Un Projet de Loi de Finance 2026 « incompréhensible, anti-économique, et injuste » pour les CCI
Entreprises. La CCI Grand Est alerte sur les conséquences économiques et sociales du Projet de Loi de Finances qui prévoit une baisse d’un tiers des ressources des Chambres de Commerce et d’Industrie, soit 175 millions d’euros à l’échelle nationale. À l’échelle régionale, la menace représente une perte de 11,8 millions d’euros sur une ressource totale de 35,5 millions.
Jean-Paul Hasseler, le Président de la CCI Grand Est, ne décolère pas. En cause, le Projet de Loi de Finances du Gouvernement qui, une fois de plus, revient sur ses engagements et vient ponctionner dans les budgets des chambres consulaires. « Dans ce projet de PLF, nous sommes menacés d’une nouvelle baisse de 175 millions de la taxe pour frais de Chambre consulaire, soit 30% de nos ressources nationales », souligne le président. Une TCCI payée par les entreprises et dont le but initial était l’accompagnement en proximité des entreprises. « Cette baisse, si elle était confirmée, entraînerait d’une part une mise en faillite immédiate de deux-tiers des CCI du réseau et un plan social au niveau national d’environ 3000 collaborateurs ». Pour le réseau des CCI du Grand Est, une telle chute des ressources pourrait entraîner un plan de licenciement de près de 150 collaborateurs. « Je tiens à être clair », poursuit Jean-Paul Hasseler, « ce serait la fin des CCI telles que nous les connaissons et une remise en cause radicale de notre capacité à remplir nos missions de service public, inscrites dans le Code du commerce et le Contrat d’objectifs et de performance signé avec l’État. »
Création/reprise/transmission d’entreprise, accompagnement au développement international des entreprises, accompagnement dans les transitions environnementales, digitales, RH, accompagnement des entreprises en difficulté… les CCI affirment en effet apporter des solutions concrètes aux entreprises dans une relation de proximité du quotidien.
Soutenu par tous les présidents des chambres territoriales de la région Jean-Paul Hasseler rappelle également que lors des 13 dernières années, l’Etat a déjà prélevé 1 milliard d’euros sur le réseau des Chambres de Commerce au plan national. « À l’échelle du Grand Est : la TFC perçue en 2017 était de 63,9 M€, elle est de 35,5 M€ en 2024 », insiste-t-il. D’autant que, au fil des années, et « à travers un effort sans précédent », les CCI se sont restructurées, enregistrant une baisse drastique de leurs effectifs au niveau national, puisqu’elle a été de l’ordre de 56% en moins de dix ans. « À l’échelle du Grand Est, nous sommes passés de 12 à 8 CCI en Grand Est et depuis 2017 de 1200 collaborateurs à 700 aujourd’hui ». Et si le PLF était adopté, les CCI du Grand Est verraient leurs ressources chuter de l’ordre de 11,8 millions d’euros sur une ressource totale de 35,5 millions. Une telle mesure fragiliserait significativement le maillage économique régional et menacerait près de 150 emplois dans les chambres de la région.
Fiscalité des entreprises
« Nous ne sommes ni des opérateurs ni des agences de l’État », insiste Richard Papazoglou, président de la CCI Meuse Haute Marne, défenseur de la nécessité de maintenir les chambres consulaires pour accompagner les territoires ruraux en particulier. Des territoires qui ont besoin d’une ingénierie, permise par les CCI, qui constituent souvent le dernier maillon public de proximité pour les entreprises et les collectivités grâce à la fiscalité issue de leur contribution. « Cette fiscalité, ce sont les entreprises qui la paient, elle passe par Bercy avant de nous être reversée », rappelle-t-il. « Chaque année, le PLF, c’est la même comédie : pendant des semaines et des mois, on ne sait pas à quelle sauce on va être mangé. On a eu les accords d’un précédent gouvernement, qui nous avait donné une trajectoire et aujourd’hui on remet tout en cause. Comment voulez-vous construire des budgets pertinents et efficaces puisqu’on n’a aucune idée de ce qui va se passer ? Cette situation empêche le business. Et outre le fait qu’aujourd’hui nos entreprises n’ont aucune perspective - on le voit bien sur leur moral et sur l’investissement - aujourd’hui sur nos territoires, l’énergie qu’on met à se défendre et à se faire entendre pour rétablir cette vérité, c’est autant de projets qu’on ne peut pas accompagner », déplore Richard Papazoglou.
Export, industrie, territoires
« Le Grand Est est la 3e région exportatrice de France et la 1ère vers l’Allemagne avec plus de 16 milliards d’euros d’échanges par an », rappelle quant à lui Sylvain Convers, président de la CCI de l’Aube. « Grâce à CCI International Grand Est et à 40 collaborateurs experts répartis sur l’ensemble du territoire de la région, 4 800 entreprises ont été sensibilisées à l’export et 150 ont été accompagnées dans leur développement international ». Ces actions collectives soutiennent les filières stratégiques (agro, santé, technologies, industries) et participent à la compétitivité régionale. « L’Italie, en 2024, a enregistré un excédent commercial 55 milliards d’euros. On devrait pouvoir être en capacité d’atteindre ces chiffres-là pour autant qu’on ne coupe pas les ailes et l’envie des CCI de faire ce travail. Toute remise en cause de nos moyens financiers fragiliserait directement la capacité des entreprises du Grand Est dans leur mouvement à l’export. »
La CCI Grand Est et les CCI territoriales appellent donc le Gouvernement à renoncer à cette trajectoire budgétaire et à ouvrir un dialogue de fond sur leur rôle dans la cohésion économique et territoriale. Ils saluent d’ailleurs le soutien unanime des parlementaires membres de la commission des finances, qui ont déjà adopté plusieurs amendements favorables au maintien des ressources.
Fabrice Genter, président de la CCI Moselle Métropole Metz, se dit très inquiet pour la filière industrielle et en particulier pour le secteur de l’automobile. « Dans le Grand Est, l’automobile représente 80 000 emplois, ce sont 800 entreprises qui sont engagées, avec des savoir-faire que nous n’avons clairement pas envie de perdre. On a connu il y a un certain nombre d’années les débacles sidérurgiques, on a compris que si on perdait ces entreprises-là aujourd’hui, ça serait fini. Les filières industrielles ont vraiment beaucoup d’importance . O,n parle aussi de transformer une partie de ces filières pour l’armement et bien ces filières automobiles, il faut qu’elles tiennent dans le temps. Et au niveau du Grand Est, on a des programmes spécifiques qui ont été votés et mis en oeuvre pour permettre justement à toute notre industrie automobile de se transformer et d’avancer ».
Un soutien unanime
Pour le Président régional, la proposition de Loi de Finances est à la fois « incompréhensible, à contre sens, anti- économique, injuste et inacceptable » à l’heure où le pays vit « des records de faillites (68 000 en 2025) ». En Grand Est, 45 000 entreprises ont en effet été sensibilisées aux transitions (digitale, RH, écologique et création-transmission) et 7000 ont bénéficié d’accompagnements individuels. Dénonçant un projet aussi injuste pour les collaborateurs des CCI que pour les entrepreneurs élus qui s’investissent bénévolement, le président Hasseler glisse un tacle à l’adresse des politiques : « Entre 2013 et 2022, nos ressources ont baissé de 66 % nous avons réduit nos effectifs de 56 %. Nous sommes un modèle de transformation au service des entreprises et au service de l’action publique de la France via l’économie. Puissent les politiques s’inspirer de notre rigueur en matière de gestion ! »
Soutenus par les organisations syndicales de salariés, par les organisations patronales et par les parlementaires régionaux, les présidents des CCI du Grand Est comptent bien faire adopter leurs amendements. En attendant peut-être une évolution du statut des CCI, souhaitée notamment par Richard Papazoglou qui affirme : « J’aimerais sortir du modèle actuel, notamment de cette fiscalité pour plusieurs raisons : la première, c’est que l’État ne couvre pas la masse salariale qui est demandée pour répondre aux missions. C’est un constat d’ordre fonctionnel. Mais aussi parce qu’aujourd’hui, cette situation crée une situation de dépendance à la fiscalité et nous perdons notre capacité à être proactif en subissant les choses. J’aimerais inventer un autre modèle et que l’État puisse nous accompagner dans cette transformation, pour que nous puissions, pourquoi pas, devenir autonomes ». Un avis bien tranché qui n’est pas encore partagé par l’ensemble des CCI mais qui devra sans doute faire l’objet d’une vraie réflexion dans les prochaines années...