Hommes et chiffres

Dominique Carlac’h : « L’État donne le cap et les entreprises trouvent des solutions »

Patronat. Elle fait partie des quatre candidats à la succession de Geoffroy Roux de Bézieux, à la tête du Mouvement des Entreprises de France (Medef) et se représente pour la seconde fois. Ex-athlète de haut niveau, actuelle Vice-présidente de la Fédération Française d’Athlétisme, Cheffe d’entreprise, membre du CESE, Vice-présidente et porte-parole du Medef, Dominique Carlac’h, de passage à Reims, nous dit sa volonté de vouloir remettre l’entreprise au coeur du village.

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Photo de Dominique Carlac'h
Vice-présidente et porte-parole du Medef, Dominique Carlac’h est candidate à la succession de Geoffroy Roux de Bézieux, à la tête du Mouvement des Entreprises de France. (Crédit : DR)

Evidemment, c’est l’annonce de votre candidature à l’élection à la présidence du Medef, en Juillet prochain, qui risque de prendre un peu de place dans notre entretien, cela vous gêne-il ?

« D’abord, permettez-moi de vous dire le plaisir d’être dans un territoire, hors Paris. Je vous dis cela spontanément, parce que je me sens bien sur le terrain des entrepreneurs et des entreprises, ces lieux dans lesquels il y a encore de l’espoir et de la confiance, dans le décor cependant d’une société très inquiète et qui est passée au stade de la colère. »

Il s’agit de votre seconde tentative. En 2018, vous avez retiré votre candidature au profit de Geoffroy Roux de Bézieux. Depuis cette date qu’est-ce qui a changé pour vous ?

« Une première crise des retraites en 2019, l’épisode des gilets jaunes, la crise Covid, la guerre en Ukraine et cette nouvelle crise liée aux retraites. Le monde a profondément changé. Le rapport au travail a lui aussi profondément changé. Quand la reconnaissance n’est plus là, le salaire ne suffit plus. Le salarié doit se sentir utile et ne pas subir comme un sentiment de déclassement. »

S’agit-il alors, selon vous, d’une crise de société ?

« L’invisibilité du salarié en est une des causes. C’est aussi une crise du modèle de développement économique et social, une crise des territoires oubliés et déclassés, loin des métropoles. Ce ne sont pas forcément les couches les plus précaires qui sont dans la rue, mais également une France moyenne quasi déconsidérée. »

Aujourd’hui, irez-vous au bout de votre démarche de candidate à la Présidence du Medef ?

« En 2018, il s’agissait pour ma part d’une candidature de témoignage, répondant à l’étonnement de Pierre Gattaz quant à l’absence de candidature féminine. J’ai fait campagne et je me suis désistée un mois avant l’élection. Je n’ai rien négocié et Geoffroy Roux de Bézieux m’a demandé d‘être Vice-présidente et porte-parole. Pourquoi aujourd’hui j’irai jusqu’au bout ? Parce que je ne suis plus la femme alibi que j’ai pu être lors de la dernière campagne. »

Vous repoussez l’alibi féministe de l’époque, mais vous créez par la suite le réseau « Femmes du Medef » et vous avancez le souhait de voir 30% de femmes dans l’exécutif du Medef. Belle contradiction ?

« 30%, c’est la parité économique des femmes dans l’exécutif des entreprises ».

Dans l’une de vos déclarations aux médias, de ces derniers jours, vous dites : « Rien n’est possible sans les entreprises » ? Pas d’économie, pas de social et pas d’écologie sans les entreprises ? Commentaires ?

« Face à tous les défis qui s’imposent à nous, l’Etat ne peut pas tout faire. L’Etat providence est loin. Allons donc chercher les solutions là où elles se trouvent. L’entreprise, c’est la solution. Faisons lui confiance. »

D’autres déclarations vous ont amené à évoquer un Nouveau Contrat Economique, Social et Environnemental ? Est-ce dans la droite ligne des préoccupations du Conseil Economique Social et Environnemental dont vous êtes membre ?

« Je suis très fière de votre remarque. Lorsque vous écoutez les salariés d’un côté et les entrepreneurs de l’autre, une de leur préoccupations premières est bien la transition écologique. »

« Je crois que, grâce à l’entreprise, on peut inventer ce nouveau contrat économique et environnemental. »

Certains commentateurs ont dit à l’époque du mandat de Pierre Gattaz : « Un mandat pour rien », permettez-moi cette question : « Et pour vous, un mandat pour quoi ? »

« Le premier chantier à installer est le rapport au travail : comment j’attire, comment je recrute et comment je fidélise ? Ce sujet n’a jamais été fondamentalement posé. Le chef d’entreprise ne doit plus subir mais anticiper ces questions. Deuxième chantier : le travail est à considérer tout au long de la vie, seniors inclus, en mobilité et en compétence. Le salarié doit apprendre toute sa vie, sauf à prendre le risque d’un déclassement. »

Êtes-vous cependant, vous aussi, contre l’instauration dans les entreprises d’un index seniors ?

« Je regrette l’absence d’objectif à atteindre dans cet index. Savoir combien de seniors sont présents dans telle ou telle autre entreprise ne répond à aucune finalité. Pour nous, il faut plus de seniors dans les entreprises et cet index n’induit pas cet objectif. Ma question est : que faire pour aider les entreprises et les seniors à travailler encore et plus longtemps ensemble ? Il faut une double motivation. Un index ? Oui ! Mais avec des indicateurs de progrès sur cette envie de travailler ensemble. Un exemple : quel est le taux de formation offert dans une entreprise aux seniors ? L’index doit mettre en évidence ce qui est fait pour favoriser l’emploi senior et non pour seulement quantifier le poids de l’emploi senior ».

Le Medef a-t-il vraiment été consulté dans le projet de loi de réforme des retraites ?

« Le Medef a été consulté et le Gouvernement a fait sa réforme. C’est sa réforme et pas celle du Medef. Et, sans ambigüité, nous avons soutenu cette réforme, pour la raison principale que la système par répartition n’est plus viable, sauf travailler d’avantage. »

Lorsque, vous aussi, vous parlez de revoyure à propos de cette réforme, dites-vous qu’il faut aller plus loin pour l’avenir ?

« La finalité de cette réforme est de sauver le régime par répartition. Démographiquement cette étape ne tiendra pas longtemps la route. Faudra-t-il, à un moment donné, faire appel à une part de capitalisation ? La question est incontournable, même si elle n’est pas à l’ordre du jour. La clause de revoyure va s’imposer. »

Élue Présidente du Medef, quelle serait la nature de votre première conversation avec Emmanuel Macron ?

« Je lui dirais ma fierté d’être la porte-drapeau, à un an de l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, de l’équipe de France économique. Et puis, j’ajouterais : l’entreprise dans la société, est-ce que cela vous intéresse ? Je lui dirais cela, parce que j’ai bien l’intention d’incarner un Medef de détermination ».