Olivier Babeau veut redonner du sens aux loisirs
Conférence. Invité à Yschools, l’économiste et cofondateur de l’Institut Sapiens met en garde contre « la tyrannie du divertissement ».
Économiste, essayiste, cofondateur du « think tank » Institut Sapiens, professeur d’université ou encore chroniqueur, Olivier Babeau est un fin observateur des évolutions de la société. Invité à les partager dans l’arène d’YSchools, où il a animé une conférence en ouverture des Trophées du numérique de l’Aube, Olivier Babeau s’est appuyé sur son dernier livre, « La Tyrannie du divertissement », paru en ce début d’année.
Premier constat, « on n’a jamais eu autant de temps de loisirs et jamais on ne l’a aussi mal utilisé », estime l’auteur. En fait, c’est tout notre rapport au travail qui a totalement varié à travers les époques.
Et c’est, pour beaucoup, la Révolution industrielle qui en a fait une raison de vivre et de mourir. « Même en 1945, lorsqu’on a fixé le départ en retraite à 65 ans, on passait sous silence que l’espérance de vie d’un ouvrier tournait autour de 55 à 60 : c’était en quelque sorte la retraite pour les morts », ironise-t-il. Rien à voir avec aujourd’hui, où l’espérance de vie une fois en retraite est de 22 ans pour les hommes et 26 ans pour les femmes.
12 % de notre vie au travail
En y ajoutant les 35 heures, les données sont totalement inversées. « Avant les années 1900, 70 % de notre vie éveillée se passait au travail, aujourd’hui ce n’est plus que 12 % », constate Olivier Babeau. Conséquence, le travail qui émancipe est une notion qui fait de plus en plus partie du passé au profit d’une vie dans laquelle les loisirs prennent le dessus.
Ce ne serait pas un problème en soi si chacun savait mieux utiliser ce temps libre. S’appuyant sur les écrits de philosophes, Olivier Babeau distingue trois types de loisirs : le temps pour soi comme le loisir studieux, le sport, la réflexion, la lecture par exemple ; le temps pour les autres qui est celui passé avec la famille et les amis ; le temps hors de soi qui est celui, passif, du divertissement. L’idéal serait de les partager équitablement, mais « le loisir hors de soi est en passe de manger les deux autres », constate-t-il.
Aux yeux de l’économiste, la fermeture de l’usine Renault de Billancourt et l’ouverture d’Eurodisney, deux faits survenus pratiquement en même temps en 1992, représentent tout un symbole. Les réseaux sociaux en sont un autre, surtout lorsqu’ils font partager « une vision fausse et idéalisée de la vie ».
Et puis les algorithmes s’occupant de tout, plus besoin de réfléchir, d’avoir à choisir. « Nous sommes face à une économie de l’addiction qui devient un véritable business model », ajoute-t-il.
Alors, comment sortir de cette tyrannie du divertissement ? Limiter le temps devant les écrans, remettre le plaisir à distance, apprendre à gérer ses limites. « Ce monde est difficile de sa facilité », conclut Olivier Babeau. Il se penche déjà sur un nouveau livre qui découle de toutes ces observations.
Il y sera question des modèles économiques qui prospèrent face à des consommateurs qui veulent consommer sans avoir à choisir, être satisfaits immédiatement sans faire d’efforts, et même ne plus avoir à réfléchir : l’intelligence artificielle s’en chargera !