Hommes et chiffres

Le secours comme fil rouge

Sylvain Duménil. Président de Scorpe Technologies, Sylvain Duménil a racheté en 2019 l’ancienne sucrerie de Saint-Germainmont où il bouclera un parcours atypique entièrement consacré au marché du secours.

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Sylvain Duménil : « Je suis scorpion, d’où le nom de mon entreprise ».

Pas très assidu sur les bancs de l’école - « je préférais les jeunes filles et la moto » - Sylvain Duménil confesse avoir redoublé trois classes avant d’obtenir son bac à 20 ans. Il pratique plus sérieusement et ce, dès l’âge de 8 ans, le judo à Tinqueux.

« J’y ai signé ma première licence en septembre 1975 et pratiqué jusqu’à 22 ans cette discipline où tout le monde sans aucune distinction avait le même équipement, quelles que soient les origines sociales. Dans ce sport, j’ai trusté les podiums régionaux et participé à des championnats de France. Le judo m’a appris l’école de la vie en me forgeant un tempérament de compétiteur tout en respectant les arbitres et les adversaires. Ce qui a guidé la suite de mon parcours ».

Une fois muni de son baccalauréat, Sylvain Duménil se soumet à ses obligations militaires au 1er Groupe de Chasseurs du Boulevard Pommery avant de passer un BTS force de vente à la CCI de Reims. « Les cours m’ont intéressé, j’ai fini deuxième de ma promotion. On m’a proposé un travail à Epernay mais je voulais faire du commerce international et ne parlant pas l’anglais, j’ai pris mon sac à dos pour aller à Londres en octobre 1989 ». Il y sera tour à tour valet de chambre dans un hôtel de luxe et vendeur de vêtements prêt-à-porter pour hommes dans un magasin où il passe très vite au grade de manager pour finir meilleur vendeur de la chaîne.

Une ascension progressive

À son retour en France, un an plus tard, il maîtrise parfaitement la langue anglaise. « J’ai appris une chose importante en Grande-Bretagne : peu importe l’intelligence ou le savoir qu’on possède, l’essentiel est de savoir communiquer avec l’autre ».

Peu après, il déniche un poste de commercial à Verwicq (Nord) pour vendre des tuyaux d’incendie à une clientèle industrielle. Il fait alors connaissance avec un petit fabricant de pompes flottantes, Aqua Fast... qu’il rachètera en 2016. L’importateur écossais de cette société, experte dans les matériels de désincarcération, cherche à développer ce créneau en France. « J’ai postulé en 1994 et créé à 26 ans à Reims ma première entreprise “Sauv’Outils” qui a pris des parts de marché pour devenir le numéro un dans le domaine de la désincarcération sous le nom de Sofirad ».

« Déménager ici nous a permis de gagner en qualité de vie, fonctionner en management vertical sans hiérarchie prononcée et mettre en application toutes mes idées »

Sylvain recrute alors un ami d’enfance, David Bodenan, qui après avoir été comptable dans une boucherie, est devenu son directeur financier et associé. Détestant les zones de confort, trouvant le marché français trop petit et souhaitant se développer à l’international, il absorbe Vibrasearch, un fabricant savoyard d’engins pour localisation de victimes et crée en 2006, la marque Scorpe au logo vert pomme et vend dans une trentaine de pays.

Devenu incontournable, Scorpe Technologies réalise 8 millions d’euros de chiffre d’affaires dans la fourniture de matériels de sauvetage utilisés lors de séismes, lutte contre l’incendie, attentats, effondrement de structures, forcement de portes ou inondations. La gamme de produits conçus à Witry-les-Reims et Les Ayvelles et commercialisés en Asie via des pinces de désincarcération et appareils de détection aux caméras d’imagerie thermique, sacs de levage, coussins de saut et outils hydrauliques.

Déjà huit sociétés dans l’ancienne sucrerie

Nouveau tournant en 2019 quand le bouillonnant entrepreneur vivant à Villers-devant-le Thour trouve un accord avec Jean-Luc Poulain et devient propriétaire de l’ancienne sucrerie de Saint-Germainmont. Sur un site voué à la démolition, il rapatrie ses deux unités de fabrication, la direction et le back-office tout en fondant une SCI avec son vendeur qui a oeuvré ici 25 ans comme responsable de la maintenance. Il met alors en place un projet innovant de développement.

« Déménager ici nous a permis de gagner en qualité de vie, fonctionner en management vertical sans hiérarchie prononcée et mettre en application toutes mes idées », explique le fabricant sans machine qui établit un cahier des charges de ses produits, les fait sous-traiter par divers partenaires avant d’assembler dans les Ardennes.

« J’aime me différencier des autres en étant toujours dans l’innovation »

Sur ce vaste espace de 14 000 m2 sur 6 hectares, fermé en 1999, repris en 2001 et laissé à l’abandon en 2007 par Ardennes Chicorées, Sylvain Duménil installe sa quinzaine de salariés dans un bâtiment de 5 000 m2 rénové en atelier de production et bureaux modernes. Ses équipes y cohabitent dans une ambiance de start-up. Avec bureaux ouverts, salle de sport et de détente et cuisine aménagée. Rien de tel pour renforcer l’esprit d’équipe.

En 18 mois, Sylvain Duménil a aussi redonné vie à l’immense bâtiment en brique avec l’arrivée de huit activités dont il est actionnaire à savoir : le garage Freddy Faster, le studio de communication « Colibry’s » qui permet de faire des visioconférences à distance, l’usinage Linard, l’entreprise d’impression 3D Morphose, un bureau d’études avec quatre ingénieurs, le traiteur de Vieux-les-Asfeld « Les bons petits plats » et Training Center Sucrerie qui exploitera le futur centre d’entraînement. L’ensemble regroupe 35 collaborateurs avant l’émergence de la société « La sucrerie », qui sera chargée de la gestion de l’évènementiel autour d’un bar, une salle de congrès et des containers transformés en chambres. « Dans ce pôle d’activités, on partage les charges et les compétences », se félicite-t-il.

Un projet phare en 2022

En janvier 2022, Sylvain Duménil veut créer sur une superficie disponible de 10 000 m2 un immense et inédit centre d’entraînement pour pompiers et forces spéciales comme le Raid. Avec salles de réunion et dortoirs. Les professionnels du secours se prépareront en conditions réelles aux actes terroristes et chimiques et aux séismes en utilisant le matériel Scorpe.

« Trois millions d’euros seront investis pour créer en pleine campagne un lieu de formation complètement atypique et unique au monde avec une zone sauvetage/ déblaiement et un parcours de conduite dangereuse. Il attirera de nombreux experts et formateurs et des entreprises voulant faire du team building. L’endroit comprendra une tour de 30 m de haut déjà existante et une salle multi usages pouvant accueillir 800 personnes, ouverte aussi aux séminaires. Cela fera travailler les hôteliers et commerçants du secteur ».

Pour pallier une carence dans un rayon de 20 kilomètres, Sylvain Duménil ouvrira un bar qui nécessitera l’achat d’une licence IV et comblera la réfection des fenêtres en les couvrant de panneaux publicitaires pour financer une partie des futurs travaux. De quoi donner une belle visibilité au Pays Rethélois…