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Les énergiculteurs, modèles de la diversification agricole

Énergie. Face aux enjeux de transition énergétique mais aussi au besoin de compléter des revenus conditionnés aux aléas météorologiques, les agriculteurs se tournent aujourd’hui vers la production d’énergie renouvelable : méthanisation et agrivoltaïsme en tête.

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Photo des intervenants des tables rondes
Les intervenants des tables rondes ont expliqué le concept d’énergiculteurs. (Crédit : Crédit agricole)

Opérer une transition vers une énergie bas carbone n’est pas chose aisée. Or, atteindre les exigences fixées aussi bien par la France que par l’Union européenne ne se fera pas sans le monde agricole, tant ce dernier dispose des ressources nécessaires à cette transformation des usages. La biomasse tout d’abord. Les départements de la Champagne-Ardenne misent beaucoup sur la méthanisation. Le Crédit Agricole du Nord Est qui organisait une conférence à ce sujet indique soutenir très fortement le développement des nouvelles énergies. Ainsi, 85% des 110 unités de méthanisation que comptent la Marne, l’Aisne et les Ardennes ont été accompagnées par les services de la banque de 9 agriculteurs sur 10, ces installations nécessitant des financements adaptés.

« Dès 2005, le Crédit Agricole était précurseur grâce aux agriculteurs eux-mêmes. Cela nous a permis de nous structurer, avec trois piliers : une expertise importante, des outils d’analyses spécifiques et une technique de financements adaptés », indique François Istasse, Responsable transition énergétique au Crédit Agricole. Ces 93 unités de méthanisation sont réparties pour 55% en injection (livrer la totalité du biométhane, biogaz épuré, dans le réseau de gaz naturel) et 45% en cogénération (utilise le biogaz dans un moteur, le cogénérateur, pour produire de l’électricité et de la chaleur). Le type de valorisation du gaz est habituellement décidé lors des premières étapes de conception du projet. « En effet, injection et cogénération n’ont pas toujours la même rentabilité ni les mêmes caractéristiques techniques. Et les subventions accordées peuvent varier d’une méthode à l’autre », souligne Denis Mecrin, Chef de projet régional Biométhane chez GRDF.

Des objectifs ambitieux

L’ensemble des projets permet la production de 1,4 térawattheure (TWh). 80% de cette production vient de la méthanisation (73% de l’injection et 7% de la cogénération). Le reste vient du photovoltaïque et de l’éolien. « En termes de consommation, c’est l’équivalent de la consommation de Laon, Charleville, Châlons-en-Champagne et plus de 82% de la ville de Reims », précise François Istasse. Marie Gaillot a installé une unité de méthanisation avec comme volonté première de « diversifier les productions sur l’exploitation ». « Le cours des céréales était bas et on nous a proposé une production avec un contrat avec des prix fixes pendant 15 ans. Ensuite, nous voulions produire du gaz et surtout, avoir du digestat en retour pour pouvoir fertiliser nos champs de manière organique. La dernière chose est qu’il y a eu une véritable volonté politique de notre député de produire du gaz vert, et nous avons été embarqué dans le projet collectif du rebours de Vouziers », explique-t-elle.

« Il y a un consensus pour dire que le gaz restera une composante incontournable dans le mix énergétique de demain, à condition qu’il soit décarboné. Pour cela, les pouvoirs publics mettent une trajectoire avec une production de 44 TWh agricole à horizon 2030, c’est à dire quatre fois plus que le volume raccordé aujourd’hui au réseau. Dans le Grand Est, l’objectif sera 8 TWh pour 2030 contre 2,7 TWh raccordés aujourd’hui », détaille Denis Mecrin.

L’agrivoltaïsme ensuite. « Aujourd’hui, l’agrivoltaïsme obéit à un cadre exigeant mais comporte un fort potentiel de développement », fait savoir Alizée Loiseau, Consultante pour Agrosolutions, collectif d’ingénieurs engagés dans l’agriculture durable. « Pour pouvoir mettre en place une installation agrivoltaïque, la production agricole doit être suffisante, le revenu durable et surtout, le service doit être apporté directement à la parcelle, avec une amélioration du potentiel et de l’impact agricole et / ou une amélioration du bien-être animal », énumère Alizée Loiseau. En clair, cela doit d’abord être un projet agricole qui produit de l’énergie et non pas « un alibi » pour juste avoir un complément de revenu. C’est pourquoi l’installation ne doit pas dépasser 40% des surfaces agricoles et ne 20% de couverture à partir du moment où il y a une perte de rendement.

Dans la région, Ingelios, bureau d’étude de l’entreprise Siliceo, développe des produits pour optimiser le fonctionnement des panneaux solaires. « Nous avons développé les panneaux « Tournesol », c’est à dire qu’ils s’orientent en fonction de la position du soleil. L’idée est d’avoir une production qui démarre très tôt le matin et finit très tard le soir. On régule en permanence l’inclinaison des panneaux », indique Cyril Damet, Directeur. Une fois les panneaux installés, l’agriculteur peut suivre, via une application, l’orientation du soleil et de ses panneaux. « Si, par exemple, il veut 20% « d’effacement » pour permettre à ses cultures de bénéficier du soleil, l’installation est paramétrable. »

« Avec l’agrivoltaïsme, l’agriculteur vient désormais s’insérer dans le territoire de manière sociale en venant fournir de l’énergie aux habitants et aux entreprises sur 20 ou 25% de la production, tout en sécurisant les coûts. Cela peut être de l’emploi préservé, une zone redynamisée économiquement, l’agriculteur devient un acteur du développement économique », insiste Paul-Antoine Grasset, Directeur capital investissement au Crédit Agricole du Nord Est.