Souveraineté et innovation au coeur des Rendez-vous Business
Business. Le Grand Reims organisait la 3e édition des Rendez-vous Business, mettant en relation partenaires de l’écosystème du soutien à l’entrepreneuriat et chefs d’entreprises mais aussi porteurs de projets. L’occasion de parler de deux grands thèmes d’actualité lors de conférences : le fabriqué en France et le déploiement de l’IA face à la menace cyber.
Soutenir l’économie locale passe par son animation. Rencontres, petits-déjeuners, after-work… les entrepreneurs sont aujourd’hui habitués à ces formats pour se retrouver et échanger sur les problématiques auxquelles ils sont confrontés. Le Grand Reims prend sa part, notamment à travers l’organisation de son désormais incontournable évènement des Rendez-vous Business.
« 25 partenaires de soutien à l’économie locale et à l’entreprenariat sont réunis dans un même lieu. L’objectif est de démystifier, de rendre accessible ces différents partenaires et leurs offres de services. Il s’agit d’un rendez-vous B2B qui occupe toute l’après-midi, avec plus de 150 rendez-vous programmés et environ 200 participants », indique Simon Cossiez, Directeur du développement économique au Grand Reims.
« Cet événement illustre la mobilisation collective de l’ensemble des acteurs économiques. Avec Reims Business et Reims Commerce, une offre de services structurée a été mise en place à destination des entreprises, des commerçants et des artisans, en lien avec de nombreux partenaires. Ces dispositifs contribuent au développement de projets d’investissement, d’implantation et d’activités économiques sur l’ensemble du territoire de la communauté urbaine », renchérit Arnaud Robinet, président du Grand Reims. Le Grand Reims consacre ainsi chaque année un budget dédié au soutien des entreprises leur permettant de continuer à produire en France. Or, produire français, avec des matériaux français n’est pas toujours chose aisée.
Implanter des entreprises pour produire français
Gilles Attaf, Président d’Origine France Garantie depuis plus de quatre ans, défend l’excellence des produits fabriqués en France grâce à l’attribution de cette certification. « Origine France Garantie, est une certification portée par l’association France Garantie, créée en 2011 par Yves Jego, issue à l’époque d’une mission de Nicolas Sarkozy sur la marque France. Ce qui était ressorti de cette analyse c’est qu’il manquait un outil permettant de donner la vraie traçabilité d’un produit fabriqué sur le territoire français », explique-t-il. Cette certification repose sur deux critères précis, évalués par des organismes certifiés comme l’Afnor ou le bureau Veritas, contrairement à l’appellation made in France qui ne repose que sur du déclaratif.
L’objectif du « Origine France Garantie » est bien de donner cette certitude de traçabilité aux consommateurs. La certification repose sur deux critères cumulatifs : le premier est que toutes les caractéristiques essentielles du produit doivent avoir été acquises sur le territoire français, le second est qu’au minimum 50 % du prix de revient unitaire sortie d’usine doit avoir été acquis sur le territoire français. « C’est un niveau d’exigence qui peut paraître élevé pour certains, pas assez pour d’autres. Nous avons décidé d’en faire notre socle, il y a maintenant quinze ans. Aujourd’hui, nous représentons environ 800 entreprises et 3 500 gammes de produits. Ce que nous certifions, ce sont des gammes de produits, pas des sociétés », illustre celui qui est aussi Président des Forces françaises de l’Industrie. « Je prends toujours le même exemple : on a certifié la Toyota Yaris Cross, fabriquée à Valenciennes par 5 500 ouvriers. Ce n’est pas Toyota qui est certifié, c’est la Yaris Cross. »
Une certification qui, depuis cinq ans, ne concerne plus uniquement que les produits mais également les services. « On nous avait vendu l’idée que nous deviendrions un pays tertiaire et que l’atelier du monde serait la Chine ; nous ne sommes pas devenus un pays tertiaire, mais nous avons été complètement désindustrialisés. Aujourd’hui, nous certifions aussi les services, avec un socle différent : les contrats de travail doivent être de droit français pour au moins 90 % du service concerné. »
La certification est accordée pour quatre ans, avec un audit intermédiaire chaque année pour s’assurer que les produits restent bien conformes à la certification.
