Informations Juridiques

TVA sur les véhicules de fonction : risques et opportunités

Fiscalité. Au grand dam des entreprises, la TVA payée pour l’acquisition ou la location d’un véhicule conçu pour transporter des personnes n’est pas déductible, même si le véhicule est utilisé pour l’activité de l’entreprise. De par sa nature, la TVA payée au titre d’un véhicule de tourisme – mention VP sur la carte grise – n’est pas déductible. Du moins en principe.

Lecture 8 min
(Crédits : DR)

Le 30 avril 2025, l’administration fiscale a publié un rescrit dans lequel elle précise que dans certaines situations, la mise à disposition par une entreprise de véhicules de tourisme à ses employés doit être imposée à la TVA. Symétriquement, la TVA payée en amont sur ces véhicules par l’employeur peut être déduite – ce qui peut se révéler intéressant. Présenté parfois simplement comme une aubaine, voire comme un véritable jackpot, ce rescrit nécessite pourtant de maîtriser les conditions pour bénéficier de la déduction, d’apprécier les risques pour le passé et d’éviter quelques dommages collatéraux, notamment en droit social.

À quelle condition la TVA est-elle déductible ?

Pour l’Administration, dès lors que la mise à disposition du véhicule a une « contrepartie stipulée », il s’agit d’une prestation de services à titre onéreux assujettie à la TVA. Dit autrement, l’employeur est traité, en matière de TVA, comme un loueur de voiture et il doit collecter la TVA auprès de son employé. Il faut donc identifier une opération de location, en aval, pour envisager une déduction, en amont.

La contrepartie envisagée par l’Administration doit consister en un versement d’une somme d’argent ou en la renonciation à la perception d’une telle somme. Au vu de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, il y aura évidemment contrepartie en cas de participation financière du salarié ou de prélèvement sur le salaire brut ou net. Il en sera également ainsi en présence d’une renonciation à une partie de rémunération, d’une renonciation à un autre avantage identifié ou de l’utilisation d’un crédit de points convertible en salaire supplémentaire.

Relevons qu’il est très probable que l’existence et la démonstration d’un avantage en nature ne suffise pas à identifier une contrepartie au sens de la TVA. En effet, lorsque l’employeur met à la disposition permanente d’un salarié un véhicule dont il est propriétaire ou locataire, l’utilisation privée qui en est faite est valorisée, certes, pour être soumise à cotisations sociales et pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Cependant, le fait qu’un avantage donne lieu à prélèvement public n’implique pas qu’un loyer a été payé à l’employeur. C’est d’ailleurs la position de l’Administration dans son rescrit et celle de la Cour de justice de l’Union européenne dans sa jurisprudence. Il ne suffira donc pas de maintenir la pratique – courante – de l’avantage en nature pour entrer dans un schéma permettant de récupérer de la TVA. A toute fin utile, le 24 juin 2025, un député a posé une question au ministre de l’Économie afin d’éclaircir le sujet.

En outre, pour l’instant, il ne suffit pas que la contrepartie existe. Il est exigé que la contrepartie soit stipulée. Il peut s’agir du contrat de travail ou d’un contrat ad hoc, tant qu’il y a explicitation. Peut-être s’agit-il d’un point qui évoluera en fonction des contrôles de l’Administration sur les périodes antérieures.

Quel montant facturer à l’employé ?

L’employeur pourra légitimement s’interroger sur le montant de la contrepartie à facturer à l’employé. Doit-elle correspondre à un prix de marché ? à la valeur du véhicule ? à l’importance de l’employé ? à la proportion d’utilisation à titre privée ? A priori rien de tout cela. En matière de TVA, la seule « restriction » dans la détermination de la contrepartie est qu’elle ne doit pas être symbolique, c’est-à-dire présenter une disproportion marquée avec la valeur de l’opération de location.

Le montant à la charge de l’employé en contrepartie de la prestation de services que lui fournit l’employeur peut même être forfaitaire.

Simplifiant le sujet, l’Administration prévoit même que l’employeur est « réputé avoir déterminé le montant de la contrepartie de la mise à disposition du véhicule en tenant précisément compte de l’utilisation partiellement personnelle qu’en fera son salarié ».

Cette présomption évite d’avoir à justifier de façon détaillée une quelconque fraction d’utilisation privée.

Cependant, si le montant de la contrepartie est trop faible, l’URSSAF pourrait être tentée de constater… un avantage en nature pour la fraction supérieure à la participation de l’employé. La détermination de la contrepartie nécessitera donc de prendre en compte le coût théorique d’un avantage en nature, le montant éventuel de TVA, quelques effets de bord fiscaux et d’optimiser l’ensemble.

Un risque pour les trois dernières années

Devant cette évolution, il pourrait être tentant de ne rien faire pour éviter d’entrer dans les complexités de la TVA. Cependant, il est tout à fait possible d’être, sans le savoir, dans une situation où la TVA aurait dû être appliquée. En cas de contrôle, l’administration fiscale serait donc en droit de calculer la TVA « en dedans » sur la contrepartie du salarié et de contraindre la société à reverser un supplément de TVA au Trésor. Un audit fiscal et social pourrait donc s’avérer nécessaire.

Une belle opportunité pour l’avenir

L’opportunité pour une entreprise sera proportionnelle au nombre de véhicules qu’elle détient ou loue et qu’elle met à disposition de ses salariés pour leur usage personnel ou non-exclusivement professionnel. La TVA payée en amont sur l’acquisition, la location ou le leasing – mais aussi toutes les opérations liées au véhicule, telle que l’entretien ou les réparations – pourrait être déductible à 100 % (au lieu de 0) alors même que le montant de TVA facturé au salarié serait moindre… Attention toutefois à ne pas négliger les répercussions sur d’autres impôts et taxes afin de les neutraliser.

Plus encore, il est absolument nécessaire de ne pas se limiter à l’aspect fiscal et d’avoir une approche stratégique en droit social, non seulement pour éviter une modification substantielle du contrat de travail (au conséquence plus défavorable…) mais également pour éventuellement octroyer un nouvel avantage au salarié en partageant une partie du gain fiscal…

Ainsi, si ce « nouveau » traitement de la TVA sur les véhicules de tourisme est une véritable opportunité de réduction des coûts, de structuration et de pilotage de la flotte de véhicule, voire de gestion des avantages salariés, il nécessite une véritable analyse technique fiscale et sociale.