Une moisson 2024 décevante pour les agriculteurs
Agriculture. Quantité à la baisse, qualité moyenne, coûts de production en hausse constante... pour les agriculteurs, le bilan de la moisson 2024 est source d’inquiétude. Le secrétaire général de la FDSEA, le Marnais Hervé Lapie appelle à la solidarité et à la vigilance, notamment envers les jeunes installés.
Annoncée mauvaise avant l’été, la moisson 2024 n’a fait que confirmer les craintes des agriculteurs. Et quelques jours après la fin de la récolte, le bilan est malheureusement conforme aux prévisions. « Nous avons enregistré une récolte très décevante cette année avec une baisse des volumes de production de l’ordre de -20% à -45% selon les zones et les différences de pluviométrie », souligne Hervé Lapie, président de la FDSEA Marne et secrétaire général de la FNSEA. Orges d’hiver, orges de printemps, blé… toutes les productions ont été impactées. « Les colzas ont été un peu moins impactés et tirent davantage leur épingle du jeu avec des productions de l’ordre de 15 à 40 quintaux par hectare », précise l’agriculteur marnais.
Ces baisses de production sont dues, pour le blé notamment, à l’impact de la forte pluviométrie enregistrée dès le mois d’octobre puis lors de la floraison. Des séquences météorologiques qui ont impacté la fertilité des blés ainsi que le nombre de grains et leur taille. Des grains plus petits, peu remplis et en faible quantité, le bilan est forcément amer. « C’est une moisson qui ressemble à celle de 2016 », résume Hervé Lapie. S’il est encore un peu tôt pour établir des estimations précises de rendement, la moisson ayant pris fin au cours de la première semaine d’août, les premiers retours évaluent les rendements moyens situés autour de 60 à 65 quintaux de blé par hectare (contre 74,7 q/ha en 2023 et 71,7 q/ha en 2022). « Pour certaines exploitations on est même plutôt sur des rendements de 45 à 50 quintaux par hectare ».
Des charges supérieures aux coûts de production
Côté prix, ils sont actuellement situés autour de 200 à 220 euros la tonne de blé. Une baisse significative, d’autant que la récolte abondante enregistrée partout ailleurs dans le monde ne favorisera pas une remontée des cours. De quoi inquiéter les agriculteurs français qui voient dans le même temps leurs coûts de production exploser. « Mécanisation, engrais, main d’œuvre, produits phytosanitaires… les charges ont fortement augmenté », rappelle Hervé Lapie qui estime aujourd’hui le coût de production de la tonne de blé autour de 250 euros. Alors quand les cours avoisinent les 200 euros la tonne, le compte n’y est pas.
« Les agriculteurs qui se sont diversifiés avec de la pomme de terre ou de la betterave vont peut-être pouvoir atteindre l’équilibre, mais ceux qui sont spécialisés en céréales vont être beaucoup plus impactés », souligne le secrétaire général de la FNSEA, qui souhaite être particulièrement attentif aux jeunes agriculteurs qui débutent leur carrière.
« Nous devons être attentifs aux uns et aux autres, être vigilants et accompagner ceux qui montrent des signes de difficultés. Nous incitons aussi les agriculteurs à faire le point avec leur comptable et leur banquier afin d’établir un prévisionnel et de trouver les solutions les plus adaptées », poursuit-il Le risque d’une baisse significative de trésorerie dans les exploitations est en effet une source d’inquiétude pour les syndicats agricoles qui ont rencontré le ministre de l’agriculture Marc Fesneau le 29 juillet pour lui faire part de leurs attentes et leurs revendications.
Ce dernier a annoncé le 12 août que le dispositif de gestion des risques climatiques en agriculture avait été activé et que l’indemnité de solidarité nationale (ISN) a été déclenchée. Avec 35% des surfaces assurées, le secteur des cultures céréalières est celui qui bénéficie du meilleur taux de diffusion de l’assurance récolte. Selon le ministère, la réforme de 2023 devrait permettre, dans le cadre de l’ISN, de prendre en charge des pertes qui n’étaient jusqu’alors pas indemnisées dans le régime qui prévalait auparavant.
« Concrètement, pour un agriculteur assuré, ses pertes seront indemnisées, par son assureur et par l’Etat, à 100% au-delà de sa franchise », précise le ministère. « Pour un agriculteur non assuré, l’Etat compensera les pertes à hauteur de 40 % au-delà du seuil de 50 % de pertes, afin d’apporter un soutien aux agriculteurs les plus affectés. 275,5 millions d’euros de crédits de l’Etat ont été inscrits en loi de finances pour 2024 pour ces dispositifs, en plus des fonds de l’Union européenne sur les crédits de la PAC, et des contributions des assurés ».
Mise en place des dispositifs avec « souplesse et réactivité »
Par ailleurs, la France a obtenu l’autorisation de verser, au 16 octobre, une avance de 70% pour les aides découplées de la PAC, soit le maximum autorisé par la réglementation européenne, pour permettre un apport de trésorerie aux agriculteurs. « D’ici-là, les autres dispositifs seront déployés et, en premier lieu, le dégrèvement de taxe sur le foncier non bâti (TFNB) pour les zones et agriculteurs les plus impactés. Il appartiendra aux Préfets d’activer ces dispositifs au regard des difficultés identifiées à ce jour. à cet effet, les directions départementales des finances publiques (DDFiP) feront preuve de réactivité et de souplesse dans le traitement des demandes individuelles et territoriales, et certains Préfets se sont d’ores et déjà saisis du sujet. Par ailleurs, les caisses locales de la Mutualité sociale agricole (MSA) peuvent octroyer des reports de paiements de cotisations sociales. Elles peuvent également mettre en œuvre dès à présent les dispositifs de prise en charge de cotisations (PEC), dans le cadre des enveloppes déjà attribuées dans chaque département. Enfin, l’épargne de précaution pourra être mobilisée, conformément aux dispositions votées en loi de finances initiale pour 2024 ».
Des annonces qui n’empêchent pas Hervé Lapie d’espérer un déblocage avec l’arrivée imminente d’un nouveau gouvernement. « Nous avons fait passer nos propositions aux élus et nous attendons avec impatience le nouveau gouvernement. Mais nous n’oublions pas non plus que le sujet de l’agriculture est européen. Or, depuis les élections on ne parle plus beaucoup d’Europe, alors que notre avenir se joue à Bruxelles ».