Des exemples concrets
Exemple concret avec Écobulles, entreprise rémoise spécialisée dans le traitement du calcaire. « Nous proposons une alternative écologique à l’adoucisseur au sel. Les adoucisseurs classiques sont très polluants : ils entraînent une surconsommation d’eau d’au moins 10 % et rejettent beaucoup de polluants dans les eaux usées. Notre solution consiste à injecter du CO₂ dans l’eau : on retire le calcaire en le dissolvant, on le transforme pour l’empêcher de s’incruster », indique Marine Pernet, Directrice des Opérations chez Écobulles. « C’est une technologie découverte par hasard par un agriculteur champenois il y a plusieurs décennies. Les premières maisons de champagne ont été les premiers clients, puisqu’elles maîtrisent parfaitement le CO₂. Depuis peu, nous équipons aussi les particuliers. » Aujourd’hui, environ 15 000 appareils de l’entreprise, certifiés Origine France Garanti sont installés chez des particuliers, un chiffre en hausse d’environ 10 % par an. « Nous avons obtenu la certification en 2020. Avant cette date, nous n’étions pas en capacité de le remplir tous les critères car certains composants ne sont plus fabriqués en France ni en Europe », soulève-t-elle comme frein à la certification, et, plus globalement, comme problématique de l’industrie en France.
« Une grande partie des difficultés de la société française vient de la désindustrialisation », assure Gilles Attaf. « L’ascenseur social est cassé, le lien territorial affaibli. Un pays qui ne produit plus perd énormément. Notre sujet, c’est de redevenir un pays qui produit, de sortir d’une société de consommation pour revenir vers une société de production », appuie-t-il, chiffres à l’appui : la part de l’industrie dans le PIB de l’Hexagone, est de 10% contre 15 % de moyenne en Europe (18,5 % en Allemagne, 15 % en Italie).
Synergie et coopération
Pour produire français, la solution réside notamment dans les coopérations et dans les synergies entre les entreprises d’un même territoire. C’est un des objectifs des Rendez-vous Business : mettre en relation des professionnels qui pourraient travailler ensemble. Ce qui est le cas de Lucas Brunet, opticien et fabricant de lunettes installé à Tinqueux avec son enseigne Luceline et David Kisch, Gérant de NG Enseignes & Publicité, entreprise ambassadrice de la French Fab (voir page 4). Ensemble, ils ont développé un produit inédit, celui de l’appareil auditif intégré dans la branche de lunettes.
« Nous nous sommes rencontrés lors du Grand Prix de la transformation Grand Est 2024 que nous avons tous les deux remportés dans nos catégories respectives. J’avais un projet sur la 3D, lui avait les machines et les compétences », livre Lucas Brunet. « Aujourd’hui, notre projet est quasiment prêt à être commercialisé. Nous avons déjà des précommandes d’opticiens et d’audioprothésistes. Notre modèle est trois fois plus léger que le modèle traditionnel avec un prix qui sera accessible, moins de 200 € », espère-t-il. « Les matières sont biocompatibles, donc aucun souci avec la peau », renchérit David Kisch. « Le procédé est très bon, on a un produit qui tient la route, trois fois plus léger qu’une paire traditionnelle. » Et si les entreprises arrivent à travailler ensemble, les clients doivent aussi jouer le jeu et prendre conscience de l’importance de consommer français. Une tâche à laquelle s’attelle Gilles Attaf : « La souveraineté, c’est la liberté. Il n’est pas question de se fermer, de faire du protectionnisme, mais d’avoir la liberté de choisir. Et les consommateurs ont un peu oublié ça. Pendant des années, on a dit : « On va toujours trouver moins cher, à n’importe quel prix. » Déjà, il faut parler de la façon dont c’est fabriqué et consommer moins mais mieux : des produits de qualité, recyclés, en local. Tous ces sujets-là, il faut les raviver », insiste celui qui, pour cela, avec les Forces françaises de l’Industrie monte des clubs en région pour la production locale et favoriser l’implantation de nouvelles entreprises sur le sol français.
« Nous sommes en train d’en monter un en Champagne-Ardenne. L’idée est de mailler tout le territoire pour être le plus puissant possible. Aujourd’hui, il y a une vingtaine de clubs, et on sera probablement une cinquantaine en 2026. L’objectif est d’en avoir 100 pour les Présidentielles, afin de peser fortement. Ce sont des clubs liés à la production dans les territoires avec des accélérateurs pour aider les entreprises, trouver du financement ainsi que des professionnels qui participent et apportent leur regard, leur expérience. »