Léger rebond pour le Grand Est, territoire résilient
Baromètre. Au troisième trimestre 2025, l’activité est plutôt stable dans le Grand Est, avec trois départements particulièrement orientés à la hausse : la Haute-Marne (+ 2,5 %), la Marne (+ 0,6 %) et les Vosges (+ 0,5 %).
Alimenté par les déclarations de TVA des entreprises, le baromètre des indicateurs régionaux de l’Ordre des Experts Comptables du Grand Est se distingue particulièrement par ses données « fiables et réelles », souligne Catherine Hanssen, la Présidente du Conseil de l’Ordre. « Nous ne sommes pas sur une enquête d’opinion ou sur le ressenti de chefs d’entreprise, mais sur des données réelles, mois par mois, trimestre par trimestre, et à l’année. Pour le Grand Est, cela représente 41 000 TPE-PME, qui constituent la majorité du tissu économique que nous accompagnons », indique celle qui décrit cet outil comme « une mine d’or », en raison des nombreuses données qu’il contient, données qui peuvent être analysées au niveau national, régional, et même jusqu’à la finesse d’une ville. « Cet outil, objectif et réaliste, peut fournir des informations utiles aux organismes publics, aux dirigeants et aux entreprises, pour anticiper certaines décisions ».
Profession réglementée, basée sous l’autorité de tutelle de Bercy, la profession d’Expert-Comptable est soumise à l’obtention d’un diplôme ainsi qu’à l’inscription à l’Ordre des Experts-Comptables. Le Grand Est (10 départements et trois antennes locales à Strasbourg, Reims et Nancy) est la sixième des 16 régions ordinales au niveau français avec 1 600 personnes physiques inscrites, avec pratiquement la même proportion de sociétés d’expertise comptable. « Notre diplôme exige trois ans de stage et nous avons très exactement 538 stagiaires actuellement dans le cursus pour devenir Experts-Comptables », souligne la Présidente, qui représente 1 600 sociétés employant 15 000 collaborateurs sur le Grand Est. « Nous sommes l’interlocuteur privilégié des entreprises pour les accompagner dans leur développement, l’analyse de leurs chiffres et, en ce moment, pour les aider à s’adapter aux mutations technologiques et économiques ».
Dans les données présentées par l’ordre des Experts Comptables, deux indices ressortent, liés à la TVA, donc au chiffre d’affaires des entreprises du Grand Est : le premier est l’ICA (indice de chiffre d’affaires), qui permet de comparer les chiffres d’affaires du troisième trimestre 2025 avec ceux réalisés au troisième trimestre 2024. Le second indice est l’ICAC (indice de chiffre d’affaires cumulé), qui recense le chiffre d’affaires réalisé sur les neuf premiers mois de l’année (de janvier à septembre 2025), comparé à celui réalisé de janvier à septembre de l’année précédente. « Les données que nous présentons ne tiennent pas compte de l’inflation », précise la Présidente, sachant que l’inflation était estimée à 1,2 % au 30 septembre par l’Insee.
Activité plutôt stable
Avec un ICA positif (+ 0,4%) entre le troisième trimestre 2024 et le troisième trimestre 2025 le Grand Est enregistre donc une légère progression de son chiffre d’affaires. « Nous tirons plutôt bien notre épingle du jeu puisque le national est à –0,3 % », souligne Catherine Hanssen. Au troisième trimestre 2025, l’activité est donc plutôt stable dans le Grand Est, avec trois départements particulièrement orientés à la hausse : la Haute-Marne (+ 2,5 %), la Marne (+ 0,6 %) et les Vosges (+ 0,5 %). Si les ICA des autres départements de la région sont globalement situés autour de zéro, le département des Ardennes se trouve en queue de peloton à – 2,7 %.
