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Les 23 recommandations du Sénat pour la viticulture française

Viticulture. Les Sénateurs, auteurs du rapport sur l’avenir de la viticulture, proposent d’organiser, en 2026, des Assises nationales de la viticulture sous l’égide du ministère de l’Agriculture.

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Photo de Sébastien Pla, Daniel Laurent et Henri Cabanel
Les trois Sénateurs Sébastien Pla, Daniel Laurent et Henri Cabanel et exposent 23 recommandations pour l’avenir de la viticulture hexagonale. (Crédits : SENAT)

« Désormais, une bouteille d’huile d’olive se vend plus cher que certains vins sous appellation ». Une petite phrase lourde de sens, par laquelle le Sénateur Daniel Laurent illustre la nécessité de se pencher sur une filière viticole aujourd’hui bousculée.

Face aux difficultés rencontrées par la viticulture française, trois Sénateurs ont donc planché sur un rapport destiné à penser son avenir. Eux-mêmes viticulteurs et issus de différents groupes politiques, Daniel Laurent, Henri Cabanel et Sébastien Pla présentent des idées parfois inattendues, sous la forme de 23 recommandations. Après plus de 50 auditions et 150 rencontres, ils dressent un état des lieux précis et de leur aveu même « décoiffant » de la filière tout en insistant : il ne s’agit pas d’un rapport de plus, mais d’un véritable outil destiné à enclencher des réformes. « Nous sommes convaincus, parce que nous sommes viticulteurs, qu’il est indispensable de trouver des solutions concrètes pour régler les problèmes de la viticulture ».

Selon eux, la crise de la viticulture hexagonale est profonde et résulte de causes multiples : dérèglement climatique, mutation des habitudes de consommation, concurrence internationale accrue, succession de chocs économiques (pandémie, guerre en Ukraine, tensions commerciales avec les États-Unis et la Chine).

Les Sénateurs estiment ainsi que les crises sont trop souvent surmontées à coups d’aides publiques, qui ne suffisent plus à masquer les fragilités structurelles. « Quand ça va bien, on veut planter de la vigne, et on demande des aides à la plantation. Quand tout va mal, on veut arracher la vigne, et on demande des aides à l’arrachage. Ça n’est plus possible », alerte Daniel Laurent. Or, l’enjeu est majeur : il s’agit de préserver une filière d’excellence. « Pour nous, la vigne, c’est un patrimoine ».

Des assises en 2026

Parmi leurs propositions, l’une d’entre elles, la principale même, appelle à organiser des Assises nationales de la viticulture dès 2026, sous l’égide du ministère de l’Agriculture. Des Assises qui rassembleraient à la fois producteurs, négociants, distributeurs, coopératives, banques et institutions publiques dans le but de « bâtir un pacte de filière ». Un pacte d’union indispensable pour rétablir le dialogue parfois rompu, dans certains vignobles entre producteurs et distributeurs. « Pour que ces Assises de la viticulture constituent un véritable tournant pour la filière, nous proposons qu’elles s’organisent autour d’un pacte entre l’amont et l’aval de la filière, c’est-à-dire entre les producteurs et toutes celles et ceux qui stockent, commercialisent ou consomment », souligne Daniel Laurent.

Les Sénateurs proposent ainsi d’ouvrir les organismes de défense et de gestion (ODG) à l’aval, pour que celui-ci puisse avoir voix au chapitre quant aux orientations de production choisies. Une proposition qui, en Champagne, ouvrirait la porte au Négoce, une solution historiquement refusée par le Syndicat général des Vignerons. « L’effort demandé à la production est considérable, tant l’histoire des ODG est ancienne », admet le rapporteur, qui ajoute : « Les Assises de la viticulture devront être le lieu où chacun est mis devant ses responsabilités ».

L’union à l’international

Selon les Sénateurs, parmi les freins à la compétitivité de la filière figure également l’absence de stratégie commune face à des concurrents unis sous une bannière nationale. « Nous voulons qu’il y ait une volonté d’union pour mettre en avant l’image France et le vin français. Si nous sommes les premiers au niveau de l’export en valeur, nous sommes loin en termes de volume : quand nous exportons 12 millions d’hectolitres, nos concurrents européens, les Italiens en tête sont à 22 millions d’hectolitres, l’Espagne à 20 millions », note Henri Cabanel, Sénateur de l’Hérault. « Construisons une bannière France du vin. »

Parmi les autres recommandations phares figurent par exemple : la poursuite de la politique de prévention et de lutte contre le mal-être agricole, la simplification des démarches administratives, la conditionnalité des aides publiques à la réussite des futures Assises et à la coopération entre acteurs, la promotion de la contractualisation entre producteurs et distributeurs, afin de sécuriser les débouchés, la réorientation des plans d’arrachage vers des stratégies collectives de bassin, et non plus des initiatives isolées, une évaluation rigoureuse des fonds publics pour garantir leur efficacité, garantir à la filière viticole une stabilité fiscale....

La filière vin française compte pas moins de 236 organismes de défense et de gestion (ODG) gérant 442 appellations d’origine protégée (AOP) et indications géographiques protégées (IGP), 23 interprofessions... Une complexité en matière d’organisation et de lisibilité qui ne l’empêche pas d’être performante, notamment à l’international puisque, par exemple, contrôlant 17 % des parts de marché mondial, la filière vins et spiritueux hexagonale a dégagé, en 2023, un excédent de 14,73 Mds€, soit l’équivalent de 49 Airbus A380, faisant d’elle la 3e contributrice à la balance commerciale française. Un atout économique pour le pays qui doit absolument être préservé tant le modèle est chahuté au niveau international.

Et parmi les régions exemplaires en matière d’organisation, celles de Cognac et de Champagne figurent en tête, admettent les rapporteurs. « Ce sont deux régions qui sont très organisées entre les producteurs et les metteurs en marché et qui fonctionnent très bien. Ce sont des régions qui maîtrisent l’offre : elles ne produisent pas plus que ce que l’offre leur permet. Et donc, ce sont des appellations qui, chaque année, à la suite d’âpres discussions entre tous les acteurs, au niveau de la production des propriétaires récoltants, des négoces et de la distribution, définissent la quantité de kg à l’hectare que doivent produire les vignerons ».

De quoi inspirer dès demain l’ensemble de la filière viticole hexagonale ?