Guillaume Dufay, dans le sillage des grands parfumeurs
Guillaume Dufay. Après une expérience au sein de grandes marques de parfumerie, l’ingénieur a lancé à Troyes La Petite Madeleine, sa marque de savons à froid parfumés.
Sa madeleine de Proust, c’est du côté des parfumeries qu’il faut aller la rechercher. Guillaume Dufay s’y rendait souvent pour prendre des échantillons, autant pour les sentir que pour s’intéresser à ce qu’il y avait autour du parfum, sa boîte, son histoire. « À un moment donné, je faisais les sorties de magasins pour récupérer les présentoirs, pour voir comment c’était construit », se souvient-il. De son enfance, passée à Sens, il garde en outre des souvenirs olfactifs assez vastes.
Chez une de ses grand-mères, artiste, ce sont les odeurs de peinture, de vernis et d’argile. « Mon autre grand-mère tenait un bureau de tabac. L’odeur du tabac – qui me parlait beaucoup olfactivement – se mêlait aux odeurs de nourriture et d’alcool. À chaque fois, je me suis dit : c’est drôle, l’odeur, c’est quelque chose de vivant et qui accroche le souvenir. Depuis tout petit, j’ai voulu aller dans ce secteur-là. C’est une sensibilité qui m’est venue assez tôt. Très vite, s’est posée la question d’apprendre, que ce soit à l’école, en stage ou en dehors », explique Guillaume Dufay, qui n’a eu de cesse de cultiver sa passion.
« La vraie nouveauté, c’est de croiser les parfumeurs à la savonnerie à froid. C’est quelque chose qui n’avait pas été fait, qui n’existait pas. »
Mais avant de se tourner vers le parfum et la cosmétique, il suivra des études d’ingénieur dans l’agro-alimentaire à ENSBANA de Dijon, afin de se constituer un bagage technique, et se spécialisera en formulation et évaluation sensorielle des produits. Un de ses stages le conduira dans le domaine de l’arôme alimentaire, chez Givaudan, qui est également une maison de parfum. « La connexion s’est faite à ce moment-là », observe-t-il.
Diplôme d’ingénieur en poche, c’est à Paris qu’il continue son parcours, plus précisément à l’Institut Français de la Mode. L’école créée en 1986 par Pierre Berger et Yves Saint- Laurent recrutait des profils un peu différents, mais qui soient au service de la créativité et de la création, dans les secteurs de la mode, du luxe, du parfum et de la beauté notamment. Cette expérience confirmera son choix de s’orienter vers le parfum et la cosmétique. Son étude de cas pour la maison Saint-Laurent parfums recevra d’ailleurs un très bon accueil.
Entrée chez L’Oréal
Après s’être investi pour se doter d’un bagage technique complet, Guillaume Dufay commence son parcours professionnel en 2013 chez l’Oréal, en commençant par le poste de chef de projet pour La Roche Posay. « En charge du développement produits et stratégie des marques, il y a ensuite une marque qui m’a fait de l’oeil et m’a beaucoup parlé. Avec Roger & Gallet, j’ai travaillé dans le noyau dur du développement produit. Cela m’a permis de faire à la fois du soin corps et de l’hygiène et de travailler avec des parfumeurs comme Dominique Ropion et Christophe Raynaud. Quand on est passionné depuis tout petit, on commence à toucher du doigt ce qu’on voulait faire », s’enthousiasme- t-il.
Entré dans l’entreprise pour rajeunir l’image de cette marque, il passera également beaucoup de temps dans les usines en France et en Europe de l’Est, à travailler sur des flacons de parfum, des étuis, des bidons de lait pour le corps et autres savons. « Puis, j’ai eu envie d’apprendre à travailler pour un créateur couturier », se souvient le jeune passionné.
Tout début 2017, il entre chez Shiseido, « le l’Oréal japonais », comme chef de produit senior pour les parfums du créateur Yssey Miyake. « Chaque année, Yssey Miyake fait travailler des artistes autour des parfums. Ma casquette de collaborateur artistique me plaisait beaucoup car j’ai pu toucher d’autres secteurs que je ne connaissais pas », ajoutet- il.
Création d’entreprise
C’est en 2019 que Guillaume se décide à créer sa propre marque, « à proposer quelque chose qui n’existait pas », en se disant que tout ce qu’il a fait avant va lui servir. Originaire de Sens, il a toujours apprécié la ville de Troyes pour son architecture, son histoire. À partir de là, il imagine mêler le patrimoine avec une marque de parfum. De cette réflexion naît la marque La Petite Madeleine, qui propose des savons à froid parfumés (voir PAMB 7911). Il décide alors de venir à Troyes pour « prendre le pouls de la ville ».
Avant de créer son entreprise, il suivra une formation dans le sud de la France, à Forcalquier (04) : « J’y ai appris les bases de la savonnerie à froid ». Puis il présentera le projet qu’il a en tête à la Technopole de l’Aube. Avant de créer une structure et démarrer l’atelier de production en juin 2020. « Aujourd’hui La Petite Madeleine propose des histoires parfumées sous forme de savons à froid parfumés. La saponification à froid permet d’obtenir un produit plus doux pour la peau, moussant et qui respecte l’environnement. La vraie nouveauté, c’est de croiser les parfumeurs à la savonnerie à froid. C’est quelque chose qui n’avait pas été fait, qui n’existait pas », se félicite le dynamique entrepreneur.
« Ce que j’aime dans ce métier, c’est aussi de transmettre ma passion »
Si le premier confinement dû à la crise sanitaire a été un obstacle en termes de fabrication de prototypes, il a aussi été à l’origine de nombreux échanges, à distance, avec les parfumeurs. « Les marques étaient à l’arrêt, c’est pourquoi les parfumeurs avaient plus de temps à me consacrer. Le projet leur est apparu différent, nouveau. Alors que je faisais tout pour travailler avec au moins un parfumeur, au final ils ont été cinq à accepter », se souvient Guillaume Dufay. S’inscrivant ainsi dans la parfumerie haut de gamme, ses produits se vendent via son site internet. On les trouve également chez Pompon et Basilic à Troyes.
Le jeune entrepreneur travaille actuellement sur un projet innovant pour La Petite Madeleine qu’il espère finaliser d’ici une année. « C’est un projet qui me passionne beaucoup et qui mobilise les acteurs locaux ». En septembre, une personne viendra le rejoindre pour travailler avec lui, notamment en production. « Ce que j’aime dans ce métier, c’est aussi de transmettre ma passion. Le secteur du parfum est très localisé, à Grasse, Paris, Genève. Mon objectif est que l’on parle du parfum fait à Troyes. J’ai envie d’expliquer aux gens comment on fait le parfum, mais aussi l’étui, la production ».