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Situation économique actuelle : l’état des lieux de Recom

Economie. Sur le thème de la situation et des perspectives économiques des entreprises - et plus particulièrement des entreprises marnaises - la première conférence du nouveau cercle économique RECOM* s’est tenue en ce début juillet dans les locaux de Neoma, à Reims.

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Situation économique actuelle : l'état des lieux de Recom
De gauche à droite : Aurélie Vermesse, propriétaire d’un établissement Relais & Château à Lille ; Christophe Bühren, président du groupe Vivescia ; Rémi Frégnaux, président de la commission industrie de la CCI Marne en Champagne ; Olivier Holveck, directeur financier du groupe Taittinger. (Crédit : J. Rivière)

Dans le cadre d’un exercice « bilan et perspectives » de l’activité économique à l’échelle nationale, Jean-Luc Tavernier, directeur général de l’Insee, soulignait que la France connaissait actuellement un niveau d’inflation inédit depuis le milieu des années 80. Une inflation (+5,2% en mai, +5,7% en juin) qui pourrait s’établir à 6,5 ou 7 % à la fin de l’année. Avec, en parallèle, une croissance modérée estimée à +2,3 % en 2022, alors même que l’on tablait sur 4 % avant le déclenchement de la guerre en Ukraine.

La hausse des prix à la production s’élève à près de 14 % (glissement annuel mai 2021/mai 2022), alors même que les prix agricoles à la production ont bondi de plus de 30 % (avec de fortes disparités : +75 % pour les céréales, +100 % pour les oléagineux). Ce qui se traduit dans les prix au détail. Les contraintes d’offres (recrutement/approvisionnement) atteignent également des niveaux inédits, quasiment toutes les entreprises industrielles étant affectées.

Hausse de l’emploi et des salaires

En 2022, on constate une hausse de l’emploi salarié, comparable à ce qu’elle était avant la crise sanitaire, avec un taux de chômage d’environ 7 % prévu à la fin de l’année. Conséquence : s’il a été préservé durant la crise sanitaire, le pouvoir d’achat des ménages devrait reculer de -0,6 % en 2022 (les mesures gouvernementales prises pour la fin de l’année ne compensant pas la baisse du début de l’année).


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L’analyse de la situation macroéconomique présentée par Jean-François Ouvrard, adjoint au directeur des prévisions de la Banque de France, allait globalement dans le même sens que l’Insee, avec un retour de l’inflation à 2 % en 2024 et une légère augmentation du taux de chômage (un peu moins de 8 %) en 2023-2024, toutefois inférieur à celui d’avant la crise sanitaire. Ce scénario, établi sur des hypothèses plutôt favorables, ne tenant pas compte d’éventuelles tensions supplémentaires sur les prix de l’énergie… La dynamique salariale entraîne une augmentation normale des salaires et du Smic de l’ordre de 3 % (contre 1 % en 2020), qui pourrait s’établir à 5 % en 2023.

Méfiance pour l’avenir

Rémi Frégnaux, patron de SCDC à Orbais-l’Abbaye et président de la commission industrie de la CCI Marne en Champagne, faisait état de l’enquête conjoncturelle réalisée par la Chambre à laquelle ont répondu 110 entreprises de tous secteurs d’activité. Il en ressort que l’évolution des chiffres d’affaires (sur les 6 premiers mois de l’année) est à la hausse, sauf pour le commerce. En revanche, 37 % des entreprises connaissent des problèmes de trésorerie.

Si les effectifs salariés sont plutôt stables pour 70,8 % des entreprises, la tendance est à l’évolution à la hausse en dépit des difficultés à recruter. Pour le deuxième semestre 2022, un certain pessimisme se fait jour, même si les carnets de commandes sont encore bien garnis à l’heure actuelle. L’indice de confiance passe de 12,5 à 11,4 et les deux tiers des patrons entendent maîtriser leur masse salariale, la gestion des stocks, et envisagent le report des investissements. La méfiance prédomine.

Difficultés à anticiper

Jean-François Ouvrard, adjoint au directeur des prévisions de la Banque de France
Jean-François Ouvrard, adjoint au directeur des prévisions de la Banque de France. (Crédit : J. Rivière)

Au-delà de ces présentations, une table ronde à laquelle était associée PAMB, réunissait des acteurs économiques. Tous s’accordaient à reconnaître que la difficulté actuelle consistait à anticiper. Christophe Bühren, président du groupe Vivescia, expliquait que « la répercussion de toutes les hausses de prix des matières premières vers les clients n’était pas encore effective et que, par la force des choses, l’Insee ne les a pas intégrées ».

Directeur financier du groupe Taittinger, Olivier Holveck indiquait « qu’en ce qui concerne les matières sèches (étiquettes, bouteilles, bouchons, etc., c’est-à-dire tout ce qui n’est pas ‘‘liquide’’) certaines hausses de prix (10 %) ont été enregistrées, mais sans tension sur l’approvisionnement lui-même ». Rémi Frégnaux constatait que dans le secteur métallurgique qui est le sien, « il y a des problèmes d’approvisionnement et une dangereuse absence de visibilité. À quoi s’ajoute l’impossibilité de négocier les prix avec les fournisseurs. » Pour Christophe Bühren, « la crise sanitaire a été plus simple à gérer que le conflit ukrainien. »

Aurélie Vermesse, propriétaire d’un établissement Relais & Château à Lille et Présidente de la CCI Grand Lille, insistait sur les difficultés de recrutement, surtout dans son secteur d’activité, « le salaire n’étant plus le seul aspect pris en compte, les postulants étant à la recherche de ‘‘sens’’, de télétravail… » (ce qui n’est pas simple en hôtellerie-restauration !). Confirmant cet aspect des choses, Christophe Bühren ajoutait que « ce n’est pas seulement un phénomène français… » Rémi Frégnaux expliquait quant à lui que « l’organisation de l’entreprise commence à changer en fonction du personnel que l’on trouve à embaucher ! » Côté investissement, la prudence est à l’ordre du jour et, d’une manière générale, le développement est mis en ‘‘stand by’’. Toutefois, Rémi Frégnaux estime que « la crise est un accélérateur de transformation ». Comme souvent, les entreprises qui passeront ce cap en ressortiront renforcées.

*Le cercle économique RECOM est fondé par la Banque de France Reims-Marne, la CCI Marne en Champagne, la direction régionale de l’Insee, Neoma Reims et l’Université Reims Champagne-Ardenne. La prochaine conférence RECOM est programmée pour le mois de décembre, dans les locaux de l’URCA.