Hommes et chiffres

Accident consécutif à un malaise et responsabilité de l’employeur

Chronique. Tous les salariés sont couverts par l’assurance accidents du travail et maladies professionnelles dès le moment de leur embauche (qu’ils soient affiliés à la MSA ou à la CPAM).

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(Crédit : Freepik)

Les malheureux accidents mortels qui ont endeuillé la Champagne à l’occasion des vendanges 2023 sont l’occasion de revenir sur les conséquences de ces accidents du travail pour les employeurs.

En effet, il est relaté par la presse que la plupart de ces accidents seraient consécutifs à des malaises, de sorte que des interrogations surgissent : est-ce qu’un malaise, dont l’origine est souvent multifactorielle et engage par nature des composantes subjectives, peut être imputé à l’employeur ? Autrement dit, peut-il être considéré comme un accident du travail ? Et quelles en sont alors les conséquences ?

L’accident du travail est reconnu très largement pour tout fait accidentel survenu à l’occasion du travail

Tout le monde ne le sait encore pas : tous les salariés sont couverts par l’assurance accidents du travail et maladies professionnelles dès le moment de leur embauche (qu’ils soient affiliés à la MSA ou à la CPAM). Un accident qui survient 5 minutes après l’embauche peut donc très bien être considéré comme un accident du travail.

Dès lors qu’un accident est matériellement survenu au temps et au lieu de travail, le salarié va bénéficier d’une présomption qui conduira très souvent la caisse de Mutualité Sociale Agricole à prendre en charge le sinistre au titre du régime professionnel.

Le salarié ou ses ayants droits bénéficieront alors des prestations spécifiques en lien avec le régime professionnel.

Or, concernant l’accident mortel lié à un malaise, la question qui peut légitimement se poser consiste à savoir si le travail a joué un rôle causal dans la survenance de l’accident puis du décès. Autrement dit, quand la victime d’un malaise mortel est une personne jeune et parfaitement apte, il est difficile de ne pas penser que le malaise provient d’un état constitutif et pathologique préexistant.

Mais comme il vient d’être dit, quoi qu’il en soit, la présomption trouvera à s’appliquer.

La Cour de cassation juge depuis 1977 que « la brusque apparition au temps et au lieu de travail d’une lésion physique révélé par une douleur soudaine, constitue en elle-même un accident du travail sans qu’il soit besoin d’établir l’intervention d’un événement extérieur ».

L’employeur peut toujours tenter de faire valoir que l’accident a une cause totalement étrangère au travail mais les tribunaux admettent très difficilement et très rarement cet argument.

Dans un arrêt du 7 novembre 2013, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation avait ainsi approuvé une cour d’appel d’avoir considéré être en présence d’un accident du travail alors même que l’expert médical qui était intervenu avait conclu : « non, nous ne pouvons retenir une relation de causalité entre les conditions de travail et le décès » !

De façon exceptionnelle, les circonstances particulières d’un dossier nous ont récemment permis de faire retenir par un Tribunal la cause totalement étrangère au travail. En effet, l’employeur disposait d’éléments prouvant une insuffisance cardiaque chronique du salarié décédé pendant son travail (sur ordinateur). Précisons que ce genre de contentieux oppose l’employeur à la Caisse et n’a aucune incidence sur les droits acquis du salarié ou des ayant-droit.

Quoiqu’il en soit, en présence de conditions de travail difficiles (manutention, port de charges, chaleur, déshydratation), l’argument de la cause totalement étrangère est vain.

Dans de tels cas, la MSA va donc certainement reconnaitre le caractère professionnel de l’accident et du décès, au terme de l’enquête qu’elle doit toutefois obligatoirement mener.

Les conséquences juridiques de l’accident du travail

Avant même tout processus de prise en charge de la MSA, l’employeur va très rapidement avoir à faire à l’intervention des services de l’inspection du travail, de la gendarmerie ou de la police. Les mesures d’enquête en cas d’accident grave sont réalisées dans les plus brefs délais afin de ne pas laisser dépérir les preuves. Pour faciliter cette intervention, depuis un décret entré en vigueur le 12 juin 2023, l’inspecteur du travail doit être informé par l’employeur au plus tard dans les 12 heures de l’accident mortel.

Rappelons que l’employeur doit également déclarer tout accident du travail à la MSA dans les 48 heures. Si l’accident est pris en charge par la MSA (reconnaissance du caractère professionnel de celui-ci), cela va entrainer plusieurs effets pour l’employeur.

Tout d’abord, l’entreprise de plus de 20 salariés va devoir assumer les conséquences financières de la rente payée aux ayants-droits de la victime par la MSA. Cette rente, convertie en capital, entrera dans la « valeur du risque » servant à déterminer le taux de cotisations AT de l’employeur qui, par l’effet des règles complexes de tarification, sera impacté deux ans après l’année de la prise en charge du sinistre (et pendant plusieurs années).

Ensuite, selon les circonstances de l’accident, si les ayants-droits décident d’engager la responsabilité civile de l’employeur (action en faute inexcusable), ce dernier pourra être condamné par le Tribunal à rembourser à la MSA la majoration de rente capitalisée et les préjudices moraux des proches de la victime. à cet égard, la moindre défaillance dans les conditions de travail pourra être retenue contre l’employeur. Ce risque est assurable, mais rares sont les petits exploitants qui le savent et sont assurés.

Enfin, selon les circonstances, la responsabilité pénale du dirigeant, ou des intervenants au processus accidentel, peut être engagée. Il est donc essentiel de faire de la prévention des risques une priorité dans l’organisation du travail et d’acquérir de bons réflexes pour réagir en cas de survenance d’un accident grave.

Analyse de l’Accident :

L’employeur doit, avec le CSE le cas échéant, constituer un groupe pluridisciplinaire pour analyser les causes de l’accident et éviter qu’il ne se reproduise.

L’INRS a édité récemment un guide (novembre 2022) :

Analyser les accidents du travail et agir pour leur prévention (sur le site https://www.inrs.fr/>).

Photo de William Ivernel
William Ivernel (Crédit : FIDAL)