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URCA : incertitudes budgétaires et ambitions d’innovation

Enseignement supérieur. Une rentrée sous le signe de l’interrogation et de l’expectative pour l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Sans ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche au moment d’écrire ces lignes, c’est une crainte de devoir de nouveau faire des économies qui taraude le président de l’Université, Christophe Clément, au point de mettre en stand-by des projets structurants.

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Photo de Christophe Clément et une partie de l'équipe de l'URCA
Le président de l’Université Christophe Clément (3e en partant de la gauche), entouré d’une partie de l’équipe de l’URCA. (Crédits : ND)

Il y eut des rentrées plus positives. C’est sous une pluie de septembre que s’est déroulée la traditionnelle conférence de presse de rentrée, comme un écho au climat morose que traverse l’Université aussi bien que le pays tout entier. Car au moment d’écrire ces lignes, la France est depuis 15 jours sans gouvernement, avec un Premier ministre qui multiplie les concertations. Un signe positif pour ancrer dans la durée, du moins jusqu’aux prochaines élections présidentielles, un ultime gouvernement.

Il n’empêche, cette attente, alors même que le projet de loi de finances doit être présenté à l’Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d’octobre, a de quoi rendre nerveux le Président de l’URCA, Christophe Clément. L’année dernière, l’Université avait demandé à ses équipes et services de faire une économie de 20% sur leur fonctionnement. Un objectif réalisé avec succès avec une économie totale de 6 millions d’euros.

195 M€ dédiés à la masse salariale

Or, 2025-2026 se profile sous les mêmes auspices. Une démarche qui ne va pas pouvoir être dupliquée chaque année sous peine de ne plus pouvoir sortir aucun projet, s’alarme Christophe Clément. « Nous manquons de visibilité sur le budget 2026, en particulier concernant des sujets importants : le « CAS pension » (l’État impose un taux de cotisation « employeur » que chaque établissement doit inscrire dans son budget avec un taux évolutif et qui peut créer de fortes tensions sur les finances, ndlr.), toujours d’actualité, et le GVT (glissement vieillesse technicité), qui nous est imposé mécaniquement et qui alourdit la masse salariale. À cela s’ajoute une nouvelle disposition : chaque membre de l’Université devra changer de complémentaire santé et passer à la MGEN. Nous ne savons absolument pas ce que cela coûtera, ni si cela concernera bien la complémentaire santé des salariés », détaille Damien Jouet, vice-président délégué chargé des Ressources Humaines.

Des spécificités très importantes pour l’URCA, dans la mesure où, sur ses 268 millions d’euros de budget, 195 millions sont alloués à la masse salariale, soit 72%. « Quand aurons-nous des réponses ? Quand un gouvernement sera en place et qu’une loi de Finances sera votée. L’année dernière, nous étions dans la même situation : il fallait trouver 6 millions d’euros, que nous avons réalisés en rationalisant les forfaits, le fonctionnement et l’investissement », précise Christophe Clément. « Nous savons déjà que nous aurons 2,8 millions à financer pour les retraites, 2,9 millions pour le GVT – soit l’évolution des carrières des agents, sans compensation – et toutes les mesures de revalorisation annoncées au niveau national. Là encore, aucune certitude sur une éventuelle compensation. »

(Crédits : ND)
(Crédits : ND)

Moins de lettres, plus d’IA

Des interrogations qui rendent donc la préparation budgétaire pour l’année scolaire à venir très compliquée. « La situation est fragile. Toute la question est là : si compensation il y a, nous aurons un peu de marge, mais seulement en 2026. Si compensation il n’y a pas, les économies actuelles permettront seulement d’absorber les nouvelles mesures, hors protection sociale complémentaire, dont on ne connaît pas encore le niveau de prise en charge. Donc pas de nouvelles dépenses possibles », insiste Christophe Clément. L’année dernière, des diplômes – dont le ô combien symbolique Lettres classiques – ont ainsi été fermés. L’URCA préférera le terme de « rationaliser ». Car si à l’ère de l’IA les intérêts des étudiants évoluent, les besoins du territoire aussi. On touche là presque à un débat philosophique sur le rôle de l’Université : doit-elle élever et éduquer les esprits ou former de la main d’oeuvre employable ? Sans doute les deux. Mais dans un monde où l’intellect pur ne paie plus, il faut bien trouver des alternatives. L’IA justement, mais au service de la recherche cette fois, du développement de nouvelles techniques et de l’accélération productive des entreprises tient désormais une place de choix au sein de l’Université Reims Champagne-Ardenne, avec un institut et un incubateur de start-up dédiés (voir Pamb 8043).

Devant les difficultés budgétaires, la question centrale est donc : Comment trouver de nouvelles ressources ? « Une fois la rationalisation faite, il reste la diversification : partenariats avec les entreprises, prestations de service via nos plateformes technologiques, formations proposées au monde économique, projets de recherche, de formation, d’innovation avec des partenaires publics, semi-publics ou privés », indique le Président de l’URCA. La Fondation de l’Université, un temps en veille, va par ailleurs être réactivée grâce à la récente nomination d’un nouveau directeur. Car un des axes phares de la nouvelle présidence est bien d’ouvrir et d’ancrer l’Université dans son territoire, à tous les niveaux, et en particulier avec les entreprises. Celles-ci voient un intérêt à collaborer avec l’URCA en identifiant des compétences qu’elles n’auraient pas en interne, que ce soit sur la formation ou, surtout, sur la recherche. « Historiquement, la majorité des laboratoires de recherche entretiennent déjà des liens avec le monde socio-économique. Nous les amplifions et les incitons à développer des collaborations avec les entreprises du territoire. C’est presque devenu notre ADN. »

Deux hôtels à start-up en projet

Ainsi, l’URCA possède des dispositifs qui encouragent l’entrepreneuriat, chez les étudiants mais aussi chez les enseignants-chercheurs. Cela passe par le pôle universitaire d’innovation, InnoRem. « Nous y sensibilisons les enseignants-chercheurs et nous formons les étudiants à l’entrepreneuriat, pour démystifier le montage d’une entreprise ou d’une start-up. L’idée est de montrer que ce n’est pas si compliqué, à condition d’être bien accompagné (Creative Labs, l’Institut d’Intelligence Artificielle avec PétillanteS, Pépite, l’incubateur Grand Est Quest for Change). »

Un accompagnement que Christophe Clément aimerait pousser plus encore avec la création de deux hôtels de start-up, un dédié à la bioéconomie et à l’environnement sur le campus Moulin de la Housse et un autre dans le secteur de la santé. « Nous consultons actuellement des partenaires pour accompagner cette démarche. Une fois réalisés, ces projets permettront de compléter tout le dispositif, depuis la recherche amont jusqu’au transfert de technologie et à la création d’unités industrielles. » Un projet ambitieux et structurant pour le territoire, à condition que les finances le permettent…