L’ICA du Grand Est renoue en cette fin d’année avec un trimestre positif après trois trimestres négatifs depuis le quatrième trimestre 2024. Sur des chiffres cumulés depuis le 1er septembre 2025 – comparés à la même période en 2024 – toutes les régions sont en négatif sauf la Bretagne (+0,8%) et la Normandie (0%). « Avec -0,4% le Grand Est est dans le top 5 des régions qui résistent. La moyenne française est de -0,7 %, donc nous résistons mieux », note la présidente.
Parmi les six activités mises en lumière par l’Ordre des Experts-Comptables, il en ressort que le commerce d’habillement spécialisé est en forte régression avec –5,6 % de chiffre d’affaires cumulé.« Cela s’explique par le ralentissement économique, les arbitrages budgétaires, et la concurrence du e-commerce », souligne Catherine Hanssen. Dans le Grand Est, la baisse est plus marquée dans l’Aube et les Ardennes que dans les autres départements. De son côté , le secteur de la boulangerie-pâtisserie se maintient plutôt bien avec +0,2 % de chiffre d’affaires cumulé, alors que le national est à –1 %. Un bon résultat global qui peut être expliqué par la diversification des produits (pains spéciaux, etc.) et un report des consommateurs vers le snacking, phénomène également observé dans la restauration rapide. Dans le Grand Est, le secteur de la boucherie-traiteur est également en hausse à + 0,6 %, un résultat supérieur à celui enregistré au national (+ 0,2 %). Une croissance qui s’explique aussi par une hausse des prix liée à la raréfaction de l’offre.
Du côté de l’hôtellerie et de l’hébergement en revanche, la région enregistre – 2,7 % quand le national est à – 1,6 %. Si la clientèle domestique se maintient, elle réduit la durée des séjours et le coût des nuitées en raison des contraintes budgétaires. « On constate également une hausse de l’épargne des ménages (18 %) », souligne la présidente. La restauration traditionnelle dans le Grand Est est elle aussi en tension (- 4 %), tout comme elle l’est au national. Là aussi, on observe un changement des habitudes de consommation, avec un report vers la restauration rapide, qui s’en sort un peu mieux (- 1,7 %).
Des défaillances en hausse
Sur le territoire national, plus de 14 000 défaillances * ont été enregistrées au troisième trimestre 2025, soit + 5,2 % par rapport à 2024. Près de 50 000 procédures collectives ont été ouvertes au 6 octobre 2025, soit une hausse de +3,8 % sur les trois premiers trimestres 2025. « 67,7 % sont des liquidations judiciaires », précise Catherine Hanssen, qui note aussi que 52 000 emplois sont menacés par ces procédures, dont 20 600 rattachés à des entreprises en liquidation directe. « Le Grand Est représente 7 % du total national des défaillances, avec 3 377 procédures collectives ouvertes depuis le début de l’année et 907 défaillances au troisième trimestre 2025 (-0,4%). Nous sommes en léger recul par rapport au troisième trimestre 2024 : nous allons à contre-courant de la tendance nationale (+5,2%) ».
Département par département, l’étude enregistre des disparités territoriales fortes : des fortes hausses dans la Marne et les Vosges (plus de +40 %) alors qu’un repli est observé dans le Bas-Rhin (–8 %), le Haut-Rhin (–6 %). Un chiffre spectaculaire à relativiser car, comme le souligne la présidente : « Il est important de rappeler que nous observons un rattrapage des défaillances post-Covid : entre 2020 et 2022, il n’y avait presque plus de défaillances « naturelles » grâce aux aides massives. Il faut aussi ajouter qu’un grand nombre de créations d’entreprises ont été réalisées post-Covid, or on sait que statistiquement beaucoup d’entreprises ne survivent pas à leur troisième année. »
En conclusion, cette dernière l’admet : « Si les défaillances sont contenues dans la région, la situation reste fragile, notamment pour les TPE. L’économie reste résiliente mais nous devons rester attentifs pour éviter un report de difficultés sur 2026. La confiance reste essentielle : sans cap clair, les entreprises restent dans l’attentisme, ce qui bloque investissement et innovation ».