« Les TPE et PME se sont appropriées les dispositifs d’apprentissage »
Formation. Entretien avec Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la formation professionnels.
Une réforme des lycées professionnels engagée pour former au plus près des besoins des entreprises, des dispositifs renforcés en matière d’apprentissage et d’alternance, une nouvelle mouture du contrat de professionnalisation sans limite d’âge en passant par une VAE (Valorisation des acquis de l’expérience) renouvelée et améliorée...
Des sujets qui font résonance dans l’écosystème entrepreneurial en proie aux difficultés de recrutement et à la veille d’une future loi travail. Le point avec Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la formation professionnels.
Les difficultés de recrutement s’affichent comme une des préoccupations majeures de la sphère entrepreneuriale. La formation professionnelle, sous toutes ses formes, peut-elle permettre d’y remédier, du moins en partie ?
Carole Grandjean : C’est notamment un levier à actionner pour pouvoir recruter à court terme. Les dispositifs, aujourd’hui mis en place et en évolution pour répondre aux réels besoins des entreprises, peuvent permettre, à une certaine échelle, de tenter de pallier une partie de ces difficultés de recrutement.
La réforme des lycées professionnels, en cours, ou encore la continuité des politiques engagées en faveur de l’apprentissage et de l’alternance y participent, mais les choses vont beaucoup plus loin. C’est toute l’approche du monde du travail qui se doit d’évoluer pour faire face aux grandes mutations actuelles et à venir, c’est tout l’objectif de la future loi travail.
Les derniers chiffres de l’apprentissage, près de 840 000 apprentis dans l’Hexagone, tentent à démontrer que la sphère entrepreneuriale s’est appropriée les différents dispositifs, mais est-ce réellement le cas des TPE-PME ?
Huit apprentis sur dix aujourd’hui sont embauchés dans les TPE et PME. Elles se sont réellement (ré)appropriées l’apprentissage et l’alternance et cela concerne tous les secteurs d’activité et les niveaux de diplômes.
Nous sommes en bonne voie pour atteindre le million d’apprentis annoncé pour la fin 2027. C’est un signe de la réussite de la loi de 2018 et de la réforme de l’apprentissage engagée dans le cadre de la TVP (Transformation de la voie professionnelle).
Le prolongement jusqu’à la fin 2027 de l’aide de 6 000 € à l’embauche d’un apprenti ou d’un alternant y est-il également pour quelque chose ?
C’est un soutien que le président de la République a souhaité voir prolonger jusqu’à la fin de son quinquennat. Les entreprises qui recrutent un jeune en apprentissage investissent d’abord du temps et beaucoup d’énergie pour les former et les accompagner. Cet effort financier substantiel est un marqueur politique fort de soutien durable à cette voie de formation.
L’aspect quantitatif de l’apprentissage ne semble plus être à démontrer, mais les ruptures de contrat sont également présentes. La question de l’accompagnement et du suivi se pose ?
Elles sont primordiales et même si le taux d’insertion post-apprentissage est bon (environ sept apprentis sur dix sont en situation d’emploi après leur parcours), l’accompagnement pendant la formation et post-formation est indispensable tout comme sur la qualité de l’apprentissage.
La montée en puissance du nombre d’apprentis exige un véritable effort en faveur du maintien de la qualité des apprentissages. L’apprentissage a fait ses preuves pour l’emploi des jeunes, mais il faut aujourd’hui l’orienter vers les publics qui en ont le plus besoin et notamment les apprentis en situation de handicap.
La réforme des lycées professionnels entrera progressivement en vigueur au début de la rentrée prochaine, les quatre groupes de travail sur le sujet viennent de rendre leur copie, quel est le principal objectif de cette réforme ?
C’est de faire du lycée professionnel une véritable voie de réussite pour les jeunes et de les former au plus proche des besoins des entreprises. Trop de jeunes peinent à trouver un emploi après l’obtention de leur diplôme ou décrochent trop rapidement lorsqu’ils poursuivent leurs études dans l’enseignement supérieur.
Il nous faut diminuer le nombre de décrocheurs (deux tiers de décrocheurs scolaires sont issus des lycées professionnels) et rapprocher réellement l’école de l’entreprise pour faire face aux enjeux des compétences.
Cette réforme est structurelle et résolument tournée vers les jeunes. L’un des objectifs est de prendre en compte leurs singularités, leur transmettre le goût de l’engagement dans leurs propres parcours, les former aux enseignements généraux et ainsi les préparer à l’emploi et accompagner celles et ceux qui le souhaitent vers une poursuite d’études réussie.
À l’occasion des différentes Assises territoriales du travail en vue de la future loi sur le travail, vous avez notamment évoqué la mise en place future d’une VAE (Valorisation des acquis de l’expérience) améliorée. C’est-à-dire ?
Il nous faut actuellement faire réellement reconnaître les compétences ! Aujourd’hui, la VAE apparaît comme un dispositif trop complexe et donc peu utilisé. L’idée est d’expérimenter une VAE inversée. Je n’attends pas d’avoir dix ans d’expérience pour faire reconnaître mes compétences.
Cette nouvelle VAE permettra la construction d’un parcours de formation en entreprise, en situation de travail et en organisme de formation au plus près des besoins des employeurs. Ces parcours seront accompagnés dans le cadre de cette VAE pour une montée en compétence individualisée.
Aujourd’hui, 30 000 parcours annuels de VAE sont comptabilisés, nous souhaitons atteindre les 100 000 d’ici la fin du quinquennat.
Un contrat de professionnalisation sans limite d’âge a été également évoqué. Comment pourrait-il s’articuler ?
C’est l’un des moyens pour permettre, et surtout sécuriser, les transitions et les mobilités professionnelles. Il faut être plus souple et plus efficace pour accompagner ces transitions qui sont de plus en plus présentes du fait des mutations économiques. Changer de métier ou monter en compétences pour réorienter sa vie professionnelle se doit d’être sécurisé.
Ce contrat de professionnalisation sans limite d’âge entend répondre à cette problématique. La personne qui souhaite se former, à n’importe quel âge, pourra le faire avec toute l’assurance, financière notamment, nécessaire.
Est-ce un moyen pour pallier la problématique de l’emploi des seniors ?
Ce contrat pourrait s’afficher comme une réponse mais il est indispensable de travailler sur le sujet pour aboutir à un véritable parcours sécurisé.