public économique, père fouettard des entreprises qui sortent des clous, y compris sur le volet de la migration de pépites techniques françaises à l’étranger. Garant aussi de services publics puissants, « un modèle qui garde toute sa valeur aujourd’hui. » Garant enfin « d’un environnement qui soit le plus favorable possible aux entrepreneurs », avec simplification administrative, fiscale, pour rester « la nation la plus attractive sur les investissements étrangers en Europe ».
La France à la présidence de l’Europe...
La prise de poste sera effective dans quelques mois, mais la feuille de route de Bruno Le Maire est déjà prête : défense indéfectible du nucléaire encore, face à des Allemands plus que réticents, avènement d’un « mécanisme d’ajustement carbone aux frontières » (un vocable que Bruno Le Maire préfère au terme de « taxe »).
« C’est absolument vital. Si on décarbone nos usines, et l’Etat est prêt à y aider, en supportant une partie du coût de cette décarbonation, et si on réimporte de l’acier chinois, ce serait à la fois injuste et économiquement stupide. » Autre sujet, la chasse aux optimisations fiscales, avec une taxation juste des géants du numérique, même en Irlande. Par juste, entendez minimale mais partout sur la planète. Un combat de quatre ans pour Bercy…