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Pour un foncier protégé et valorisé

Agriculture. La Safer a tenu son congrès début décembre. Nous avons évoqué avec le responsable régional, Stéphane Martin, les enjeux auxquels l’organisme est confronté.

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Photo de Stéphane Martin
Stéphane Martin : "Un des premiers défis de la Safer est de réussir le renouvellement des générations en agriculture" (Crédits : ND)

C’est une colère qui ne faiblit pas. Voilà plus d’un an maintenant que le monde agricole veut faire entendre sa voix, estimant qu’aujourd’hui, « 65 % des mesures annoncées ne sont toujours pas concrétisées dans les exploitations ! », souligne la FNSEA. C’est dans ce contexte explosif que la Safer a tenu son congrès à Versailles, début décembre. « La problématique principale est le maintien de la filière agricole sur notre territoire, une filière qui souffre, notamment dans l’élevage qui est le secteur le plus touché », indique Stéphane Martin, directeur général de la Safer Grand Est. Or, une des problématiques du monde agricole est celle de la disponibilité des terres et donc du foncier. « Cette année, nous avons une baisse de surface disponible, avec une baisse d’activité pour la Safer Grand Est de 3 % », précise Stéphane Martin.

Une baisse qui s’additionne en volume à celle des années précédentes, qui peut « signifier une rétention du foncier ». Dans le contexte actuel, beaucoup d’exploitants préfèrent en effet conserver leurs terres plutôt que de les vendre, même si elles ne sont pas exploitées, ces dernières étant considérées comme une forme d’investissement, au même titre que la pierre. « Le marché, avec des prix stables, mais des taux d’intérêts qui ont été fortement revus à la hausse, en passant de 1,5 à 5 %, expliquent aussi la baisse des transactions », explique Stéphane Martin. Il précise que 5 % de l’activité de la Safer est de préempter des terres, avec comme « volonté forte de maintenir les filières et de soutenir l’installation des jeunes. »

Le portage foncier comme solution

Pour que des jeunes puissent s’installer, la Safer a mis en place le portage de foncier. « L’objectif est de permettre à un agriculteur de s’installer sur des terres agricoles sans forcément acheter le foncier. On passe alors par des apporteurs de capitaux qui peuvent être des institutionnels, comme la Région Grand Est, avec laquelle nous avons signé une convention il y a deux ans, lors du Salon de l’Agriculture, à Paris. » La Région va ainsi prendre en charge les frais financiers de portage afin de permettre à la Safer de garder le foncier pendant un délai de deux ans, le temps de trouver un jeune qui puisse s’installer ou reprendre une exploitation.

« On a déjà réalisé deux opérations de ce type dans la Marne », fait savoir Stéphane Martin. La Safer s’attelle aussi à limiter la concentration des terres auprès d’une seule personne « morale ». « Avant la loi Sempastous, vous pouviez avoir une ferme sous forme sociétaire de 200 hectares et la transmettre à qui vous vouliez sans que la Safer puisse interagir. Cette loi a permis de freiner ces transmissions. La loi Sempastous n’est pas une loi contre les sociétés ou la transmission sociétaire, mais une loi contre la concentration des terres », précise Stéphane Martin. Néanmoins, la Safer déplore une baisse du turnover des terres, par le recours au démembrement de propriétés, la prestation de services ou encore la délégation intégrale de la ferme. « Aujourd’hui, on peut être agriculteur et ne faire aucun travail agricole, ce qui participe à la problématique de l’appauvrissement de la ruralité. » Car si aucune famille ne vient s’installer, ce sont des écoles, des commerces, des services en moins…

« Ce que l’on défend, c’est une agriculture pilotée par un actif qui vit de sa ferme et fait aussi, par la même occasion, vivre le territoire. Ce que l’on défend, ce sont les équilibres. Il faut à ce sujet bien définir ce qu’est « un actif agricole » et c’est aussi sur cela que nous interpellons les pouvoirs publics. » L’objectif affiché est donc non seulement de faire vivre la ruralité mais aussi de réguler le marché foncier. « La Loi Sempastous devait être intégrée dans une loi plus générale sur la transmission foncière, mais qui n’a jamais vu le jour. Aujourd’hui, c’est peut-être l’occasion de changer cela », insiste le Directeur général de la Safer Grand Est. Aujourd’hui, 33 % de l’activité de l’organisme provient des rétrocessions pour des ventes destinées à l’installation de jeunes agriculteurs.

« Il y a toujours une vocation des jeunes agriculteurs pour s’installer et qui sont passionnés mais avec, comme problématique, le manque de moyens financiers. » Acheter des bâtiments, effectuer des mises aux normes, investir dans du matériel performant… tout ceci coûte très cher. On estime que le coût d’une installation d’un agriculteur est en effet compris entre 500 000 et un million d’euros. « C’est pourquoi on défend si ardemment le portage foncier. » La Région peut être partenaire tout comme les investisseurs privés, avec possibilité de défiscaliser l’achat de terres agricoles pour y installer un jeune. Aujourd’hui, un tiers des nouvelles installations sont réalisées par des personnes n’appartenant pas au monde agricole.