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Produits biosourcés : bien des défis à relever

Accompagnement. Quelque 700 congressistes ont participé à la 6e édition du Plan Based Summit, congrès majeur européen sur le développement des produits biosourcés, qui s’est tenu à Reims la semaine dernière (22-24 septembre). L’évolution de la chimie du végétal doit relever bien des défis, actuels et à venir.

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Les défis que doit relever la chimie du végétal ont été abordés pendant les trois jours du Plant Based Summit de Reims. JR

Parce que la terre (et les terriens !) consomme aujourd’hui plus d’énergie qu’elle n’en produit, le développement durable vise à apporter des solutions pour inverser la tendance. Les produits biosourcés, issus des plantes, doivent contribuer à améliorer la situation de la planète, notamment en diminuant les gaz à effet de serre. Un simple exemple, schématisé, bien sûr, mais explicite, que livre Olivier Choulet, Pdg d’Ecoat, entreprise spécialisée dans la biopeinture : « En peinture, un kilo de produit issu du pétrole émet deux kilos de CO2 ! Pour son équivalent biosourcé, c’est-à-dire d’origine végétale, l’émission de CO2 est quasiment nulle (tout en ayant une performance de haute qualité). »

Pour lutter contre le dérèglement climatique, contre la crise des matières premières (accentuée par l’effet Covid-19) ou les intérêts géopolitiques divergents entre l’Europe, l’Asie, les Etats-Unis, etc., les produits biosourcés ont bien des avantages : les plantes dont ils sont issus sont disponibles à proximité des lieux de production (peu de transport), les terres non utilisées doivent permettre de développer de nouvelles récoltes utilisées par une économie non délocalisable, et l’on peut y voir pour la France, riche de ces matières premières, une opportunité de revivification de son tissu industriel.

Bio-sourcing raisonné

Tout n’est cependant pas si simple… Biosourcer, oui, mais pas n’importe comment ! Il faut veiller à ne pas déséquilibrer la biodiversité, en exploitant les terres disponibles au détriment de cette dernière. Et notamment en ne pratiquant surtout pas la déforestation, qui aboutirait à ce déséquilibre. En outre, « produire », même à partir du végétal, suppose l’utilisation d’énergie, de co-produits, qui ne doivent pas être eux-mêmes source de gaz à effet de serre - sinon, quel intérêt ?

« Les entreprises financent la recherche et l’innovation. Elles collaborent avec les producteurs d’ingrédients comme avec les universitaires. »

Enfin, comme le souligne Pascal Métivier, vice-président exécutif chez Solvay, « tout dépend également de la façon dont on opère. Selon la ressource végétale utilisée et le lieu de culture, la production d’éthanol biosourcé sera éventuellement plus nocive à l’environnement que celui produit à base de pétrole ». D’où l’importance, pour les industriels, de prendre en compte la balance avantages/inconvénients pour ne pas aboutir à l’inverse de l’objectif recherché.

Prendre en compte les aspects sociétaux

Si l’on admet que l’élaboration de produit biosourcés vise à diminuer les impacts négatifs de toute production sur l’environnement, un autre défi est d’envisager que cette production puisse avoir des impacts positifs. Puisque l’on sait les effets néfastes de la pétrochimie, il importe de construite une industrie biosourcée qui soit vertueuses. Par impacts positifs, on entendra tout ce qui touche à l’environnement, bien sûr, mais également aux aspects sociétaux. La culture du blé pour l’industrie verte ne doit pas se faire au détriment de la culture du blé destiné à nourrir les populations, par exemple.

Pour Sandrine Milési, directrice recherche actifs pour le groupe Clarins, il faut créer des consensus sur les méthodes de production des produits biosourcés. JR

En ce sens, la bio-industrie doit prendre en considération ses impacts sur l’eau, le carbone, les humains… bref, sur la société dans son ensemble. « Les actifs nécessaires à un cosmétique représentent 2 à 3 % du produit, explique Sandrine Milési, directrice recherche actifs pour le groupe Clarins, et l’on sait faire des actifs écoconçus. L’enjeu porte désormais sur les 97 ou 98 % restant du produit ! » La prise en compte de facteurs divers, variés, multiples, l’alliance de métiers qui jusqu’à présent n’avaient pas de lien entre eux, c’est ce vers quoi tendent aujourd’hui les entreprises du secteur. « Les entreprises financent la recherche et l’innovation. Elles collaborent avec les producteurs d’ingrédients comme avec les universitaires. C’est indispensable pour créer des consensus sur les méthodes. »

S’il s’agit aujourd’hui de faire avec des produits naturels ce que l’on faisait jusqu’à présent avec du pétrole, à partir de molécules qui fourniront au moins un confort de vie identique sans affecter le confort de vie de demain, cela implique la prise en compte d’enjeux à la fois économiques, environnementaux et sociétaux. C’est bien ce à quoi doit désormais répondre la fabrication de produits biosourcés.