Les régionaux abordent 2025 avec volontarisme
Perspectives. Qu’attendre de l’année 2025, au regard d’un deuxième semestre 2024 marqué par l’attentisme et les incertitudes politiques et géopolitiques ? Eléments de réponses avec les représentants de l’artisanat, de l’industrie, de la Finance, de l’immobilier, du BTP et du Champagne.
Dans le domaine financier, « tout est aujourd’hui contraint par l’attentisme et l’incertitude », observe Catherine Karyotis, professeur de Finance, Responsable académique de la formation continue de Neoma Business School. Une incertitude qui pèse à la fois tant sur le plan européen et international qu’au niveau hexagonal. « Les résultats des récentes élections aux Etats-Unis pourraient avoir des conséquences dramatiques pour l’Europe comme pour le reste du monde si Donald Trump appliquait les droits de Douane qu’il a annoncés. Cela impliquerait notamment une baisse des importations des Etats-Unis, aux conséquences directes sur nos produits dont le Champagne ». Au niveau européen, les crises politiques dans lesquelles sont engluées la France comme l’Allemagne, les deux locomotives historiques de l’Union Européenne, risquent également de peser sur le climat de l’année 2025. « Dans leur situation actuelle, l’Allemagne et la France ne sont plus vraiment en mesure de tirer l’Europe vers le haut », poursuit Catherine Karyotis. Au plan mondial, l’une des inquiétudes majeures des économistes serait que l’Europe occupe un rôle secondaire et soit reléguée loin derrière les Etats-Unis et la Chine, cette dernière ayant mis un coup d’accélérateur par exemple au niveau des véhicules électriques. Pour relever ces défis, Catherine Karyotis avance la nécessité de mettre en place une véritable politique structurelle de réindustrialisation de l’Europe et de la France. « Nous avons perdu notre souveraineté industrielle. Nous devons la récupérer et cela devra se faire dans le cadre d’une transition écologique, grâce à une réindustrialisation décarbonée », souligne-t-elle. Revalorisation de certains métiers, révision de certaines filières de formation, facilités fiscales conditionnées, facilités de financements, développement et/ou encouragement des innovations… les idées ne manquent pas. « Il convient de se mettre tous ensemble : Etat, collectivités territoriales, entreprises, écoles et universités, etc. pour faire valoir nos savoir-faire au service de la souveraineté industrielle de la France. Et cela passe par nos territoires ! ».
Et à l’heure où l’épargne des Français n’a jamais été aussi élevée, on peut aussi imaginer pouvoir utiliser celle-ci pour l’injecter dans l’économie réelle. « Il faudrait pouvoir flécher cette épargne - sans green- washing… - afin de bel et bien l’orienter vers les enjeux de la réindustrialisation décarbonée, en s’assurant évidemment en permanence que ces fonds lui soient consacrés ».
L’industrie fait le dos rond
L’idée de mettre l’épargne au service de l’économie locale, Christian Brethon l’avait également avancée au sortir du Covid. Le président de l’UIMM Grand Est, qui avait en effet suggéré que l’épargne puisse être utilisée et être réinjectée en haut de bilan pour accompagner les entreprises locales, notamment lorsqu’elles rencontrent des besoins en fonds de roulement. Si elle n’a toujours pas été mise en oeuvre, elle aurait peut-être pu soutenir certaines structures qui aujourd’hui font face à une situation dégradée. « À l’heure actuelle, le climat d’affaires est négatif avec des carnets de commandes qui sont complètement à sec », observe-t-il, se disant à la fois « inquiet et sceptique quant aux mois à venir ». Au niveau local en particulier, le ralentissement du marché du Champagne a mis un coup d’arrêt à de nombreux projets d’investissements industriels.
Alors que l’élan était plutôt bon depuis la sortie du Covid, un fort ralentissement a été enregistré dès le milieu de l’année 2024. « Le bilan 2024 ne sera pas si mauvais que ça car porté par un début d’année correct mais aujourd’hui, l’investissement industriel est revenu au niveau de celui de 2001 », souligne Christian Brethon. « Il n’y a plus d’investissement et en raison du manque de visibilité des décisions politiques, on ne sait pas où on va. Il y a un certain immobilisme, avec, en outre, la crainte que l’on fasse encore payer les entreprises ». Dans ces conditions, les patrons de l’industrie redoutent une nouvelle perte de compétitivité qui entraînerait une vague de délocalisations, notamment au niveau de la sous-traitance. Avec des niveaux de trésorerie enregistrés au plus bas dans les entreprises, l’industrie fait aujourd’hui le dos rond. « Le mot d’ordre c’est de se mettre en mode dégradé et de protéger sa trésorerie », note Christian Brethon, particulièrement inquiet pour les PME et ETI fragilisées. D’autant que la pyramide des âges et le besoin de montée en gamme impliquent une nécessité de recruter alors que dans le même temps l’activité est en berne. Un effet ciseau redouté, qui pourrait être atténué grâce à certaines mesures telles qu’une véritable politique ambitieuse de réindustrialisation, des baisses de charges notamment sur les salaires d’ingénieurs ou la lutte contre la surenchère administrative qui freine les implantations comme les investissements dans l’Hexagone.
