Vignoble & Qualités : tous unis contre le mildiou
Champagne. Le développement du mildiou est un sujet d’inquiétude majeur dans le monde viticole. La 27e édition de Vignoble & Qualités a présenté un panorama de la lutte contre ce plasmopara viticola.

« 2016, 2021, 2024 montrent que le mildiou est un fléau destructeur de récolte et que nous nous trouvons désarmés face à lui. Mais nous ne sommes pas réduits à subir sans agir ! Le découragement n’étant pas dans le tempérament des vignerons champenois, tout n’est pas perdu, certaines solutions existent… » Par ces mots, Véronique Blin, présidente de Terroirs & Vignerons de Champagne, accueillait dans les locaux du Centre vinicole – Champagne Nicolas Feuillatte, à Chouilly, les nombreux participants de la 27e édition de Vignoble & Qualités, rendez-vous incontournable d’échanges techniques du vignoble champenois.
De fait, ce petit champignon (qui, scientifiquement, n’en est pas un), venu des Etats-Unis vers 1878, met aujourd’hui à mal les vignobles du monde entier en général, et français en particulier. À plus forte raison dans un contexte climatique doux et pluvieux qui favorise son développement. Sébastien Debuisson, directeur qualité et développement durable du Comité Champagne, faisait état d’une perte de récolte de 20 à 25 % en 2024 - campagne la plus arrosée ! -, quand elle n’était que de 10 % en 2012. Or, si les traitements contre le mildiou demeurent indispensables, la réglementation limitant l’utilisation de produits phytosanitaires conventionnels réduit les moyens d’intervention, que ne compensent pas l’augmentation des produits de biocontrôle, moins efficaces. En ce sens, le mildiou apparaît bien comme un problème majeur pour les années à venir.
Impossible De Ne Pas Traiter
Marie-Christine Dufour, directrice du service technique du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), présentait un retour d’expérience dans cette région rencontrant une forte pression du mildiou. Premier constat : impossible de ne pas traiter. Deuxième constat : il n’est pas possible de définir scientifiquement le moment auquel il faut démarrer le traitement. Le pragmatisme montre cependant que plus l’intervention est précoce et suffisamment importante (tout en diminuant ensuite les doses de cuivre pour respecter la réglementation), plus on évite le risque d’emballement de la maladie. En ce sens, les clés aujourd’hui identifiées du succès restent la qualité des pulvérisations, la fiabilité des données météorologiques pour positionner au mieux les traitements, une logistique efficace (intervention rapide pour traiter mieux et moins) mais complexe à mettre en oeuvre sur le terrain, et… l’espoir de variétés résistantes à venir.
Reste que le changement climatique en cours ne va pas faciliter la tâche des vignerons, comme l’expliquait Basile Pauthier, chef de projet agrométéo, sol et sous-sol, au Comité Champagne. En effet, le climat champenois, normalement froid, évolue vers un climat tempéré – comme à Bordeaux – à ‘‘tempéré chaud’’ – comme à Montpellier. Les tendances laissent apparaître un accroissement des précipitations, avec forts orages, comme en 2021 et 2024. La hausse des températures (+2 à +6° d’ici 2100) favorisera la sensibilité au mildiou.
Entretenir Les Pulvérisateurs
Mathieu Liébart, chef de projet viticulture, agroéquipement et robotique au Comité Champagne, insistait sur les aspects essentiels de la pulvérisation, clé de voûte actuelle du succès d’une bonne protection phytosanitaire : faire mieux en maximisant la dose efficace et en appliquant moins mais au bon endroit, afin de déposer le maximum de produit de façon plus uniforme, sachant également que la granulométrie de la goutte (idéale entre 150 et 200 microns) entraîne une différence d’efficacité atteignant parfois 50 %. Toutefois, l’hétérogénéité du parc de pulvérisateurs, le réglage complexe des machines, leur entretien parfois (souvent ?) défaillant, complique la mise en oeuvre d’une pulvérisation optimale.
Pour confirmer les propos de Mathieu Lébart, Benoît Vézy et Christophe Didier, conseillers viticoles et relations adhérents/oenologie chez TEVC, balayaient de façon éloquente la multitude d’incidents rencontrés sur les pulvérisateurs et diminuant d’autant l’efficacité des traitements – les deux conseillers relevant par ailleurs que 80 % des matériels présentent des problèmes de conception ! La vérification régulière du matériel et son entretien reste le mot d’ordre.
Avec Les Pouvoirs Publics

Si des recherches sont menées en matière d’efficience des programmes fongicides à disposition des vignerons, d’autres sont en cours – notamment en Champagne – autour de nouvelles variétés de cépages résistantes aux maladies (et adaptées au changement climatique). Marie-Laure Panon, responsable du service écosystème et protection au Comité Champagne, indiquait que les expériences menées avec le Voltis montraient une diminution spectaculaire des traitements anti mildiou (1,3 passage sur le réseau Voltis contre 13 passages dans le vignoble, en 2024), conduisant à une réduction de 80 à 90 % des intrants phytosanitaires.
François Delmotte, directeur adjoint en charge de la recherche à l’Institut des sciences de la vigne et du vin de Bordeaux, précisait que les recherches (comme celles sur les biopesticides à base de peptides, ou encore sur le ‘‘silençage génique’’) devaient désormais passer du laboratoire au terrain.
Prophylaxie, cépages résistants, développement du biocontrôle… constituent une combinaison de moyens qui doivent permettre de lutter contre le mildiou, mais qui nécessitent un engagement collectif de tous les acteurs. Les viticulteurs ne sont pas seuls face à ce défi dont les pouvoirs publics ont appréhendé l’importance en lançant en 2023 un plan d’action, connu sous le sigle de Parsada*, visant à identifier de nouveaux leviers pour protéger les récoltes et doté, dès l’an dernier de 146 M€.
*Plan d’action stratégique pour l’anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures.