Mourmelon, vitrine de la mutation énergétique de l’Armée
Énergie. Pour mener à bien la transformation énergétique du camp bâti de Mourmelon-le-Grand (Marne), le ministère des Armées a engagé un ambitieux plan d’action concrétisé en 2022 par un Contrat de Performance Energétique (CPE) d’un montant global de 86 M€ portant sur une durée de 20 ans. Explications.

« Il s’agit du plus grand Contrat de Performance Energétique de Métropole ». Pour l’Ingénieur Général de 2e classe Francis Contamin, directeur du Service d’Infrastructure de la Défense (SID) Nord-Est, réaliser un CPE sur le site de Mourmelon relevait presque de l’évidence. En effet, si l’Armée commence à avoir l’habitude de mettre en oeuvre des CPE, ceux-ci présentent des degrés de complexité variables.
« Le Service d’Infrastructure de la Défense fait des CPE depuis 2011 pour réduire les factures d’énergie des sites du ministère de la Défense. La stratégie ministérielle de performance énergétique prévoit de réaliser deux CPE par an. Nous avions fait des études sur l’ensemble de notre parc et il s’avère que le site de Mourmelon n’était pas très bien classé ». Complexe et technique, le projet marnais a ainsi pu bénéficier de l’expérience et de l’antériorité des autres CPE pour assurer la transformation énergétique du camp bâti. Avec des résultats probants, puisque outre une baisse de 44% de la consommation d’énergie, les nouveaux équipements assurent un usage de près de 80% d’énergies renouvelables et une réduction des gaz à effet de serre de l’ordre de 86%.
« On note aussi un confort amélioré pour nos militaires, qui seront mieux chauffés », souligne Francis Contamin. « Il ne s’agit pas d’un luxe mais du confort minimal que nous devons apporter à nos soldats dans le cadre de leur préparation ». Un enjeu considérable pour un camp qui accueille en moyenne 4 000 personnes par jour dont plus de 3 000 permanents.
Quatre Chaudières
Côté technique, le CPE de Mourmelon est axé autour d’un vaste réseau de chaleur décarboné, dont la réalisation et l’entretien ont été attribués à un groupement d’entreprises composé de GMT Hallé, Sotram et Sogea Environnement (filiales de Vinci Construction), d’ENGIE Solutions, de S2T Ingénierie (études techniques), Moon Safari et Accord&archi (architecture). La pièce maîtresse de ce programme est sans conteste la chaufferie. Elle est composée de deux chaudières biomasse d’une puissance totale de 5,8 MW et de deux chaudières gaz d’une puissance totale de 9 MW. « La chaufferie biomasse est dimensionnée pour assurer 80% de la chaleur nécessaire au camp, les chaudières gaz, alimentées au gaz naturel liquéfié servent quant à elles de complément ou de chaudières de secours », précise Sylvain Geeraerts, responsable du département d’exploitation ENGIE Solutions.
Des chaufferies qui alimentent près de 200 bâtiments en chauffage et eau chaude sanitaire. « La période de chauffe sur le camp est comprise entre le 15 octobre et le 15 avril, mais la chaufferie assure l’alimentation de la piscine et du réseau d’eau chaude sanitaire du camp toute l’année », poursuit Sylvain Geeraerts.
Chaque jour, quatre camions déversent 25 tonnes chacun de plaquettes forestières et de bois de recyclage (palettes) collectés dans un rayon de moins de 100 km autour de Mourmelon dans des fosses dédiées, avant d’alimenter les chaudières. La chaleur obtenue est alors envoyée dans un réseau de près de 17 kilomètres vers 158 sous-stations réparties dans l’ensemble du camp. Les cendres issues de la combustion du bois, riches en potasse, magnésium et chaux, sont quant à elles revalorisées avec le concours d’agriculteurs locaux qui les utilisent en épandage.
La quarantaine de chaufferies fonctionnant au fuel ont été supprimées et remplacées par une extension du réseau ou par une des 12 chaufferies au propane.
Depuis octobre 2024, date de sa mise en service, une équipe de quatre techniciens assure le bon fonctionnement du dispositif au quotidien. Lancé par la ministre des Armées Florence Parly en novembre 2021 pour un montant de 86 M€ sur une période de 20 ans (comprenant le fonctionnement, l’entretien et la maintenance notamment), le CPE est financé à hauteur de 40 M€ par le Plan de relance. Il inclut, outre les travaux de la chaufferie et du réseau, de nombreux travaux complémentaires destinés à optimiser l’efficacité énergétique. Des travaux et des actions de performance énergétique ont été effectués sur l’ensemble des 187 bâtiments du camp, soit sur une surface de 188 000 m2.
Travail Local Et Insertion

Menés par Sotram et GMT Hallé, les travaux d’isolation thermique des bâtiments, de construction de la nouvelle chaufferie et de réhabilitation des sous-stations ont été réalisés par une vingtaine de sous-traitants intervenants dans de nombreux corps de métiers : charpente métallique, étanchéité, bardage, portes, dallage, désamiantage, démolition, VRD, isolation par l’extérieur... Des entreprises en grande partie présentes sur le territoire, comme le souligne Jean-Christophe Caulot, directeur des travaux Sotram et responsable du groupement CPE pendant les travaux : « Sur les 20 entreprises qui sont intervenues sur le chantier, 16 sont marnaises, trois auboises et une originaire de Lorraine ».
Un ancrage local revendiqué, qui trouve aussi un écho dans la réalisation des clauses d’insertion prévues dans le contrat. « Nous avons 38 000 heures à effectuer sur l’ensemble de la durée du contrat, nous en avons déjà réalisé 32 000. Notre objectif c’est que ces contrats d’insertion soient pérennes et se traduisent par des embauches dans les entreprises. C’est le cas puisque plusieurs personnes ont déjà été recrutées par nos sous-traitants depuis le début du CPE et d’autres sont en bonne voie ». Près d’un tiers des bâtiments ont d’ailleurs fait l’objet de travaux d’isolation par l’extérieur pour compléter l’efficacité énergétique du réseau.
Qu’ils aient été rénovés ou pas, tous les bâtiments sont suivis de très près par l’équipe d’ENGIE Solutions grâce à un système informatique lui permettant de veiller à la fois sur l’état de la chaufferie et sur la qualité du réseau de chaleur sur l’ensemble du camp. « Nous avons changé 5 000 thermostatiques pour pouvoir surveiller les températures à tout moment dans tous les bâtiments », explique Sylvain Geeraerts.
Dans le Grand Est, terre militaire, le ministère de la Défense poursuit sa politique de décarbonation et d’économies d’énergie. Un CPE est ainsi en cours sur le camp de Sissonne (Aisne), et un autre devrait voir le jour à Suippes (Marne) dans le cadre de la Loi de programmation militaire actuelle, les appels d’offres ayant été lancés, les dossiers sont actuellement à l’étude. Dans le Grand Est, les camps de Nancy et de Bitche vont eux aussi prochainement faire l’objet d’un CPE.