Champagne : continuer à investir
Les incertitudes, le secteur du Champagne les observe également. Après les baisses des expéditions observées en 2023 et 2024, la filière sait que l’année 2025 sera celle de la vigilance. « Que ce soit la conjoncture économique, la politique en France et aux Etats-Unis, la géopolitique, avec les conflits en Ukraine et au Proche-Orient, nous sommes très dépendants de tous ces éléments, le champagne étant un baromètre du moral des populations », observe David Chatillon, le président de l’Union des Maisons de Champagne. Et face à ces incertitudes, la filière affirme « garder le cap » en poursuivant collectivement sa feuille de route éditée fin 2022. « Nous continuons d’investir pour relever les défis de l’avenir », assure le co-président du Comité Champagne. Formation, protection, qualité, production, valorisation, défis climatiques, les projets sont lancés, à l’image de QANOPEE, la serre de prémultiplication de matériel végétal destinée à sécuriser la production de plants de vigne pour les vignobles du Beaujolais, Bourgogne, Champagne, qui devrait être mise en service au printemps de cette année. « La poursuite de ces investissements est une marque de confiance des professionnels dans l’avenir et dans notre organisation », poursuit David Chatillon. « Nous sommes conscients de l’importance des efforts demandés aux professionnels, mais ils sont le signe que, y compris dans les périodes les plus incertaines, la Champagne continue d’investir. C’est dans ces moments que la Champagne marque des points et fait la différence. C’est justement le moment de persévérer, nous continuons à tracer notre sillon ». Une volonté d’avancer qui n’empêche pas les Champenois d’observer avec beaucoup d’attention le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Si les annonces répétées de sa volonté d’augmenter les droits de Douanes pour les produits entrant aux Etats-Unis peuvent inquiéter, les producteurs savent – tout comme le président réélu et les opérateurs américains - que ces augmentations pénaliseraient aussi le business des entreprises outre-Atlantique et que le bilan de son premier mandat avait été économiquement positif pour les affaires sur le sol américain. « Nous suivons avec beaucoup d’attention les évolutions et nous faisons valoir nos arguments des deux côtés de l’Atlantique, pour souligner que des droits de Douanes supplémentaires sur les vins et spiritueux auraient aussi pour conséquence de détruire le business aux Etats-Unis ».
Immobilier : une embellie bienvenue
« En ce début 2025, on retrouve un peu du baume au coeur avec des voyants au vert », indique Jérôme Broglé, président de la Fnaim Grand Est. Il faut dire que l’année 2024 n’avait pas épargné le palpitant des agents immobilier tellement elle fut en dents de scie. « En mars nous avions connu un épiphénomène avec un marché qui redémarrait, mais qui s’est essoufflé aussitôt l’assemblée dissoute », raconte Jérôme Broglé, qui n’a « jamais connu une telle situation en 20 ans ». Après un été « calme », le marché a cependant redémarré en octobre. « La continuité de la baisse des taux a donné un regain au marché. » Les discours plus positifs de la Banque de France puis des vendeurs qui eux-aussi remettent leur bien sur le marché ont contribué à une reprise de l’activité qui semble se confirmer début janvier. « Nous avons eu une semaine de début d’année très intense, aussi bien au niveau des vendeurs que des acheteurs. » Autre paramètre, « les vendeurs ont appliqué un correctif sur les prix », reconnait Jérôme Broglé qui précise que le Grand Est n’a pas non plus connu l’explosion des prix comme d’autres régions, même si, ils ont augmenté comme partout sur le territoire. « L’atterrissage a été plus évident, renforcé par les obligations de mises aux normes énergétiques qui permettent aussi la négociation des biens. » Seule ombre au tableau, celle de la construction neuve. « On ne vend pas de terrain », tranche le président de la Fnaim Grand Est, appelant à une poursuite du PTZ. Plus serein donc et plus positif, le secteur immobilier reste néanmoins sur ses gardes « sans faire preuve d’angélisme ».