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Les Assises de la prévention plaident pour la collégialité des informations

Emploi. Les Assises de la prévention, organisées par les tribunaux de commerce de la Marne, ont affirmé le rôle majeur de ces derniers dans la détection des signaux faibles des entreprises et ont aussi révélé l’absence d’une collégialité nécessaire en amont du traitement des difficultés.

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« Seuls, nous ne pouvons rien faire. Pour réussir, le Plan de sortie de crise a besoin de la fédération de tous les organismes au contact de la vie des entreprises », estiment les présidents des tribunaux de commerce la Marne. DR

En ouverture de ces Assises de la prévention, sous l’égide de la Cour d’appel de Reims et organisées par les tribunaux de commerce de Reims et Châlons-en-Champagne, Jean-Baptiste Parlos, Premier président de la Cour d’appel de Reims souligne les enjeux d’une telle rencontre : « Il s’agit d’économie, d’emploi et de justice, de la vie des entreprises et de la place des tribunaux de commerce dans la prévention de leurs difficultés ». Cette opération de sensibilisation portée par les deux tribunaux de la Marne s’appuie sur la conviction de leurs deux Présidents : « Seuls, nous ne pouvons rien faire. Pour réussir, le Plan de sortie de crise a besoin de la fédération de tous les organismes au contact de la vie des entreprises ».

Ces data difficiles à partager

Les paramètres actuels ne sont pas alarmants, mais l’après-crise n’est pas gagnée. Toutes les entreprises ne disposent pas d’une assurance sur l’avenir. L’urgence est dans la détection des fameux signaux faibles : la situation de l’emploi, le règlement des dettes, les retards de paiement aux fournisseurs, les comptes sociaux, la cotation Banque de France… La détection, voilà le mot clé du débat, tel qu’il est évoqué par Bernard Detrez, le Président de la Chambre de métiers et de l’artisanat des Ardennes : « Nous n’avons pas les moyens de détecter. Dès que l’on parle d’argent, c’est tabou. Nous ne disposons pas de l’outil nécessaire ».

Pierre-Louis Bien, responsable du recouvrement amiable et forcé de l’URSSAF de la Marne déplore sur ce sujet le trop souvent mode curatif de sa mission. Lui aussi croise les données d’autres organismes et souligne le rôle important des commissaires aux comptes. Que fait l’URSSAF des informations qu’elle possède ? La question vient du Premier président de la Cour d’appel. Réponse de l’URSSAF : « Nous ne transmettons pas nos listes aux tribunaux de commerce. C’est la loi ». La guerre des algorithmes et des data sur le point d’être déclarée au coeur des Assises ?

« Les entreprises ont besoin des tribunaux de commerce »

La Présidente de la Conférence générale des juges consulaires de France, Sonia Arrouas éteint les braises : « Le tribunal de commerce d’Evry a signé une convention avec l’URSSAF et la Banque de France et cela fonctionne bien ». Sur ce sujet chaud, Dominique Mari, Animateur du Comité départemental de sortie de crise, note qu’il s’agit d’une convention locale, s’en étonne et donne son point de vue sur les data : « Les chiffres, les data, c’est bien. Mais l’humain et le dialogue, c’est mieux », avant de préciser : « Réglementairement, nous ne pouvons pas tout communiquer ».

Le rôle encore méconnu des Tribunaux de commerce

Place aux experts comptables et aux commissaires aux comptes, avec des positions bien différentes dans leurs obligations vis-à-vis des entreprises : « Les commissaires aux comptes sont des lanceurs d’alerte … S’ils ne l’étaient pas, ils seraient sanctionnables. Pourquoi les entreprises ne s’adressent-elles pas aux tribunaux de commerce ? Nous sommes dans l’humain et les tribunaux font peur. La majorité des chefs d’entreprise imagine que le tribunal est un accélérateur de la déconfiture de l’entreprise en difficulté ».

Chacun pour soi. Un membre de la CCI de la Marne lance : « Le tribunal, cela fait peur. La CCI c’est mieux ! ». Dominique Mari dresse un portrait idyllique du Comité départemental de sortie de crise : « Nous coordonnons la sortie de crise, nous sommes pragmatiques, souples, opérationnels et nous travaillons en collégialité avec tous les acteurs proches des entreprises… Et quand cela est nécessaire, nous dirigeons les chefs d’entreprises vers les tribunaux de commerce… Le point d’entrée, c’est nous ».

Jean-Marie Soyer répond alors : « Nous sommes contents que tous fassent de la détection, mais n’oubliez pas que juridiquement, nous sommes les seuls à pouvoir apporter des solutions solides aux entreprises en difficulté ». La conclusion revient à l’invité d’honneur. Sonia Arrouas note que les entreprises ont su réagir à une crise qui aura eu le mérite de créer de la réactivité, de renforcer la formation, la communication et l’innovation et confirme le propos central de ces Assises : « Les entreprises ont besoin des tribunaux de commerce ».