Olivier Dupéron : « Un pari risqué et des enjeux lourds »
Politique. Le Professeur de Droit public à l’Université de Reims Champagne-Ardenne, analyse le résultat des élections européennes du 9 juin et la dissolution prononcée par Emmanuel Macron dans la foulée.
Olivier Dupéron, cette dissolution est-elle surprenante ou logique ?
C’est une annonce qui a été surprenante. Si on m’avait posé la question de la dissolution avant dimanche soir j’aurais répondu l’inverse. Et quand on regarde de plus près les raisons de cette dissolution, on y trouve une certaine logique. Il y a en tout cas un pari très risqué et des enjeux lourds. On fini par se dire que le Président n’avait pas beaucoup d’autre choix possible et qu’il a fait ce qu’il aurait été contraint de faire plus tard (lors du vote de la future Loi de finances à l’automne, par exemple, NDLR). Il a donc choisi de garder la main pour dissoudre l’Assemblée quand il l’a décidé plutôt que de subir la situation demain.
La décision n’a semble-t-il pas été précipitée dimanche soir ?
On peut imaginer qu’elle a été préparée depuis plusieurs semaines et que les élections européennes ne sont pas un facteur unique du déclenchement de la dissolution. Son origine pourrait presque remonter aux résultats des élections législatives de 2022, avec une majorité relative pour le camp présidentiel, puis l’accumulation des nombreux 49-3 et les deux extrêmes, droite et gauche, en embuscade.
Que le RN soit en tête n’est plus un événement depuis plusieurs élections déjà, mais ce qui l’est c’est le fait qu’il enregistre deux fois plus de voix que la candidate de la majorité présidentielle et qu’il soit en tête dans toutes les régions avec des scores impressionnants et sans appel. Et dans ce contexte, s’il n’avait rien fait, Emmanuel Macron se serait fait harceler par toutes les formations politiques…
Il s’agit en tout cas d’un moment historique et beaucoup d’éléments seront déterminants avant même le premier tour du 30 juin…
En effet, on ne sait pas trop quel espoir aujourd’hui peut avoir le Président dans les résultats de ces législatives ? Aura-t-il une majorité, même relative ? Le RN est-il capable d’obtenir une majorité absolue ?
Tout cela va se jouer cette semaine sur les accords, les alliances et les stratégies. De cela dépendra la suite. Vu l’avance du RN dans les sondages, tout est possible pour lui en cas de triangulaires, par exemple.
A gauche, la campagne a été assez violente entre les deux listes principales. Beaucoup d’électeurs de Raphaël Glucksmann, qui sont revenus vers lui parce que justement il s’était détaché de La France Insoumise, ne comprendraient sans doute pas qu’un accord soit conclu avec LFI. En cas d’alliance, certains d’entre eux pourraient partir.
Quant à LR, c’est peut-être le dernier acte. On peut imaginer une séparation du parti entre ceux qui finiront par rejoindre une alliance avec la droite extrême et ceux qui ne l’accepteront pas et qui se retrouveront coincés dans un no man’s land politique. C’est en tout cas une situation inédite qui annonce une vie politique française qui va connaître des moments de grande tension et d’incertitudes.