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Les buralistes reviennent dans le jeu

Commerce. Pour faire face à la diminution inéluctable des ventes de tabac, la profession se réinvente avec de nouvelles offres et des services de proximité.

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Photo de Pascal Brie
Pascal Brie et le présentoir CBD qui prend de plus en plus d’importance (Crédit : LL)

Certains pronostiquaient leur mort à petit feu. La hausse continue du prix des cigarettes, mais aussi les trafics en tous genres autour du tabac, ont certes porté un coup aux commerces dont cette activité représente encore la moitié du chiffre d’affaires pour beaucoup. « On sait que le volume de tabac, que nous vendons pour le compte de l’État, va aller forcément en décroissant, mais déjà plus de 40 % de nos clients viennent chercher autre chose que des cigarettes », résume Pascal Brie, président des buralistes de l’Aube. Si la réduction des ventes de tabac est inéluctable pour des raisons de santé publique, dans le Grand Est, elle est accélérée par les achats transfrontaliers et la vente de contrefaçons à la sauvette.

Une étude de KPMG en 2022 révèle que 32 % du tabac consommé en France est représenté par la contrefaçon et les achats à l’étranger. Une part forcément plus importante sur le Grand Est avec plus de 700 km de frontières avec des pays comme le Luxembourg, la Belgique et même l’Allemagne prisés par les fumeurs français. « On le ressent même dans la Marne avec une nouvelle chute de ventes de tabac de 8 % en 2023 », fait remarquer Alain Sauvage, président des buralistes de la Marne et du Grand Est. La diversification des activités s’impose comme une évidence.

Dans le commerce de Pascal Brie à Saint-André-les-Vergers, dans l’Aube, l’espace dédié aux cigarettes et au tabac s’est réduit pour faire place à d’autres produits, « comme le CBD qui a déjà trouvé sa clientèle ». Comme chez la plupart des buralistes, les jeux et la presse constituent encore le tiercé gagnant, mais pas forcément pour longtemps. De nouvelles activités ont pris place, comme le prouve le ballet incessant de livreurs et de clients venant chercher leur colis en point relais. Et ce n’est qu’un début.

« Nous avons signé au niveau national avec Amazon pour que leurs clients puissent venir chercher leurs colis chez nous », confirme le chef d’entreprise. Pour l’instant, quelques bureaux de tabac dans l’Aube, comme dans la Marne, s’y sont lancés.

« Cela se fait sur la base du volontariat, mais l’objectif c’est d’en compter 550 au niveau national dès 2024 », précise Alain Sauvage, président des buralistes marnais. Si Amazon s’est intéressé aux buralistes, c’est pour l’importance de son maillage territorial. Il n’est pas le seul à s’y intéresser et la confédération des buralistes a pu le constater lors du salon des maires auquel la profession participe depuis quatre ans. « Nous sommes déjà sollicités par des maires par exemple pour la mise en place de solution de retrait de billets alors que les distributeurs et les agences bancaires ferment, notamment en milieu rural », ajoute le buraliste marnais.

Des colis et des cartouches

Le gouvernement vient aussi de prendre l’initiative de proposer la possibilité de vendre d’autres cartouches que celle de cigarettes dans les bureaux de tabac. « Vendre des cartouches pour les fusils des chasseurs, c’est une opportunité d’autant que nos boutiques sont déjà équipées de systèmes de sécurité pour le tabac. Et puis ça peut aussi rendre des services de proximité aux chasseurs qui doivent parfois se déplacer loin pour se fournir », estime Pascal Sauvage.

Les buralistes qui voudront le faire devront passer obligatoirement par une formation de deux jours afin de connaître parfaitement la législation liée à la vente de munitions. Progressivement, les bureaux de tabacs deviennent des commerces de proximité proposant aussi des boissons fraîches ou chaudes, des accessoires de mode ou encore de la papeterie...et de plus en plus de services numériques. De quoi redonner un regain d’intérêt à une profession toujours bien présente sur le territoire.

« Au niveau national, alors que nous étions à un rythme annuel de 600 à 800 fermetures, nous n’en sommes plus qu’à une centaine par an », analyse Alain Sauvage. Une quasi-stabilité pour un réseau de 23 300 commerces dont 41 % situés dans des communes de moins de 3 500 habitants. Mieux même, alors que la profession était décriée car très associée à la vente de tabac, elle redevient attractive. « Chaque année, 10 % du réseau change de mains et les banques n’hésitent pas à soutenir la nouvelle génération de repreneurs », se félicite le président marnais qui est également trésorier national de la Confédération des buralistes. Dans la région, on recense 196 buralistes dans la Marne, 140 dans l’Aube et 98 dans les Ardennes.