Reims, capitale de la gastronomie
Gastronomie. La cité des Sacres a accueilli durant deux jours, deux événements culinaires prestigieux : le Trophée Mille et le Trophée Bocuse France. L’occasion de mettre en lumière le patrimoine gastronomique champenois et de préparer encore un peu plus la candidature de Reims au titre de Capitale de la Culture 2028.
Il serait peu original de dire qu’il y avait une pluie d’étoiles à Reims la semaine dernière, lors des Trophées Mille et Bocuse, qui se sont déroulés à 24 heures d’intervalle… Et pourtant, la cité des Sacres qui portait si bien son nom en ces occasions, était l’espace d’un moment, au firmament de la gastronomie. « J’ai pour coutume de dire que nous avons dix étoiles à Reims », confie Arnaud Robinet, Maire de la ville, englobant outre les deux étoiles de Philippe Mille (Les Crayères), les deux de Kazuyuki Tanaka (Racine), celle d’Hervé Raphanel (Le Millénaire), celle de Dominique Giraudeau au Grand Cerf à Montchenot et celle de Jacky Louaze (Le Foch), les trois étoiles d’Arnaud Lallement et de son établissement l’Assiette champenoise, située… à Tinqueux.
Il faut dire que la gastronomie, l’art de vivre à la champenoise, sont des emblèmes pour Reims qui concourt au titre de capitale européenne de la Culture en 2028. Et l’accueil du Trophées Bocuse France n’y est pas pour rien. « La cité des Sacres, du champagne, cité effervescente… donne à la gastronomie toute sa place, incontournable lorsqu’on parle d’attractivité touristique. Et si nous avons la chance d’avoir un patrimoine incroyable, la gastronomie en fait partie intégrante », relaie Arnaud Robinet. « Accueillir le Bocuse d’Or ici dans le Centre des Congrès, c’est une occasion unique de réunir politiques, entreprises partenaires, chefs, femmes et hommes en compétition pour venir concourir à la finale du Bocuse d’Or 2023 », observe Olivier Ginon, Pdg de GL Events.
Ainsi, il était difficile de ne pas se laisser impressionner par les talents présents lors des deux Trophées. Lundi, pour sa onzième édition, le Trophée Mille, parrainé par le très télégénique chef Michel Sarran, laissait la place à la jeunesse, à la relève des cuisiniers et des chefs de salle, apprentis de CFA interprofessionnels et élèves de lycées hôteliers de toute la France. « C’est le premier événement que l’on réorganise après en avoir repoussé quelques uns. Remettre non seulement la cuisine en avant mais aussi le service, avec un tiers de la note pour chacun, plus la pâtisserie, c’est important pour aborder les métiers de la restauration dans leur globalité », souligne le chef Philippe Mille, créateur et organisateur du Trophée. « Motiver les jeunes, les aiguiller, c’est tout le sens de ce Trophée. Ne pas les écraser mais avoir toute la bienveillance pour pouvoir bien les accompagner », veut-il aussi faire passer comme message, concernant des métiers qui ont la réputation d’être extrêmement exigeants.
Des produits issus du terroir local
C’est concentré sur les plats salés et sucrés qui défilaient que le chef toulousain doublement étoilé Michel Sarran abordait ce concours comme juré. Les produits imposés étaient issus du terroir, chers au chef Philippe Mille qui les met à l’honneur toute l’année dans ses assiettes. Ainsi, les 13 équipes de trois candidats en lice devaient cuisiner et présenter des plats à base de truite de Vendresse (Ardennes), de farine de sarrasin de Contal Farmer (Ardennes) ou encore de champignons rosés Les P’tits Paris (Aisne). « Je suis depuis 12 ans dans ce terroir, c’est une véritable volonté de valoriser les artisans et les producteurs avec lesquels je travaille mais aussi de proposer des produits champardennais à des chefs issus d’autres régions et leur donner envie de les utiliser », souligne le chef deux étoiles qui officie au restaurant gastronomique Les Crayères à Reims.
« L’apprentissage aussi est important : transmettre le savoir-faire mais également le savoir-être. » Des propos sur lesquels rebondit Michel Sarran, pointant le besoin pour la profession de remettre en avant ses métiers, après la crise traversée par le Covid et la difficulté pour les restaurateurs et chefs d’établissement hôtelier de recruter des personnels qualifiés. « Nous devons remettre en avant certains métiers, comme celui de la salle. Le service ce n’est pas que porter des assiettes, c’est le relai entre la cuisine et le client. C’est aussi avoir le geste juste. » Cette justesse était notamment scrutée lors des épreuves de découpe de truite ou de reconnaissance de fromages.
« La Champagne est une belle région viticole et le fait que les Bocuse d’or France soient organisés en Champagne est un véritable honneur pour tous »
« Nous regardons la façon de présenter la truite, de l’argumenter, on évalue les gestes et la découpe. L’échange avec le client est très important », explique ainsi Esteban Valle Trujillo, directeur de salle du domaine de Châteauvieux à Genève. Fabien Degoulet, Meilleur Crémier Fromager du Monde 2015, insiste lui sur « la motivation et la relation avec le client. La présentation du fromage, c’est le moment où le serveur prend le plus de temps avec le client, c’est là qu’il y a une carte à jouer pour donner une bonne image du service. » Et à la question, “quelles sont les qualités pour exercer un tel métier ?”, Fabien Degoulet répond sans détour : « Il faut aimer manger ! » Loin de glisser cette réponse sur le ton de la plaisanterie, celui qui tient une boutique au Mans, insiste : « Il faut avoir confiance dans ce que l’on vend et donc apprécier les bons produits, les connaître, les goûter, pour savoir ensuite transmettre. »
Redonner envie et du sens
Et lorsque l’on sait qu’en CAP cuisine, 50% des effectifs arrêtent au bout de 6 mois et 25% au bout d’une année, « la passion et l’engagement », sont incontournables. « Nous avons passé tellement temps à nous préparer que c’est une vraie fierté pour nous et une belle reconnaissance de notre travail d’avoir décroché le Trophée Mille », livrent en coeur les gagnants Melissa Limage, Baptiste Prieur et Denis Merlo, tous trois élèves au lycée des Métiers Le Corbusier de Soissons. « C’est un Trophée qui a du sens car il met en avant l’ensemble des métiers et le travail de l’équipe, sur le salé, le sucré et le service. » Trois ans après le décès de l’éminent chef Paul Bocuse, le moins que l’on puisse dire c’est que la relève est là.
Avec des plats d’une extrême justesse et finesse, il fallait bien de multiples étoiles pour départager les candidats : Régis Marcon, président du Bocuse d’Or France et chef, trois étoiles au Michelin en tête mais aussi Davy Tissot, lauréat du Bocuse d’Or 2021 ou encore Arnaud Lallement, parrain de cette édition des Bocuse d’or France.
« La Champagne est une belle région viticole et le fait que les Bocuse d’or France soient organisés en Champagne est un véritable honneur pour tous. Cette action met en valeur notre métier, son excellence, sa passion. Mais surtout, c’est un véritable tremplin pour celui qui le gagne, en passant du presque anonymat à la reconnaissance. » Cette année, c’est la très jeune cheffe de 24 ans, Naïs Pirollet qui a remporté le Trophée France. Diplômée de l’institut Paul Bocuse justement où elle termine major de sa promotion en 2017, cette récompense intervient comme une première consécration pour celle qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin !