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Un parc de la bioéconomie du chanvre dans l’Aube dès 2024

Agro-industrie. À l’image de Pomacle-Bazancourt, le Pôle européen du chanvre prépare un écosystème de développements économiques à Saint-Lyé, dans l’Aube.

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Une partie des responsables du Pôle européen du chanvre auxquels il faut ajouter le représentant de TCM, Bertrand Chevalier. Laurent Locurcio

Aux portes de l’agglomération troyenne, à Saint-Lyé, se profile ce qui sera le parc de bio-économie du chanvre. Les porteurs de projet s’inspirent du développement de Pomacle-Bazancourt pour créer une bioraffinerie territoriale du chanvre. Le terrain a commencé à être préparé voici trois ans, avec la création d’un pôle européen du chanvre porté par le collectif 3 C Grand Est (Collectif Construction Chanvre) avec le soutien des collectivités territoriales (TCM, Département et Région). « Nous avons fait les deux tiers du chemin dans la réalisation de ce qui sera un écosystème autour du produit chanvre et des marchés de transformation dans tous les domaines comme par exemple le bâtiment, le textile ou encore la plasturgie », explique Bertrand Chevalier, vice-président de Troyes Champagne Métropole chargé de l’économie.

L’idée générale est de concentrer sur un même lieu de l’innovation, la matière première adaptée aux besoins industriels présents et à venir, et des entreprises de transformation disposant d’espace foncier pour s’y installer. Le tout avec une gouvernance pour un pilotage efficace de ce qui sera un véritable écosystème économique autour du chanvre. Le site de Troyes Saint-Lyé dispose depuis ce printemps d’un atout de grande taille avec la mise en route de ce qui est le plus grand outil européen de travail du chanvre. À la fois pionnier du secteur et premier acteur européen, la Chanvrière de l’Aube y a investi 25 millions d’euros pour y installer son nouvel outil de production.

« Le chanvre en Europe c’est à Saint-Lyé que ça se passe et nous invitons les entreprises à s’intéresser au chanvre et à notre territoire au travers d’un projet qui dépasse le cadre de la Chanvrière de l’Aube », fait remarquer Benoît Savourat. Sur ce site, la ressource en chanvre est assurée tant en qualité qu’en quantité, et le rôle du Pôle européen du chanvre est de mobiliser dès à présent les acteurs économiques autour de cette ressource. Des groupes techniques de travail ont déjà été mis en place pour travailler autour de nouveaux marchés notamment, avec l’idée d’exploiter la totalité des ressources de la plante, depuis les fibres jusqu’aux graines en passant par l’huile.

Des entreprises déjà engagées

« C’est une démarche de co-construction qui réunit 250 professionnels de tous les secteurs, dont une majeure partie d’entreprises », souligne Estelle Delangle, cheffe du projet du Pôle européen du chanvre. Les premières rencontres du Pôle européen du chanvre qui se sont tenues à Troyes fin novembre ont permis à tous ces acteurs de se rencontrer et de faire le point sur les avancées et les développements à venir. Ce travail préparatoire va se concrétiser dès 2022 par le lancement opérationnel du Pôle européen du chanvre. Le parc de la bioéconomie du chanvre de Troyes-Saint-Lyé sera aménagé en 2024. Une première phase portera sur 40 hectares avec une option d’extension sur une vingtaine d’hectares.

Un champ de chanvre dans l’Aube. DR

Des entreprises de transformation sont attendues mais aussi des activités de recherche et développement, et notamment une halle technologique. L’Aube dispose d’ailleurs depuis 2007 d’un outil de recherche dédié aux fibres végétales, FRD. « Il faut rappeler d’ailleurs que TCM s’investit depuis longtemps déjà dans la bioéconomie et ce qui se passe aujourd’hui à Saint-Lyé s’inscrit dans cette logique », rappelle Benoît Savourat. Le futur parc connaît déjà un engouement, à tel point que des entreprises ont commencé à s’installer dans l’agglomération pour préparer leurs projets autour du chanvre.

Des objectifs déjà dépassés pour la nouvelle usine

La surprise est de taille. « La demande a tout simplement doublé en une année, ce que nous n’avions absolument pas prévu », commente Benoît Savourat. Le président de la Chanvrière de l’Aube avance plusieurs arguments comme l’évolution réglementaire pour l’isolation des bâtiments ou encore la recherche de nouvelles fibres végétales pour la filière textile. La plasturgie est aussi demandeuse, l’utilisation de chanvre permettant d’alléger les pièces dans la construction automobile. Une nette hausse de la demande qui a chamboulé la stratégie de l’entreprise. « Avec une capacité de 50 000 tonnes dans notre unité historique de Bar-sur-Aube nous étions en saturation et c’est pourquoi nous avons implanté notre nouvel outil industriel à Saint-Lyé avec des capacités doublées pensant voir venir pour plusieurs années ».

Or, alors que la nouvelle usine n’est opérationnelle que depuis avril, la barre des 60 000 tonnes traitées a été franchie et l’objectif fixé à 80 000 tonnes dès l’année prochaine. La Chanvrière de l’Aube a également sollicité davantage d’agriculteurs. Désormais, ce sont 515 exploitations agricoles, principalement dans l’Aube, la Marne et dans un rayon de 120 km autour de l’usine qui cultivent 10 160 hectares de chanvre pour l’unité auboise. C’est la plus importante de l’Hexagone, lorsqu’on sait que la production totale de chanvre en France s’étale sur seulement 17 000 hectares.

Un matériau biosourcé d’avenir

Conséquence de cet engouement qui ne faiblit pas, la Chanvrière de l’Aube commence déjà à réfléchir à l’augmentation de ses capacités industrielles au rythme où la demande augmente. En fait, porté par la recherche de matériaux biosourcés à l’impact positif dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’engouement pour le chanvre ne fait que commencer. D’autant qu’aux secteurs qui l’utilisent déjà de façon toujours plus importante, de nouveaux usages surgissent régulièrement.

Le chanvre, sous différentes formes, connaît de plus en plus d’applications industrielles. Laurent Locurcio

Par exemple, des fabricants de jeans utilisent désormais des fibres de chanvre en les mélangeant au coton pour la confection de jeans. La culture du coton consomme à elle seule 50 % de l’irrigation mondiale et 25 % des pesticides. Le chanvre, très sobre et ne nécessitant pas de produits phytosanitaires, est une alternative de plus en plus recherchée. « C’est à Saint-Lyé que se prépare l’économie de demain », conclut Benoît Savourat.