Stellantis, l’exception ardennaise
Automobile. Alors que le groupe a mis à l’arrêt ses usines de Poissy, Mulhouse et Sochaux en raison de la baisse de ses ventes en Europe, la fonderie ardennaise, elle, tourne même à plein régime. Explications.
En raison d’un contexte difficile, Stellantis, qui a vu ses ventes baisser de 10% en Europe, a dû adapter le rythme de production de plusieurs de ses usines en France, Italie, Espagne, Pologne et Allemagne. Pas question pour autant de mettre la production en pause à la fonderie des Ayvelles, dans les Ardennes, épargnée par ces mesures.
Bien engagé dans la transition énergétique
Lors de la récente visite de la présidente de l’Assemblée Nationale, Yaël Braun-Pivet, Stéphane Dubray, le directeur du site, a au contraire montré son optimisme quant à l’avenir immédiat de l’unité ardennaise. Fondé en 1971 et forte d’une expérience de plus de 50 ans, le premier employeur privé champardennais, qui fait actuellement travailler 2 160 collaborateurs, présente en effet l’avantage d’être au meilleur niveau compétitif mondial en France parce que « son site multi-énergie peut, lorsqu’il est ralenti par la baisse sur l’électrique, se rabattre sur le thermique ».
Stéphane Dubray rappelle que la fonderie a bénéficié de deux tournants importants lors des cinq dernières années : l’attribution des carters de la machine électrique en 2020 et la fabrication de culasses pour les moteurs hybrides en 2023. Ce qui, selon le dirigeant, a permis « grâce à la puissance financière du groupe, qui a investi ces cinq dernières années 45 millions d’euros pour la transition énergétique et 33 millions d’euros sur la partie hybride, de transformer l’outil de production pour passer du tout thermique vers l’électrique et l’hybride ».
Et Stéphane Dubray d’ajouter : « On a ainsi ici, sur 4 130 m² de surface, un très fort potentiel industriel nous permettant de produire quotidiennement 26 000 pièces en fonte et 20 000 pièces en aluminium ». Dans le catalogue de pièces made en Ardennes, figurent aussi des pièces de liaison au sol indépendantes des types de motorisation : cornes de berceaux, pivots avant et arrière, culasses purement thermique et hybrides, carters (200 000 par jour), et boitiers différentiels « plus un produit qui nous a récemment été attribué sur un marché remporté et qui sera prêt pour 2030 et représentera un volume d’affaires de 3 000 pièces par jour ».
Pas d’avenir sans compétitivité
« Nous sommes dans un monde en guerre économique et, face à l’agressivité de nos concurrents chinois et indiens, notre usine se doit d’être au meilleur niveau mondial tant au niveau des prix que de la qualité. C’est la condition sine qua non pour gagner des marchés. Notre compétitivité et les 50 ans d’expérience de la fonderie des Ayvelles dans un métier très technique comme le nôtre, ce n’est pas rien. Ça compte beaucoup dans le niveau de performance que nous avons atteint », remarque Stéphane Dubray.
Au-delà de la performance économique pure, l’usine ardennaise travaille aussi sa décarbonation. « On veut à la fois de l’autonomie énergétique pour ne pas dépendre des fluctuations du marché, c’est crucial pour nous. Nous avons donc plusieurs projets d’installations de parcs photovoltaïques et même agrivoltaïque pour le capatage d’énergie électrique. L’ensemble de ces réalisations doivent nous donner une capacité supplémentaire de17,8 mégawatts/heures. On espère arriver en 2028 à 23% d’énergie d’origine électrique, ce qui est crucial pour nous qui fondons de la matière. » Pour mettre en place ce modèle économique, le groupe passera par un tiers qui fera les investissements à sa place. « Nous garantirons pour notre part un prix de l’énergie pendant 20 ans. » Un projet biogaz est aussi programmé avec Ardenne Métropole en utilisant les déchets de l’agglomération.
Pour rester à ce niveau d’excellence, le site assure aussi beaucoup d’actions de formation (25 000 heures par an dont 15 000 en interne grâce à 70 collaborateurs qui ont formé 736 de leurs partenaires en 2024) « car il n’y a pas d’usine compétitive sans hommes et femmes au meilleur niveau ». L’ex-usine PSA contribue aussi à la formation plus classique d’étudiants (du Bac au niveau ingénieur) au rythme annuel de 36 alternants. « Le grand défi, aujourd’hui, est de garder ce niveau de compétitivité au moment où on est en train de travailler sur les pièces du futur. Et nous avons des atouts pour cela car nous disposons d’un important parc machines, capable d’être modifié sans dépenser trop d’argent. C’est à quoi vont s’atteler une vingtaine de personnes qui travaillent sur l’industrialisation ».