Les entreprises francophones réunies à Villers-Cotterêts
International. Le GPF (Groupement du Patronat Francophone) organisait le 5e forum international des entreprises francophones à Villers-Cotterêts, dans le cadre prestigieux de la Cité internationale de la Langue française. Plus de 500 acteurs économiques d’Afrique, du Moyen Orient, d’Asie et d’Europe sont venus débattre des échanges Sud/Sud et Nord/Sud.
« Dans le monde de l’économie mais aussi de la culture, les Francophones aiment le français, cette langue vivante qu’il appartient à chacun d’utiliser, tant elle se nourrit de tous les échanges et apports », déclarait en préambule Paul Rondin, le directeur de la Cité internationale de la Langue française, inaugurée en octobre 2023 et voulue par le Président de la République et où se tenait le 5e Forum international des entreprises francophones.
Car la Francophonie ne doit pas être un vain mot. Pour les acteurs présents, elle est bel et bien un levier concret du développement des affaires. Le rôle de la France à l’étranger, son « influence », ses échanges ont décliné avec le temps. En cause, l’histoire troublée des relations entre le pays et le continent africain.
La paix économique indispensable à la coopération
C’est pourquoi, le concept de paix économique a largement été abordé dans les conférences de la journée, notamment par la voix de Dominique Steiler, professeur à l’École de management de Grenoble, Titulaire de la Chaire UNESCO pour une culture de paix économique et ancien pilote de chasse dans la Marine nationale. « Si le profit est nécessaire, le but de l’entreprise est de s’inscrire dans la cité, de renforcer le tissu social et de contribuer au bien commun. C’est ça son objet. Comment peut-on réinstaurer un tissu économique qui remet l’économie dans le vivant ? C’est ça le travail de la paix économique », explique-t-il.
« Le monde économique maîtrise tout : le monde politique, le monde sportif, celui des arts… Tout est sous emprise de cette dimension économique et on en a besoin. Mais il faut redonner sa place à une économie qui offre à chacun la possibilité, non pas d’être en haut de la pyramide mais de s’exprimer pour la communauté. C’est cela que l’on travaille à la Chaire UNESCO. » Au sein de cette chaire est ainsi développé le projet « Apprendre d’ailleurs. » « C’est-à-dire comment fait-on pour créer des espaces de partage dans lequel chacun va pouvoir apprendre de l’autre pour nous amener vers la coopération. »
30% des exportations françaises proviennent de produits importés
La coopération… ce mot que l’on aurait pu accrocher aux côtés des grandes lettres dorées trônant dans le hall de la Cité internationale, tant il était présent lors de ce forum. Patrick Baruel, Président de la Commission France Conseillers du Commerce extérieur de la France expliquait ainsi son activité : « Nous faisons remonter des informations sur les aspects économiques de chaque pays où nous sommes présents, sur les 5 continents, dont l’Afrique et l’Asie. Nous nous intéressons aux secteurs en fort développement comme les nouvelles technologies, l’énergie renouvelable ou encore les industries. »
Or, pour créer des échanges, il faut des relais sur place, un autre rôle des CCE. « Nous aidons les entreprises françaises à exporter. Nous aidons les entreprises à se développer dans les pays francophones. On les soutient dans leur stratégie mais aussi dans la formation, pour sensibiliser les jeunes aux métiers de l’international : marketing, logistique, finance… » Un accompagnement des entreprises françaises à l’étranger mais aussi des entreprises en France. « Nous sommes aussi là pour aider les entreprises étrangères à invertir en France. Aujourd’hui, on a beaucoup de start-up, de TPE et de PME qui sont dans les pays francophones, c’est un gros avantage pour venir s’implanter ou commercer en France.Il faut savoir que quand une entreprise vient créer une filiale en France, ce sont des centaines d’emplois créés ici et en Afrique et que 30 % de la valeur des exportations françaises provient de produits importés », insiste Patrick Baruel.
Le Gabon, territoire de nombreuses entreprises françaises
Une francophonie économique à laquelle œuvre le Gabon notamment, où de nombreuses grandes entreprises françaises sont présentes (TotalEnergies, Eramet, groupe minier, Meridiam, fonds d’investissement mais également Air Liquide, CMA CGM, Colas et Rougier) et qui représente 14 000 emplois pour 3,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
« Nous sommes dans une phase de transition (le pays connaît un changement de pouvoir, ndlr.), les autorités sont très sensibles au sujet de la francophonie, et la volonté est de restaurer un ministère de la planification et de la prospective qui avait disparu depuis 14 ans au Gabon. Nous avons dénombré 320 projets pour un coût de 6 milliards d’euros, en priorisant des projets en direction du développement des énergies renouvelables et de l’industrie mais aussi à destination de la jeunesse, qui, en Afrique, représente 70% de la population », rappelle Vulcain Andzembe, commissaire au Plan depuis février 2024. « C’est un nouveau cycle de développement pour le pays qui doit aussi se faire avec la francophonie. Le nouveau gouvernement a émis la volonté de mettre en place des pôles de souveraineté économique, en matière énergétique, politique et environnementale. »
Une souveraineté qui se fait donc en collaboration avec des ETI, représentées pour beaucoup par l’Alliance des Patronats Francophones. « Nous initions de nombreuses actions en fédérant les organisations de 35 pays francophones et en mettant en relation les milieux d’affaires », indique Alexandre Planelles, Directeur général de l’Alliance des Patronats Francophones. « L’idée est de créer des ponts, notamment Sud/Sud pour favoriser ces échanges économiques et des flux d’affaires dans des milieux qui ne se connaissent pas forcément. C’est pourquoi nous structurons actuellement le réseau avec un fort axe B to B. On est très actifs sur des sujets comme la mobilité, pour que les entrepreneurs puissent se rencontrer, faire des partenariats, signer des contrats. »
Quelle place pour la France ?
Tarak Cherif est un homme d’affaires tunisien. Il est à la tête du groupe immobilier Alliance et, en 2011, il fonde le syndicat patronal, la Confédération des entreprises citoyennes de Tunisie (CONECT), qu’il préside. « Il faudrait accentuer la présence de l’enseignement privé et pas forcément passer uniquement par le public », estime-t-il. Surtout, ce dernier juge que la place de la France en Afrique est en déclin. « Beaucoup de pays commencent à damer le pion à la France car cette dernière continue de traiter un certain nombre de pays africain en marchés. Alors que ces pays veulent passer à une échelle supérieure et s’industrialiser. D’autres pays viennent donc mettre des moyens pour développer ces industries. Mais pas la France, qui n’investit plus assez », constate-t-il, rappelant la force de la jeunesse dans les pays africain. « Il faut des usines et des industries pour les faire travailler. »
Tarak Cherif rappelle que la France avait mis en place des « facilités de crédits, les crédits Bérégovoy (du nom du 1er ministre 1992-1993), dont le but était de faciliter les investissements français à l’étranger. C’est-à-dire que si on met les crédits nécessaires, il y a les partenariats qui se créent derrière, c’est du gagnant-gagnant. L’important est de créer de la valeur pour donner du travail à la jeunesse ». Déplorant que l’Europe importe une grande partie de ses biens d’Asie, le président de la Confédération des entreprises citoyennes appelle les pays européens dont la France à se tourner davantage vers l’Afrique.
Accompagner les entreprises, les reprises d’entreprises ou les porteurs de projets est ainsi une des missions du fonds d’impulsion de garantie et d’accompagnement des entrepreneurs des TPE et PME (FIGA) du Congo. « Nous les accompagnons par le biais de la garantie pour leur permettre de bénéficier des services financiers des banques pas toujours ouvertes à couvrir des entreprises qui débutent. Aussi, nous soutenons les entreprises après leur financement dans leur parcours », souligne Brice Makaya Kokolo, Directeur Général Adjoint du FIGA insistant sur trois chiffres : « 17,5%, c’est le chiffre de la population francophone au monde, 16% c’est le PIB francophone au niveau mondial et 20% c’est le pourcentage des échanges entre les pays francophones. Or, aujourd’hui, avec un marché vaste comme celui de la francophonie, n’est pas encore au niveau attendu par les entrepreneurs africains. Le message est donc : nous sommes là ! »
Le rôle des banques, on l’a compris, est incontournable. Ainsi, des programmes spécifiques à la coopération entre les entreprises francophones sont mis en place. « JPG Consulting Partners est une société spécialisée dans le conseil et l’accompagnement des banques mais aussi des institutions sur le sujet des risques, à la fois dans l’aspect quantitatif, méthodologique et organisationnel. Pour œuvrer à la francophonie économique, nous développons des solutions pour les banques qui vont répondre en même temps aux standards internationaux mais également aux standards africains. Car l’approche du risque n’est pas la même en Europe et en Afrique, ce qui débouche malheureusement au départ de certaines banques internationales du continent africain », déplore Junior M’Buyi, à la tête du département de risque chez JPG Consulting Partners. Car si on ne devait retenir qu’un seul chiffre, c’est celui-ci : L’espace économique francophone représente 58 milliards d’euros d’investissement en Afrique, avec plus de 5 000 emplois créés par les entreprises francophones en 2023.