« Nous avons besoin de visibilité »
Bâtiment. Selon le président du BTP 08, Samuel Deglaire, le secteur d’activité a perdu 408 emplois en quatre ans dans le département.
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« À moins d’un sursaut et comme en 2023 et 2024, l’exercice qui commence sera encore bien difficile ». Pour Samuel Deglaire, le président du BTP, cette situation est due à une conjugaison de plusieurs facteurs : un contexte politique national catastrophique, la technocratie, la sur-règlementation, la sur-administration et la fiscalité confiscatoire. Réunie en assemblée générale, la fédération départementale ardennaise milite pour que le Prêt à Taux Zéro soit élargi à tous les logements pour relancer la construction, les permis de construire étant en baisse de 30% en 2024.
Autre demande : le soutien à la rénovation énergétique. « Les grands penseurs de nos ministères rêvent de rénovations globales comme si la plupart de nos clients avaient la possibilité, en une année, de changer leur système de chauffage, d’isoler les combles et les rampants de toiture, de changer toutes les menuiseries extérieures et de moderniser leur VMC ! »
La situation du logement social n’est pas plus enviable, poursuit Samuel Deglaire : « Nous n’avons pas toujours des positions communes avec les bailleurs sociaux, loin de là, mais nous voyons bien que certains éprouvent des difficultés à boucler les budgets de leurs opérations. L’Etat ponctionnant chaque année les bailleurs sociaux à hauteur de 8,5 milliards d’euros, la possibilité d’investir dans la rénovation et la construction de logements diminue ».
Des Exemples Concrets
Autre sujet d’inquiétude pour le président ardennais : la baisse des marchés issus des collectivités locales, clients essentiels des entreprises du BTP. « Dans notre pays, construire une usine prend trois ans de plus qu’en Allemagne. En France, on réclame encore des attestations de TVA à taux réduit alors que nos voisins belges, par exemple, se contentent d’une mention sur les devis et factures ».
Et de poursuivre par une anaphore : « Concrètement, le prêt à taux zéro n’ayant pas été élargi, les jeunes ménages ardennais qui veulent faire construire ne le peuvent pas. Concrètement, les bailleurs sociaux n’ayant pas vu les conditions de financement de leurs opérations s’améliorer, tous les dossiers d’agrément HLM, c’est-à- dire nos chantiers de demain, sont bloqués.
Concrètement encore, MaPrimeRenov’ est à l’arrêt. Un dossier non validé au 31 décembre dernier ne peut pas être payé et même si la situation sera bientôt débloquée juridiquement, on va droit vers un engorgement dans les traitements de dossiers.
Concrètement, de nombreux maires ont repoussé à 2026 ou 2027 certains investissements puisqu’au moment de faire leurs choix budgétaires, ils ne savaient pas si le futur Gouvernement allait maintenir les 5 milliards d’efforts imposés par le Gouvernement Barnier ».
Dans ce contexte morose, les dix Présidents de Fédérations départementales du Bâtiment Grand Est et leur président régional, Daniel Cerutti, ont adopté un discours beaucoup plus ferme devant le nouveau Préfet de Région. « Dans une réunion habituellement consensuelle et feutrée, nous avons fermement insisté sur l’emploi ».
En l’espace de quatre ans, le BTP ardennais a perdu 11,3% de ses effectifs, soit 408 emplois, dont 143 rien qu’en 2024. « C’est comme si les entreprises Ferracin, Gabella, Picard, APE, Cophignon, Poncin ou Jacquemard avait disparu ».
Des Mesures De Souplesse
« La situation est donc très critique et nous avons besoin de visibilité. Le fossé n’a jamais été aussi grand entre le camp des entreprises, qui créent des emplois et de la richesse et ceux qui préfèrent leurs intérêts politiciens en ne comprenant pas qu’un pays sans budget, ce sont des répercussions concrètes sur le terrain ».
Samuel Deglaire regrette d’ailleurs que les pouvoirs publics se soient empressés de corriger la seule mesure positive qui émergeait de la censure, à savoir le maintien de la TVA à 5,5% sur les chaudières gaz très performantes.
La profession tend par ailleurs, le dos concernant de nombreuses dispositions appelées à impacter les entreprises. Comme le financement de l’apprentissage, la remise en cause possible de la réforme des retraites et la révision des critères de « l’usure professionnelle ».
« Il n’est pas question que les entreprises de BTP soient les victimes collatérales d’un grand marchandage entre partis politiques ».
Devant ses adhérents, le président s’est tout de même félicité de « quelques rares éclairs de lucidité des pouvoirs publics », à l’image du maintien à 100 000€ HT du seuil de passation des marchés sans publicité ni mise en concurrence, l’application des clauses de variation de prix à tous les maîtres d’ouvrage soumis au Code de la Commande Publique ou le fait que les avances ne soient pas nécessairement remboursées quand le marché atteint 80%. « Ce sont des mesures qui donnent de la souplesse », souligne Samuel Deglaire sur une note positive, encourageant ses collègues à se saisir de l’Intelligence Artificielle. « Les entreprises qui l’utiliseront vont travailler plus vite, plus efficacement, gagner en compétitivité et prendront les marchés de ceux qui n’auront pas quitté leur crayon et leur feuille de papier ».