Les travaux publics affirment leur savoir-faire en phase avec la transition écologique
Travaux publics. L’écomoderniste Luc Ferry avait donné le ton, la transition écologique peut et doit être intelligente, l’Assemblée générale de la Fédération Régionale des Travaux Publics Grand Est ne l’a pas démenti. Le métier sait construire propre.
Citant les conclusions du dernier rapport du GIEC de mars 2023 : « La hausse de la température globale s’est encore accentuée, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter et la vulnérabilité des écosystèmes et des populations s’accroît », en ouverture de l’Assemblée générale de la Fédération Régionale des Travaux Publics Grand Est, le Président Hervé Noël a affirmé l’engagement de sa fédération : « Il est urgent d’agir. Le secteur des travaux publics a pris le parti de s’engager pleinement dans cette direction. En 2021, la Fédération a lancé une démarche inédite à l’échelle d’un secteur d’activité en France, visant à caractériser précisément son empreinte carbone. »
Face à un constat incontournable, l’acte de construire des infrastructures représente en France, précise Hervé Noël, 3,5% des émissions annuelles de CO2. Les principaux postes émetteurs de l’activité des travaux publics étant la fourniture des matières premières pour 50%, les transports des matériaux pour 30%. Les engagements de la Fédération des TP portent aujourd’hui sur l’usage massif des carburants alternatifs : l’électricité pour les petits engins et les biocarburants pour les plus gros engins.
Autre constat de l’étude de la Fédération : 50% des émissions de CO2 en France sont dues aux usages des infrastructures. Pour atteindre l’objectif national de neutralité carbone, l’effort additionnel de financement va de 16 à 30 milliards d’euros et passe par une meilleure maintenance des infrastructures, la facilitation des déplacements bas carbone, la restauration des milieux naturels et des friches, la désimperméabilisation des sols et la résilience des territoires face aux aléas climatiques.
L’écomodernisme de Luc Ferry
Venu évoquer le « Comment concilier la transition écologique avec les enjeux économiques ? », Luc Ferry, comme à son habitude, n’a évité aucune aspérité induite par le sujet. L’ancien Ministre de la Jeunesse, de l’Education Nationale et de la Recherche (2002-2004), professeur de philosophie et de sciences politiques et auteur de deux essais sur le sujet, « Le Nouvel ordre écologique » et « Les Sept écologies, pour une alternative au catastrophisme antimoderne », a l’habitude, quitte à modérer plus tard, d’appeler un chat un chat.
Petits cailloux d’une demi-heure de bonheur sur la route bien asphaltée de l’intelligence partagée : « La vraie question de l’écologie ? Comment les humains vont-ils s’organiser après une catastrophe annoncée de 4 milliards d’humains en moins ? La décroissance est invendable… Les villes sont mal organisées… Il faut découpler les activités humaines… La croissance infinie, c’est aller vers zéro déchet… On peut faire du profit avec de l’écologie intelligente… La surpopulation est un mensonge… La planète est vide… Demain, avec une dénatalité largement en cours, de huit à sept ou six milliards d’humains… Le problème majeur est le vieillissement de la population… Opposer l’intelligence à la culpabilité… La Cop 28 ne va pas changer le monde… L’écomodernisme est une bonne idée pour l’avenir… Aux politiques de fixer le cap… »
Et bien d’autres réflexions d’un Luc Ferry iconoclaste jusqu’au bout qui préfère le circulaire recyclable au linéaire jetable, avant de trancher au final : « Le développement durable c’est de la daube… La croissance verte c’est de la croissance molle ». Belle savonnette pour la suite du programme.
La place des infrastructures dans la planification écologique
Dans un débat instructif qui abordait la décarbonation des infrastructures, l’impact du changement climatique sur les infrastructures, l’objectif du ZAN, Zéro Artificialisation Nette, le développement des énergies renouvelables et les besoins associés en infrastructures et enfin la ressource en eau, enjeu suprême du XXIe siècle, le public nombreux a échappé aux leçons ou aux invectives des intervenants. Au grand plaisir de Luc Ferry, devenu auditeur attentif, c’est l’information et la mesure dans les prises de parole qui l’ont emporté.
Henri Prévost, Préfet de la Marne, évoque les enjeux des travaux publics et leur capacité à s’adapter à un modèle de construction en mutation, avec intelligence, technicité et valeur ajoutée, avant d’exprimer la nécessité du ZAN, sans dogmatisme : « Réapproprier une friche a plus de valeur que construire dans un champ » et l’adaptation de ce dispositif législatif aux petites communes.
Avec Béatrice Moreau, Vice-présidente du Grand Est, le public découvre la Cop, Conférence des Parties, territoriale, déclinaison de la stratégie nationale, avec une consultation en cours à l’échelon régionale « Ma Région demain » sur se loger, travailler, se déplacer, mieux vivre … Et une mise en place de la planification Cop Grand Est au premier semestre 2024. Sur les énergies renouvelables, Béatrice Moreau se montre enthousiaste : « Faisons tout ce que l’on peut faire sur nos toitures en matière d’agrivoltaïsme… Nous allons multiplier par trois la production d’énergies renouvelables dans le Grand Est ».
Le présent est électrique et le futur encore plus. Directeur d’Enedis Champagne-Ardenne, Olivier de la Chapelle ne cache pas sa fierté : l’Aube, les Ardennes et la Haute-Marne sont des départements à énergie positive, la Champagne-Ardenne est quasiment exportatrice. Les réseaux sont saturés et le problème est l’installation de plus de postes sources, interfaces entre la production et la distribution. L’euphorie s’installe dans le débat : « Je représente un service public heureux… Le véhicule électrique ? Le bonheur dans quinze ans ! Avec des batteries de la taille d’un téléphone portable… Le nucléaire ? Il va falloir rattraper le retard. »
Anne Desveronnières, Maire de Pomacle et Vice-présidente de la Communauté Urbaine du Grand Reims, admet à propos du ZAN la nécessité d’une certaine « créativité juridique » dans les contrats. Et, sans faire dans la dentelle, l’élue du Grand Reims lance : « Il faut garder à l’esprit que densifier vaux mieux qu’étaler », avant son message aux travaux publics : « On a besoin d’informations… Vos innovations nous servent » Bref, parlons-nous !
Le savoir-faire des travaux publics
Pour Alain Grizaud, Président de la Fédération Nationale des Travaux Publics, outre les nouvelles priorités, les chantiers avec les collectivités répondent aujourd’hui aux exigences écologiques. Ce qui bloque les chantiers ? Les normes parfois mal perçues. Et d’abord le ZAN. Une aberration ! Avec ce constat : « On peut réutiliser les friches comme on peut aménager sans imperméabiliser… On est en train de verticaliser les villes quand la population attend plus d’air. « Construire, maintenir, entretenir, nous savons faire… Anticiper, nous le faisons au quotidien depuis longtemps, c’est notre travail. » Alors ? Pour Alain Grizaud, la réponse est politique. Sans surprise.