Savart Paysage « expérimente » les espaces et l’équilibre végétal
Aménagement. Voilà 26 ans que l’entreprise Savart Paysage, agence spécialisée dans la conception d’espaces existe. Elle vient de remporter la mention spéciale « Expérimentation » aux Victoires du Paysage.
Leurs locaux châlonnais sont tels un petit laboratoire de leurs idées et créations. Si en ce moment, le jardin à l’arrière des bureaux est endormi avec les frimas de l’hiver, dès le printemps, ce petit espace sert de test aux équipes de Savart Paysage. « Nous sommes spécialisés dans la conception d’espaces. Nous concevons des rues, des places, des quartiers, des éco-quartiers… Nous réfléchissons à toutes les échelles », fait savoir Marc Soucat, créateur de l’agence en 1998, à Châlons-en-Champagne. Répondant à des appels d’offres publics aussi bien qu’à des demandes d’entreprises privées, l’agence dessine et conçoit les nouveaux plans puis pilote le chantier avec les entreprises de travaux, terrassement, voiries etc. En décembre 2024, Savart Paysage a été récompensée aux Victoires du Paysage, avec la mention spéciale « Expérimentation » pour son travail sur le parc « Latitudes » au sein de la commune d’Haussimont, dans la Marne.
Repenser les techniques horticoles
« Le maire, Bruno Roulot, nous a contacté pour réaliser un parc expérimental sur le thème des Latitudes pour accompagner une future zone d’habitat. Et ce qui au départ ne devait faire que quelques mètres de large, fait au final 20 mètres ! » L’équipe de Savart paysage est partie du terme « Latitudes » pour « illustrer le rapport du végétal à l’évolution du climat et démontrer aussi, les incertitudes que l’on a ». Le parc est ainsi, « coupé en deux », avec au Nord, des espèces végétales plantées, poussant sous climat tempéré (hêtres, charmes, pruniers, sorbiers, etc.), tandis qu’au sud, les espèces sont issues de climat méditerranéen (palmiers, oliviers, lilas de Perse). « Entre les deux, nous avons planté des végétaux qui font partie des deux climats. » Après un an d’études, les travaux ont duré six mois. « Nous avons deux ans pour suivre l’évolution mais l’objectif est de laisser les plantes vivre et d’observer leur évolution. On change de paradigme et de regard sur la notion horticole », insiste Marc Soucat. Ce projet, innovant, s’inscrit dans la lignée de l’état d’esprit de l’agence, qui a « toujours essayé de repenser l’horticulture », comme lors d’un des premiers projets, celui de l’éco-quartier Réma’ Vert de Reims, pensé en collaboration avec le bailleur Plurial Novilia. « L’objectif était de ramener de la nature en ville, dans une zone avec des habitations et des services, avec comme philosophie que l’espace vert privé déborde sur le public. »
Récemment, c’est pour le groupe LVMH et la maison Moët & Chandon, sur son site de Oiry (51), que l’agence a travaillé. « Il s’agissait là d’intégrer dans le paysage, une trame végétale illustrant la biodiversité de la Champagne crayeuse et d’un de ses milieux emblématiques, le « savart », qui est aussi à l’origine du nom de notre agence », confie Marc Soucat. « Le projet reconstitue trois traces de savarts : herbacés, arbustifs et arborés. Dans chacun d’eux, la flore est enrichie de quelques végétaux d’origine méditerranéenne pour anticiper les effets du changement climatique », insiste-t-il. Regardant vers l’avenir, l’agence laisse petit à petit de côté les techniques horticoles classiques pour s’orienter vers « des approches inspirées des conditions de développement naturel des milieux » et a encore de beaux projets pour 2025 : « un parc dans un petit bois à Recy (51), où l’on viendra se glisser entre les arbres, une forêt urbaine à Chaumont (52) ou encore la requalification de l’espace public de la cité-jardin minière Declercq, à Oignies, dans le Nord, classée à l’UNESCO. » À la tête d’une agence stable depuis 10 ans avec un effectif constant de six personnes, Marc Soucat constate cependant que le rôle du paysagiste n’est « toujours pas bien identifié ». Il souligne et rappelle son rôle « d’aménageur » lui permettant de travailler sur des sujets aussi variés que des aménagements de cour d’école pour 300 000 € de travaux que des projets de requalification entière de site à 15 M€ !